Les amis d’ici et d’ailleurs Bertrand Anne Lydie Béatrice…. pour ceux qui s’y risquent sur scène s’y collent y reviennent y passent ou y restent je vous suggère de lire ce très « riche » livre d’entretiens de citations de mises au point sur le jeu le fau (!) le vrai….le faux donc. Il est d’Anouk Grinberg, j’aurais lu ça avant qui sait ? De toutes les façons….
Il y a des avis comme celui de Dominique Valadié qui parle et après son metteur en scène Alain Françon, qu’est-ce que la complicité entre un metteur en scène et un acteur. Avant la lecture du livre, j’aurais dit une compréhension des deux et un ressenti sur la même trame.
Mais oui je crois à ce qu’on appprend à tout âge dans les livres :
DANS LE CERVEAU DES COMÉDIENS -ANOUK GRINBERG
DANS LE CERVEAU DES COMÉDIENS -ANOUK GRINBERG
« Dans le puits sans fond du jeu »
P112 à 113
Anouk.– comment tu fais pour jouer quand tu ne sens rien ?
Corinne Masiero.–. Je joue que je ne sens rien. Il vaut mieux que ça ne vienne pas, et que ça soit sincère, plutôt que ça vienne habilement. Quand tu ne sais plus quoi faire, c’est là que le moment est bien, parce que le moment où tu es vrai, tu es souvent ridicule. Et ça c’est beau.
…
Anouk.– comment tu fais pour pleurer sur commande ?
Corinne Masiero.–Je ne peux pas te répondre, parce que je ne sais pas comment ça marche, mais ça marche. Parfois je pensais à Yannick Noah quand il avait gagné son match. Ça passait à la télé, j’étais toute seule chez ma mère, et voir cet homme se lever comme il a fait, ça m’a fait pleurer. Donc j’y repense et ça marche. Parfois, ça ne marche pas. Mais quand je pleure, ce n’est pas ma tristesse, ce n’est pas moi toute seule, on dirait que je suis un groupe. Ou un robinet.
Anouk.–C’est dur de te montrer ?
Corinne Masiero.–Oui ! Au théâtre, j’ai le trac jusqu’aux saluts. J’ai vraiment peur, et j’ai honte de cette peur. C’est une peur de base. Mais parfois, c’est simple comme là devant toi ou comme quand j’étais petite j’allais faire du vélo, on s’arrêtait , chez des gens que ma copine connaissait dans les vieilles fermes, il n’y avait pas la télé, tu arrivais c’était calme. Si la porte était ouverte, tu entendais un peu de bruit de dehors, on parlait tout bas. Les gens te disaient : vous voulez un café ? Voilà un café ! Tu te disais il faut faire quelque chose, il faut parler… Non il n’y a pas besoin de parler, il faut juste être là. Jouer ça peut ressembler à ça, c’est aussi des vacances, des vacances de réflexion.
Avec un enfant comédien Quentin P113 à
114
Anouk.–À ton avis, si tu joues que ta mère est morte. Est-ce que le chagrin dans ton cerveau est le même que si ta vraie mère mourait dans la vie ?
Quentin.–Oui, je pense, mais il y a deux parties dans ton cerveau. Il y a une partie qui sait que ta mère n’est pas morte. Quand tu joues tu t’éteins la vérité et quand c’est fini tu la rallumes.
Anouk.–Tu penses qu’il est content le cerveau d’être allumé/éteint, allumé/éteint ?
Quentin.–C’est un peu fait pour ça, le cerveau. Il est prêt à tout, non ?
P117 à 119
Et maintenant je dirais comme Alain Françon :
« Oui, jouer c’est un exercice d’altérité. Et c’est un éloge de l’hypersensible. On peut l’aborder par plein de biais. Le chemin intelligent qui va aider les acteurs, ce n’est pas l’intelligence, ni le commandement psychologique. Il y a des moyens techniques pour y arriver la matérialité d’un texte, sa ponctuation, les accents toniques, un mot qui se répète souvent, font peu à peu apparaître le courant sous-marin de la partition, sa structure, les émotions. Il faut aussi s’empêcher de faire des continuités psychologiques, aller d’instant, en instant sans mémoire, sans anticiper sur ce qu’il y a après, lâcher la rampe et laisser affleurer toutes les contradictions. Seulement là, on rend justice. Parfois dire à un acteur « marque les points ! » peut ouvrir des chemins. Moi je ne parle pas trop des sentiments pour ne pas encombrer les acteurs. Et en même temps on peut parler de tout c’est ouvert.
Anouk.–On est un peu somnambule ?
Alain Françon.–Plus les acteurs sont somnambules, plus ils sont éveillés.
Anouk.– alors, tu hypnotises ?
Alain Françon.–Non, je ne crois pas. On cherche ensemble l’évidence, et quand on la trouve, c’est qu’on a perdu pied.
Anouk.–Alors, toi, tu les aides à perdre pied ?
Alain Françon.–Le plus que je peux
Anouk, c’est drôle comme métier de faire perdre pied à des gens.
Alain Françon .–l’endroit où ils vont, c’est le chemin où il n’y a plus de chemin. La grâce des acteurs c’est de faire une chose et son contraire faudrait toujours être dans le paradoxe.
…
Alain Françon.–Chez les bons acteurs, ce n’est ni vrai ni faux. C’est entre. C’est du jeu humainement expérimenté, mais il ne faut pas se mettre dans des états, il ne faut pas hystériser le jeu.
…
Alain Françon.–Oui. Je l’accompagne pendant une partie du voyage, mais à un moment il n’y a qu’eux qui peuvent aller plus loin.
P120
Joël Pommerat, auteur et metteur en scène.–« Je cherche avec l’acteur un certain état de réalité–un mot compliqué, vraiment–, un état de réalité dans le sens physique, du terme, le plus concret qui soit. Rapport à l’instant présent, au temps qui passe un rapport à l’espace autour de soi et aux autres individus qui occupent cet espace […]
Quand un acteur est dans le présent, alors, il existe il y a de la présence, comme on dit. Il est présent. […] je cherche l’intime, je cherche à ce qu’il soit sur le plateau dans un moment de grande proximité et de laisser-être. C’est cela que je veux montrer au théâtre : un laisser-être ; je veux enlever sa maîtrise à l’acteur. Je le mets en situation de ne plus être un comédien arborant et usant de son savoir-faire, mais un acteur qui, par son travail, tente d’enlever, tout ce qui pourrait le protéger, le masquer et lui permettre de se cacher, de garder le contrôle de l’image de lui-même, une sorte de carapace. donc je dépouille l’acteur, je lui demande de se dessaisir du savoir-faire, et de chercher à être sur la scène publique, dans la même situation que s’il était seul, sans avoir à composer pour le regard de l’autre. […] si vous assistiez à une séance de travail, vous m’entendriez dire les mêmes 10 mots pratiquement tout l’après-midi. Si vous reveniez un an plus tard, vous m’entendriez redire ces même mots. Or, ces mots, quels sont-ils ? Ce sont des mots qu’il faut reprendre comme pour la première fois, car c’est le travail de l’acteur de retourner à ses premières fois pour pouvoir être, ensuite, sur scène, comme pour la première fois. Ses mots, ses principes, les voici : travailler à partir de soi. […] il ne doit pas se projeter à l’extérieur de lui-même, en imagination. Il doit parler et penser à partir de lui-même. Il doit s’approprier les mots du texte comme si ses mots étaient les siens, c’est-à-dire comme s’il en était lui-même, l’auteur. Sans distance. Il doit rester dans l’innocence de la représentation de ce qu’il va faire, à deux sa création, en aveugle, je dirais. »