samedi 13 janvier 2007
"PIAF COCTEAU"
Je vous propose un texte en réponse aux questions, un texte écrit, un texte long, en prévention des questions, qui vont être posées à l'occasion de ce film français, qui va sortir bientôt, sur Edith PIAF.
Ce texte je l'ai trouvé accroché sur un mur de théâtre. Il était épinglé par un des acteurs, auteurs, metteurs en scène, professeur, que je vous conseille si vous aimez et le théâtre et l'amour : Stéphane Auvray-Nauroy
A propos d'Edith Piaf par Jean Cocteau
"J’aime beaucoup la façon désinvolte avec laquelle Stendhal emploie le mot génie. Je trouve du génie à une femme qui sait sourire, à un joueur de cartes qui laisse gagner son adversaire. Bref, il ne laisse pas le mot dans les hauteurs. Je veux dire par là que ces femmes et que ces joueurs réunissent en une seconde toutes les puissances confuses qui composent la grâce et qu’ils mettent à l’extrême pointe. Laissez-moi adopter son style pour vous dire que Madame Edith Piaf a du génie. Elle est inimitable. Il n’y a jamais eu d’Edith Piaf, il n’y en aura jamais plus.
Comme Yvette Guilbert ou Yvonne Georges, comme Rachel ou Réjane, elle est une étoile qui se dévore dans la solitude nocturne du ciel de France. C’est elle que contemplent les couples enlacés qui savent encore aimer, souffrir et mourir. Regardez cette étonnante petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d’aveugle qui vient de retrouver la vue. Comment changera-t-elle ? Comment sourira-t-elle ? Comment sortira-t-elle de sa poitrine étroite les grandes plaintes de la nuit ? Et voilà qu’elle chante ou plutôt qu’à la mode du rossignol d’avril elle essaye son chant d’amour.
Avez-vous entendu ce chant du rossignol ? Il peine. Il hésite. Il racle. Il s’étrangle. Il s’élance, il retombe et soudain, il trouve. Il vocalise, il bouleverse.
Très vite Edith Piaf qui se tâte et tâte son public a trouvé son chant. Et voilà qu’une voix qui sort des entrailles une voix qui l’habite des pieds à la tête déroule une haute vague de velours noir. Cette vague chaude nous submerge nous traverse pénètre en nous. Le tour est joué. Edith Piaf comme le rossignol invisible installé sur la branche va devenir elle-même invisible. Il ne restera plus d’elle que son regard ses mains pâles ce front de cire qui accroche la lumière et cette voix qui gonfle, qui monte qui monte qui pas à pas se substitue à elle et qui grandissant comme son ombre sur un mur remplacera glorieusement cette petite fille timide.
De cette minute le génie de Madame Piaf devient visible et chacun le constate. Elle se dépasse. L’âme de la rue qui s‘adresse aux immeubles silencieux qui la borde, l’âme de la rue pénètre dans toutes les chambres de la ville. Ce n’est plus Madame Edith Piaf qui chante c’est la pluie qui tombe c’est le vent qui se plaint c’est le clair de lune qui met sa nappe.
La bouche d’ombre, le terme à l’air d’avoir été inventé pour elle. Je cède la place à cette belle bouche oraculeuse à cette terrible petite somnambule qui chante des rêves en l’air au bord des toits."
Chère Nathalie, pourriez vous me dire la source de cette magnifique texte de Cocteau sur Edith Piaf. Je travaille au théatre á Nuremberg en Allemagne et je voudrais bien publier ce texte dans le programme pour notre mise en scene de "Piaf" de Pam Gems.
RépondreSupprimerMon adress: Frank-Behnke@t-online.de
merci beaucoup
Frank Behnke