Musée haut, Musée bas.
Comme vous savez le film est sorti et je ne suis pas allée encore le voir, qui sait il ne me sent pas...
J'ai un apriori total sur ce film, trop de vedettes, un peu comme dans une équipe de foot, nuit ; j'y serais allée s'il avait été dédié ce film, à tous les anonymes, "les véritables chefs d'œuvre"(déclarait JM Ribes à la télévision) qui défilent dans les musées.
Alors, bien sûr comme dans Palace, ils se côtoient "les chefs d'œuvres" et les "croûtes"... ceux celles qui sont répertoriés chez les directeurs de casting les plus prestigieux, vous connaissez déjà, Monsieur Dominique Besnéhard, le plus célèbre des agents d'Artmédia (vous y verrez très peu d'inconnus de petits nouveaux) Monsieur Dominique Besnéhard, mais pas le moins ridicule et démagogique depuis son soutien à Ségolène Royal, mais certainement un homme de talent.
Le soucis des vedettes, c'est un peu comme dans la publicité Zidane chez l'opticien, jamais on ne peut s'imaginer qu'ils sont Monsieur et Madame tout le Monde... et qu'ils vont acheter leur ticket d'entrée ou leur paire de lunettes. Dans la publicité au moins c'est fait pour, un second degré qui est beaucoup plus réussi avec la publicité pour le café et avec Georges Clooney surtout la deuxième version... où il dit ne pas s'appeler Georges Clooney, pour prendre son expresso.
Je parle rarement des pubs et pourtant c'est un véhicule...qui m'intéresse toujours autant.
J'ai dans les années 90, repris des études en bossant à coté et en continuant le théâtre c'est à dire en jouant.
Certains créatifs en publicité sont des artistes originaux bousculant les codes et mélangeant les palettes de références comme Jean-Paul Goude l'ex-mari de Grace Jones...(son dernier disque est très bon a dit mon ami).
C'est une grosse lacune en France, le manque d'imagination et de métier pour donner une dimension aux petits rôles (qui n'en sont pas nous sommes bien d'accord). C'est très criant, par rapport au cinéma américain... Les figurants, c'est pire, entre mannequins et soldats de plomb, c'est tout juste si on n'entend pas compter un, deux, trois après le fameux : Action et ils sourient ou commencent juste l'action en regardant bien en face la caméra, tous les costumes sont trop propres ou trop sales. Par exemple la scène qui termine le remake du "Deuxième souffle" d'Alain Corneau, dans l'ensemble, assez réussi j'ai trouvé, une scène de rue. Reconstitution de Paris, un boutiquier ouvre sa porte forcément des passants l'interpellent, forcément il regarde le ciel pour savoir quel temps il fait, des enfants passent l'un en trottinette....
Mais s'il est un film à aller voir au cinoche, c'est le dernier de Monsieur James Gray, avec Gwyneth Paltrow et Joaquin Phoenix, et quitte à y aller seule, je vais y courir.
J'ai un apriori total sur ce film, trop de vedettes, un peu comme dans une équipe de foot, nuit ; j'y serais allée s'il avait été dédié ce film, à tous les anonymes, "les véritables chefs d'œuvre"(déclarait JM Ribes à la télévision) qui défilent dans les musées.
Alors, bien sûr comme dans Palace, ils se côtoient "les chefs d'œuvres" et les "croûtes"... ceux celles qui sont répertoriés chez les directeurs de casting les plus prestigieux, vous connaissez déjà, Monsieur Dominique Besnéhard, le plus célèbre des agents d'Artmédia (vous y verrez très peu d'inconnus de petits nouveaux) Monsieur Dominique Besnéhard, mais pas le moins ridicule et démagogique depuis son soutien à Ségolène Royal, mais certainement un homme de talent.
Le soucis des vedettes, c'est un peu comme dans la publicité Zidane chez l'opticien, jamais on ne peut s'imaginer qu'ils sont Monsieur et Madame tout le Monde... et qu'ils vont acheter leur ticket d'entrée ou leur paire de lunettes. Dans la publicité au moins c'est fait pour, un second degré qui est beaucoup plus réussi avec la publicité pour le café et avec Georges Clooney surtout la deuxième version... où il dit ne pas s'appeler Georges Clooney, pour prendre son expresso.
Je parle rarement des pubs et pourtant c'est un véhicule...qui m'intéresse toujours autant.
J'ai dans les années 90, repris des études en bossant à coté et en continuant le théâtre c'est à dire en jouant.
Certains créatifs en publicité sont des artistes originaux bousculant les codes et mélangeant les palettes de références comme Jean-Paul Goude l'ex-mari de Grace Jones...(son dernier disque est très bon a dit mon ami).
C'est une grosse lacune en France, le manque d'imagination et de métier pour donner une dimension aux petits rôles (qui n'en sont pas nous sommes bien d'accord). C'est très criant, par rapport au cinéma américain... Les figurants, c'est pire, entre mannequins et soldats de plomb, c'est tout juste si on n'entend pas compter un, deux, trois après le fameux : Action et ils sourient ou commencent juste l'action en regardant bien en face la caméra, tous les costumes sont trop propres ou trop sales. Par exemple la scène qui termine le remake du "Deuxième souffle" d'Alain Corneau, dans l'ensemble, assez réussi j'ai trouvé, une scène de rue. Reconstitution de Paris, un boutiquier ouvre sa porte forcément des passants l'interpellent, forcément il regarde le ciel pour savoir quel temps il fait, des enfants passent l'un en trottinette....
Mais s'il est un film à aller voir au cinoche, c'est le dernier de Monsieur James Gray, avec Gwyneth Paltrow et Joaquin Phoenix, et quitte à y aller seule, je vais y courir.
À propos des textes de Monsieur Jean-Michel Ribes, j'entends beaucoup de réticences, je voudrais insister sur l'efficacité de son sens de l'absurde, sur son oeil à épingler les facettes de la comédie humaine, des parodies. Dubillard, Topor, Tati ne sont pas si éloignés de lui, il est directeur de théâtre, alors on lui ôte, à lui aussi, beaucoup de son talent. Je trouve cela dommage ; cela me fait penser à de petites querelles de boutiquiers et je suis fille de commerçants, à des jalousies, alors que Monsieur Ribes est un glaneur de talents, un auteur, un metteur en scène, un directeur de plateau et maintenant un directeur de théâtre assez fidèle à lui-même, à ses exigences et à ses opinions.
Pour avoir fait beaucoup travailler ses pièces aux apprentis comédiens je dois faire remarquer qu'ils donnent souvent lieu au plaisir de jouer et de faire rire. C'est une matière souple et exigeante. Le texte s'apprend assez vite mais ce n'est pas si simple à jouer. Il faut composer aller dans la démesure et rester juste, jouer les sous-textes. Il y a comme une tendresse pour tous ces animaux vus au microscope.
PARKING Pour avoir fait beaucoup travailler ses pièces aux apprentis comédiens je dois faire remarquer qu'ils donnent souvent lieu au plaisir de jouer et de faire rire. C'est une matière souple et exigeante. Le texte s'apprend assez vite mais ce n'est pas si simple à jouer. Il faut composer aller dans la démesure et rester juste, jouer les sous-textes. Il y a comme une tendresse pour tous ces animaux vus au microscope.
Baroque et surréalisme
PARKING de Jean-Michel RIBES, scène extraite de Musée Haut, Musée Bas pièce de théâtre éditée aux Éditions BABEL, une collection de Livres de Poche.
Maurice le père, Rolande la mère, Jules le fils, Lisette la tante et Rosine l'amie traversent le musée, visiblement perdus. Rosine tient un sac de la boutique du musée à la main, Jules porte sous le bras un rouleau provenant du même endroit.
LE PÈRE. Rembrandt B 12 ou à la rigueur C12, mais Rembrandt ça c'est sûr.
LE FILS. Je te dis que c'est Vélasquez papa. Vélasquez P9, quatrième sous-sol.
LE PÈRE. Jules, si on était garés à Vélasquez, crois-moi je m'en souviendrais, Vélasquez c'est le nom de mon assureur, Henri Vélasquez, qui me pompe cinq mille euros par an pour ne jamais rien me rembourser, alors si la voiture était à Henri Vélasquez, ça serait marqué là !
Il se tape le front avec l'index.
ROSINE. Moi, j'ai cette vision très nette d'un panneau "Places libres à Delacroix".
LA MÈRE. Non Rosine, Delacroix était complet, Poussin était plein et quand on a vu que Renoir était réservé aux abonnés j'ai même dit à Maurice : « Tu vas voir, avec la chance qu'on a, on va se retrouver à Picasso »
LE PÈRE (tendu). Et on n'y a pas été à Picasso, OK !
LA MÈRE. Et heureusement, je déteste ce type, tu le sais !
LE PÈRE. Seulement il y avait toutes les places qu'on voulait à l'étage Picasso !
LA MÈRE. Tu m'étonnes !
LE PÈRE. Et on se serait parqués à Picasso, à l'heure qu'il est, on saurait où est la voiture, elle serait à Picasso, le peintre que n'aime pas ta mère, c'était un très bon moyen mnémotechnique !
LISETTE. Et Watteau, ça ne vous rappelle rien ?
LE FILS. Alors si on est à Watteau, c'est idiot, parce que l'entrée du parking Watteau est de l'autre côté du musée, exactement d'où on vient.
LA MÈRE. Je n'en peux plus !
LISETTE. C'est dommage ...
LA MÈRE. Non Lisette, s'il te plaît, ne redis pas pour la millième fois "c'est dommage qu'on ne soit pas venus en taxi".
LlSETTE. Je ne le redis pas, mais en plus ça aurait coûté moins cher que le parking, un taxi.
LA MÈRE. Oui, mais là on n'est pas venus en taxi Lisette, on est venus avec la Peugeot de Maurice qu'il rêvait sans doute de garer à Picasso.
LE PÈRE. Je vous dis qu'on est à Rembrandt, je me revois braquant q-devant sa grosse tête enfoncée dans son bonnet, peinte sur le mur du deuxième sous-sol.
LISETTE. La grosse tête de qui ?
LE PÈRE. De Rembrandt.
ROSINE. Il avait une grosse tête Rembrandt ?
LE PÈRE. Énorme, en tout cas dans le parking, toute peinte en vert fluo pour qu'on la voie bien dans les phares.
LISETTE. Une grosse tête de Rembrandt, peinte en vert fluo, ça m'aurait marquée quand même.
LA MÈRE. Mais il ne sait même pas la tête qu'il a, Rembrandt, c'était peut-être celle de Breughel ou de Jérôme Bosch, il n'y connaît rien en peinture, rien, sinon il y a longtemps qu'il l'aurait retrouvée sa voiture.
LE FILS. Si tu es si sûr qu'on est à Rembrandt papa, est-ce que tu peux nous dire où se trouve l'entrée du parking qui mène à Rembrandt ?
LE PÈRE. Je la cherche, Jules, depuis trente-cinq minutes je la cherche, et tu vois, Picasso que ta mère déteste tant, lui, il ne cherchait pas ...
LE FILS. Je sais.
LE PÈRE. Il trouvait, et il aurait été là Picasso, il y a longtemps qu'il l'aurait trouvée l'entrée du parking!
LA MÈRE. Oui, eh bien moi il y a longtemps que je serais rentrée en taxi s'il avait été là Picasso!
LISETTE. Tu vois comme c'est pratique le taxi, Rolande.
ROSINE. Moi je crois qu'il faut repartir du début, calmement"on retourne à la cafétéria, on prend le grand escalier, on passe devant la boutique, on traverse les mosaïques romaines ...
LISETTE. Ça, je me souviens très bien, aux mosaïques romaines, quand j’ai dit à Rosine: « Tous ces petits cailloux, mon Dieu, mais quelle patience ! Quelle patience ! ... » Maurice était déjà nerveux.
ROSINE. Amon avis, c'est là qu'on s'est perdus.
LA :MÈRE. Bon, Maurice, je te signale que Rosine a son train à 18 heures, alors si tu peux nous éviter qu'on retraverse tout Pompéi en faisant quelque chose d'intelligent, par exemple, je ne sais pas, regarder ton plan !
LE PÈRE. Tu ne me parles pas comme ça, Rolande, s'il te plaît! Parce: que moi aussi je suis fatigué, moi aussi j'en ai marre, moi aussi je les ai faites les dix salles "du Maniérisme au Baroque".
LA MÈRE. Non, « du Baroque au Maniérisme ».
LE PÈRE. Non, « du Maniérisme au Baroque ».
LA MÈRE. Parfait ! alors monsieur « je sais tout », est-ce que maintenant il serait possible de faire « du Baroque au Parking ? » (Elle se cogne dans le rouleau du fils.) Aïe !
LE PÈRE Quoi "Aïe" ?!
LA MÈRE. Je ne dis pas "Aïe" à toi, je dis "Aïe" à Jules! Je sais que tu es le noyau de l'univers Maurice, mais sache qu'à chaque fois qu'on prononce une parole sur terre elle ne t'est pas forcément destinée! ... (Il s'éloigne.) Où tu vas ?
LE PÈRE. Je ne te réponds pas.
LA MÈRE. Pourquoi ?
LE PÈRE. Parce que j'ai décidé de ne plus m'adresser qu'à des gens normaux pour retrouver la voiture !
Il s'éloigne dans le musée.
LA MÈRE (au fils, désignant son rouleau). C'est quoi ce truc ? Ça m'a fait un mal de chien.
LE FILS. Guernica.
LA MÈRE. Guernica ?!
LE FILS. Un tableau.
LA MÈRE. De qui ?
LE FILS. Picasso.
LA MÈRE. Jules, qu'est-ce que ça veut dire ?! ... C'est contre moi ? C'est quoi ? C'est une pulsion ? Tu es du côté de ton père ? C'est ça le message ? C'est moi l’ennemi !
LE FILS. On n'est pas forcés d'avoir les mêmes goûts.
LA MÈRE. Non c'est vrai, on n'est pas forcés, mais il y a des limites. (Elle relève sa manche.) Tu as vu le bleu qu'il vient de me faire Picasso!
LE FILS. Il est magnifique.
LA MÈRE. Il m'agresse visuellement, et maintenant il me frappe et c'est tout ce que tu trouves à dire!
ROSINE. C'est de son âge, Picasso, ça lui passera.
LISETTE. Et puis tu sais, au début il dessinait très bien.
LA MÈRE. Mais qu'est-ce que vous avez tous à le défendre Picasso, les jeunes, les vieux, les enfants. Par moments, j'ai l’impression d'être seule face à Picasso!
ROSINE. C'est juste une reproduction, Rolande, pas de panique.
LA MÈRE. Et tu vas la mettre où ? Pas dans ta chambre quand même!
LE FILS. C'est pas pour moi.
LA MÈRE. C'est pour qui?
LE FILS. Catherine.
LA MÈRE. Ah parce que Catherine aime aussi Picasso! Eh bien on pourra dire qu'il en aura fait des ravages dans la famille, ton père. En tout cas vous ne m'aurez pas souvent sur le dos, ça c'est sûr. (Elle regarde le rouleau.) J'espère que ça rentre . dans le coffre, parce que si par miracle on retrouve la voiture ne compte pas sur moi pour avoir ce truc sur les genoux, ça suffit de mon bras ! (Le fils.. s'éloigne.) Jules, où tu vas?
LE FILS. Je fais comme toi avec Picasso.
LA MÈRE. Je ne fais rien avec Picasso!
LE FILS. Si, quand il est là, tu te barres en taxi!
Il part.
LISETTE. Tu vois Rolande, c'est pas pour reparler du taxi. ..
LA MÈRE (sèche). Alors si c'est pas pour en reparler, tu n'en reparles pas Lisette.
Rolande, lasse, va s'asseoir sur une banquette Lisette et Rosine la suivent.
LISETTE. Je crois qu'elle ne se rend pas compte de l'importance qu'ont pris les taxis aujourd'hui.
ROSINE. C'est possible.
Elles vont s'asseoir à côté de Rolande qui semble dépitée.
LA MÈRE. Moi, résultat, tout est parti...
LISETTE. Tu veux dire ?
LA MÈRE. Le baroque, tout le bénéfice du baroque, comme si je n'avais pas vu l'exposition, il ne m'en reste plus une goutte, évaporé le baroque avec cette histoire de parking. Alors que d'habitude une belle rétrospective comme ça, ça me porte, ça me fait du bien pendant au moins une semaine. « Toutankhamon », l'hiver dernier, ça m'avait fait passer un mois de février formidable.
ROSINE. Moi aussi.
LA MÈRE. Tu y as été à « Toutankhamon » ?
ROSINE. Deux fois et c'est vrai que les pharaons, ça dope !
LA MÈRE. C'est le mot.
ROSINE. Ma tante Nadine, elle est morte juste après ça ne m'a pour ainsi dire rien fait.
LA MÈRE. C'est ça la grande force du musée, ça vous met la vie un petit peu au-dessus de la vie, à un endroit où rien ne fait vraiment mal. Mais aujourd'hui c'est raté. Entre Maurice, le parking et Picasso, j'y suis dans la vie, même en dessous. Vidée comme si je n'avais jamais mis les pieds dans œ musée. Pas vous?
LISEITE. Moi je ne m'en rends pas bien compte, c'est la première fois que je vois du baroque.
moins chers, et mon mari répétait toujours : « Ce Roger, il est surréaliste ! »
Un temps.
LA MÈRE. Mais monsieur Bishter, lui, il n'avait pas de prix sur tout?
ROSINE. Non, il vendait juste du fromage ...
LA MÈRE. C'est pas pareil, avoir des prix sur tout et vendre du fromage.
ROSINE. Non, mais je comprends ce que veut dire Lisette, il y a quand même un petit quelque chose ... un petit rien qui se ressemble.
LISETTE. Moi je trouve que c'est très proche, baroque et surréaliste, dans les mots bien sûr, pas dans l'art, je connais pas suffisamment dans l'art.
LA MÈRE (regardant sa montre). Et c'est quoi le mot pour quelqu'un qui a définitivement perdu sa voiture dans le parking d'un musée !? Ça doit sûrement pas être un mot qui a rapport avec l'art !
Rosine ouvre le sac de la boutique du musée posé entre ses jambes.
ROSINE. J'ai acheté des choses pour François.
LA MÈRE. Comment il va ton François, pourquoi tu ne l'as pas emmené ?
ROSINE. Il bouge plus, François, il bouge plus de la maison, il reste à Gavron ... Il y avait de beaux livres, mais il ne lit plus, François, alors je lui ai pris ça pour le matin, c'est des napperons avec le Titien (elle les sort du sac), tu connais le Titien ? C'est un Italien du XVIe siècle, très coloré. Il paraît que ce sont ses deux meilleurs tableaux.
LISETTE. J'aime beaucoup celui-Ià.
ROSINE. Et puis je lui ai pris aussi des tasses à café, j'ai hésité parce qu'il ne restait plus que le service Van Gogh, mais la vendeuse m'a dit que ça se mariait très bien avec le Titien, Van Gogh.
LA MÈRE. Si elle te l'a dit, il n'y a aucun risque.
ROSINE. J'espère.
LA MÈRE. Aucun risque, les musées, question bon goût, c'est la garantie absolue. Avec ce qu'ils ont accroché aux murs, ils peuvent pas se permettre de faire un faux pas sur les tasses à café.
ROSINE. Elle m'a assuré que les deux passaient sans problème à la machine.
LAMÈRE. Ça ne m'étonne pas, ce sont deux très grands artistes.
ROSINE. Tant mieux, parce que je les ai choisis surtout pour la gaieté des couleurs, alors si ça se fanait au lavage ... je pourrais pas revenir de sitôt.
LISETTE. On t'en aurait envoyé d'autres.
ROSINE. Non, on ne peut plus rien nous envoyer à Gavron, on n'a plus de poste, on n'a plus de postier, on n'a plus de cinéma, on n'a plus de maternité, on n'a presque plus de travail et même monsieur Bishter il est mort ... Il Y a eu les Japonais à un moment qui ont failli reprendre l'usine de sèche-cheveux mais finalement ils ne l'ont pas prise et elle a rouillé dans la rivière. Et il paraît qu'après les Japonais, c'est cuit. Alors François, il a décidé de plus bouger, de plus bouger du tout dans la maison, et il ne regarde tien, depuis trois ans, depuis que c'est cuit par les Japonais, il ne regarde rien, il parle un peu des fois, il dit qu'il aurait mieux fait de vendre du fromage comme monsieur Bishter, d'en vendre de temps en . temps quand il en aurait eu envie, et d'avoir un beau chapeau comme lui, avec l'étiquette du dimanche pour dire qu'il vendait aussi du pain ... Il est triste d'avoir passé sa vie dans une usine qui rouille dans la rivière, il aurait préféré une existence baroque je crois, mais c'est trop tard maintenant il bouge plus, il bouge plus dans la maison et il ne regarde rien. Il est chômeur.
Un temps, elle est émue.
LA MÈRE. Et c'est pas baroque, chômeur ?
LISETTE. Non, c'est surréaliste.
LA MÈRE. Surréaliste?
LISETTE. Ah oui, ça aujourd'hui beaucoup de gens le disent: « Chômeur, c'est surréaliste ... » J'avais oublié, mais c'est sûr.
ROSINE. Finalement c'est pas si pareil, baroque et surréaliste.
LA MÈRE. En tout cas pas dans l'art.
ROSINE. Ni dans la vie.
Un temps.
J'ai failli lui rapporter une affiche avec le soleil et les champs de blé en grand, mais il l'aurait pas regardée, tandis qu'avec les tasses, quand il boira son café, il l'aura près du nez Van Gogh, il sera bien obligé de le voir.
LA MÈRE (regardant une tasse). Et la pêche que ça va lui donner Van Gogh! C'est connu Van Gogh il est dans les premiers à vous mettre au-dessus de la vie, encore plus que Toutankhamon.
ROSINE. Je croise les doigts.
Le père arrive en trombe.
LE PÈRE. Vous n'allez pas le croire, vous savez où est la voiture ?! A Salvador Dali ! Salvador Dali P18 ! Le type avec la tête enfoncée dans son bonnet en vert fluo, ce n'était pas Remrandt, c'était Salvador Dali !
LA MÈRE. Un copain de Picasso! J'en étais sûre, Maurice, sûre !
Elle se lève furieuse.
LE PÈRE. Non Rolande, là je te promets ...
LA MÈRE. Tu ne peux pas t'en empêcher Maurice, tu es happé par Picasso! Allez, on y va, Rosine a son train à 18 heures.
Tous se mettent à courir
LISETTE. Elle irait pas plus vite en taxi, Rolande ... Rolande ...
La mère est déjà loin.
ROSINE. C'est qui Salvador Dali ?
LISETTE. Un peintre surréaliste .
ROSINE. Il avait pas de boulot… ou il avait des prix partout ?
Elles disparaissent au fond du musée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire