samedi 10 janvier 2009

Théâtre de la Colline - Piccoli Minetti Bernhard-URGENT


Je veux y aller au secours emmenez-moi au bout de ce monde là et seulement celui-là.



Je vous reproduis vite fait l'article de l'express.fr.

Michel Piccoli au Festival de Cannes le 19 mai 2008. Dans Minetti, il interprète le personnage éponyme, acteur venu attendre en vain un directeur de théâtre lui ayant promis le rôle de Lear.

C'est l'événement théâtral de la rentrée : Michel Piccoli en acteur vieillissant, dans Minetti. L'auteur, Thomas Bernhard, avait initialement écrit la pièce pour Bernhard Minetti, à la fois comédien et personnage principal. Retour sur un texte devenu mythique.
Il a tellement haï, pesté, râlé, Thomas Bernhard ! Contre l'Autriche et les Autrichiens, contre les nazis, les bourgeois, les théâtreux, le mensonge et les apparences. Cette grande imprécation qui forgea son style - style unique, fondé sur un ressassement nourricier autant qu'exaspérant - suspendit son cours, en 1976, le temps d'un compliment adressé à l'acteur Bernhard Minetti, 71 ans : « Il faut que je profite, tant qu'il est encore temps, de ce comédien immense [...], du pouvoir d'envoûtement incroyable qu'il a sur le public. » Ainsi naquit la pièce intitulée Minetti, portrait de l'artiste en vieil homme. Un cadeau ? Pas forcément. Michel Piccoli, qui reprend le rôle sous la direction d'André Engel, nous en dira des nouvelles.

Un jeu de miroirs à effet déformant

Une pièce à tiroirs
Créée en 1977 à Stuttgart, la pièce a été interprétée, en France, par Daniel Emilfork (1983), David Warrilow (1988) et Michel Bouquet (2002), lequel marqua de son génie cette histoire d'un vieil acteur venu attendre en vain le directeur d'un théâtre lui ayant promis le rôle de Lear. Aujourd'hui, Michel Piccoli, qui fut Lear, reprend le rôle d'un interprète de Lear, rôle créé par Bernhard Minetti, qui fut Lear également. Tout se joue le soir de la Saint-Sylvestre, dans un hôtel d'Ostende à demi désert. Dans la valise du voyageur se trouve le masque de Lear créé par le peintre James Ensor.

Thomas Bernhard se met donc à l'ouvrage. Le réceptacle et le pivot de son propos, son catalyseur, aussi, c'est ce fameux comédien à qui il avait déjà dédié La Force de l'habitude. Cette fois, le dramaturge va plus loin qu'une simple dédicace et instaure entre le modèle vivant et la figure imaginée un jeu de miroirs déformants tel que Minetti dira : « Minetti, ce n'est pas moi. » Pourtant, l'auteur ne se contente pas de mettre dans la bouche de son personnage une réflexion coruscante sur l'art. Il lui attribue une biographie, piochant dans sa propre imagination et puisant « au point le plus sensible de la vie de Minetti », dixit l'historien du théâtre Hans Peter Doll.
Car l'homme à qui il destine son texte est précisément celui qui pourrait recevoir son plus grand mépris : avatar lointain du Mephisto de Klaus Mann, Minetti a flirté avec le pouvoir nazi en travaillant dans la plupart des grands théâtres allemands entre 1939 et 1945, notamment au théâtre Hermann Göring, à Berlin. « Après la guerre, explique Doll, sa carrière fut brisée. Il est d'abord retourné à Kiel, sa ville natale, où il a été directeur du théâtre pendant un an, exactement comme dans la pièce. » C'est cet « exactement » qui fait valser le vrai et le faux. Comme le véritable Minetti, le personnage de la pièce est devenu comédien errant. L'un était fou de Hamlet, l'autre de Lear. L'un est reparti de zéro, l'autre s'est convaincu d'avoir été chassé sur un prétexte. Mais l'un a atteint la gloire alors que l'autre est un homme perdu. Thomas Bernhard tendrait-il à l'acteur un miroir où entrevoir un passé allusif ? « Avec lui, c'est comme si je m'étais trouvé moi-même », embrouille encore l'auteur. Et l'énigme demeure, irritante comme un demi-aveu. Etincelante comme un secret bien gardé.

Théâtre national de la Colline, Paris (XXe). Du 9 janvier au 6 février. Et en tournée.

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