jeudi 18 février 2010

Au théâtre il y a toutes les vies... MAISON DE POUPEE avec AUDREY TAUTOU et A COURT DE FORME à l'Etoile du Nord

Il y a une morale à chacun son âme
et puis il y a tous les théâtres.
J'ai entendu une talentueuse comédienne des spectacles en DUO du Festival à COURT DE FORME dire : "je n'irais pas voir jouer Audrey Tautou dans Maison de Poupée". Je ne comprends pas ces principes, ces aprioris, ces querelles entre théâtre public et privé.
Ce n'est pas de la jalousie, je le sens peut-être de la fatigue.
Mais ce n'est facile pour personne le théâtre à chacun son cheminement.
En tous les cas ici ou là on ne peut discriminer boycotter
sauf les violeurs, les tortionnaires, les impérialistes, les entreprises qui licencient, les criminels à l'humanité...

Audrey Tautou : «On m'attend au tournant, mais je m'en moque»
Par Nathalie Simon
Le Figaro
11/02/2010

"Audrey Tautou incarne Nora dans la pièce mise en scène par Michel Fau. Crédits photo : DR
La comédienne fait ses débuts sur les planches dans Maison de poupée, d'Ibsen, à Paris, au Théâtre de la Madeleine.

Selon le metteur en scène de la pièce, Michel Fau, Audrey Tautou possède « l'insolence, la dérision et la virtuosité » nécessaires pour incarner l'héroïne, Nora. Touchée, l'intéressée s'abstient de commenter pour se concentrer sur le rôle.

LE FIGARO. - Qui vous a sollicitée pour jouer Maison de poupée ?
Audrey TAUTOU. - Michel Fau, que je connais depuis une dizaine d'années. J'admire son jeu, sa culture et sa vision du théâtre. Il est drôle, cultivé et humble. Nous souhaitions travailler ensemble depuis longtemps. Nous avions même pensé à Roméo et Juliette, mais les personnages sont plus jeunes que nous… J'ai lu Maison de poupée et je suis tombée sous le charme de son héroïne, Nora.

Que représente-t-elle pour vous ?

Un petit animal qui refuse de voir la réalité. Son mari l'appelle son « petit écureuil », son « petit étourneau », sa « petite hirondelle ». Elle veut absolument afficher une famille modèle, heureuse, sans nuages. Au début, elle donne le sentiment d'être légère, insouciante, égoïste et agaçante, jusqu'au moment où elle modifie le cours de son existence.

Avez-vous l'impression d'être attendue au tournant ?

Oui, mais je m'en moque. Je fais ce métier pour moi. Je suis sereine, j'ai de la pression, mais seulement envers moi. C'est un rôle extrêmement dense et ma première expérience importante sur les planches. J'ai l'impression de passer une épreuve sportive, qui va durer, je l'espère, près de quatre mois. Il y a tellement d'informations à intégrer ! J'espère ne rien oublier, mais Michel Fau me conseille de ne pas m'inquiéter. Je refuse la plupart des demandes d'interview, je préfère me concentrer sur le rôle. Je suis très exigeante.

Votre passage au Cours Florent devrait vous rassurer, non ?

J'ai été reçue au concours de la classe libre. Au départ, je voulais faire du théâtre, mais la vie m'a amenée sur d'autres chemins. J'ai eu la chance de pouvoir varier mes rôles. J'ai été tellement gâtée par le cinéma que, pendant longtemps, je n'ai pas osé demander quelque chose au théâtre. Avec l'âge, je me suis rendu compte que je me mettais moi-même des barrières. Sous prétexte que j'allais être jugée, je ne me sentais pas légitime.

Avez-vous des modèles ?

Non, mais il y a des actrices que j'admire, comme Isabelle Adjani. Je suis allée la voir sur scène, elle me donne des frissons. Marie Trintignant aussi, j'appréciais sa singularité, sa sensibilité. Et, parmi les Américaines, Jodie Foster, bien sûr.

D'où vous vient ce goût pour le théâtre ?

(Après réflexion) En CE1, j'étais tombée sur une édition de Cyrano de Bergerac. Je me récitais la tirade du nez. Le théâtre n'était pas un rêve, j'en ai fait un peu par hasard. Petite, je voulais m'occuper des singes, devenir primatologue. J'avais dû voir un documentaire sur le sujet. J'ai obtenu mon bac scientifique avec mention. En guise de cadeau, j'ai demandé à mes parents un stage au Cours Florent, j'y suis allée avec ma mère. Au bout de quinze jours, j'ai passé une audition et été admise directement en deuxième année. Je me souviens d'avoir joué différents auteurs comme Molière, Labiche, Feydeau, Marivaux ou, dans un autre genre, Bal-trap, une pièce de Xavier Durringer. J'ai suivi la troisième année en classe libre et continué la fac de lettres pour me donner le temps de la réflexion.

Quelle est la dernière pièce que vous avez vue ?

"Miam, miam", d'Édouard Baer au Théâtre Marigny. Je suis sa fan numéro un ! J'adore son univers et son humour.

Des projets ?

Je ne me projette jamais dans l'avenir, je n'aime pas savoir ce que je ferai dans six mois. Mes choix dépendent de la qualité du texte et des personnes avec lesquelles je vais travailler. Je me laisse guider par le plaisir de partager une aventure artistique et humaine. L'été dernier, j'ai joué avec Nathalie Baye une comédie de Pierre Salvadori avec lequel j'avais tourné : "Hors de prix", en 2006. À la fin d'une aventure, j'aime partir en voyage. C'est la seule réserve que j'avais pour le théâtre, l'obligation de s'engager pendant au moins un an. Maintenant que je l'ai décidé, je me donne à fond."

Théâtre de la Madeleine, Paris (VIIIe). Tél. : 01 42 65 07 09.

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Audrey Tautou, "totale novice" au théâtre
LE MONDE | 17.02.10 |



"N'approche pas Audrey Tautou qui veut. Les plateaux de cinéma, où elle a conquis, à la vitesse de l'éclair, une reconnaissance internationale, sont presque toujours fermés à la visite. Alors qu'elle monte pour la première fois sur les planches, celles du Théâtre de la Madeleine, à Paris, où elle est Nora Helmer, l'héroïne de Maison de poupée, d'Henrik Ibsen, même motif, même punition : impossible d'assister aux répétitions. "C'est comme si on entrait dans ma chambre pendant que je dormais, explique-t-elle. Travailler est quelque chose de très intime. Savoir qu'il y a alentour un regard extérieur, ça m'oppresse. Evidemment, il n'y a aucun souci avec les compagnons de projet." Il s'est donc agi de devenir "compagnon" de la première expérience théâtrale d'Audrey Tautou.




Cela a commencé par une rencontre avec l'un de ses amis proches, le comédien et metteur en scène Michel Fau, interprète fétiche des aventures scéniques d'Olivier Py. Fau est un homme rond, allergique "à tout ce qui est fade, raisonnable ou chic". Attablé dans un bistrot, il confie avoir connu Audrey Tautou lors d'un spectacle d'élèves au Cours Florent, à Paris, où elle a fait ses premières armes. "Chez les acteurs, ce sont les "créatures" qui m'intéressent, les gens mystérieux. Audrey est de cette espèce. Je lui ai souvent demandé quand elle allait faire enfin du théâtre. Nous nous sommes rendu compte, il y a deux ans, que nous avions envie de jouer ensemble le texte d'Ibsen."

Si Michel Fau ne voyait pas d'objection à ce que l'on assiste à une répétition, Audrey Tautou n'en démordait pas : la porte resterait fermée à toute intrusion. Mais elle était prête en s'en expliquer. Elle a choisi pour cela un salon de l'Hôtel Montalembert, bien dans le ton de sa dernière apparition sur les écrans : elle y incarne, si l'on peut dire, Numéro 5, de Chanel, dans le film publicitaire réalisé par Jean-Pierre Jeunet, le complice qui, en lui offrant Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, l'a propulsée vers la célébrité.

La jeune fille mutine des coteaux de Montmartre est devenue femme. Jeans, chemisier bleu à pois bruns, foulard clair retenant ses cheveux mi-longs, elle est souriante, aimable, mais pas plus que ça. Déjà un peu la Nora d'Ibsen, animal docile qui choisira, en une soirée, d'inventer sa liberté. Un texte d'abord drôle et très vite effrayant.

Si elle a travaillé avec des cinéastes de premier rang - Jean-Pierre Jeunet, Tonie Marshall, qui la révéla dans Vénus Beauté (Institut), Cédric Klapisch, Stephen Frears, Amos Kollek ou Ron Howard, elle devait tout apprendre de l'art de la scène. Audrey Tautou ne va que rarement au théâtre, où elle s'est beaucoup ennuyée. "C'est un problème majeur, l'ennui au théâtre, il faut absolument y résister et ne pas oublier que le théâtre doit rester un spectacle", confie-t-elle. "Etre actrice de cinéma me sert au théâtre, et, en même temps, je n'y suis pas même une débutante, une totale novice. Au cinéma, j'entre très vite dans l'intimité de mes personnages, mais cela laisse peu de place au jeu. Au théâtre, c'est le contraire, on commence par jouer le personnage, et petit à petit une intimité s'invente avec lui. On construit, on essaie, on efface, ça fait un peu peur, mais c'est génial, on ne se perd pas."

Michel Fau est donc à la fois le metteur en scène, le partenaire et le guide d'Audrey Tautou. "Je ne savais pas comment je fonctionnais au théâtre. Il m'a rassurée sur la "normalité" de mon cheminement. Aujourd'hui, je commence à ressentir que je risque d'aimer beaucoup Nora." Pourrait-on commencer de l'aimer avec elle ? Après un long entretien, la réponse est venue : "On devrait pouvoir vous trouver une petite place..."

Une porte s'est ouverte dans le flanc du Théâtre de la Madeleine. Là, perdu dans les étages, vous reçoit un homme aux cheveux en bataille, Frédéric Franck, maître des lieux, qui se réjouit de "la rencontre inattendue" entre Michel Fau et Audrey Tautou. Après avoir réuni les 300 000 euros de cette production, il en fut le premier spectateur. "J'ai été stupéfait, explique-t-il. Elle n'a aucun problème de moyens. Elle est réfléchie, extrêmement travailleuse. Elle n'est pas là pour se payer un premier rôle, mais pour participer à la construction d'un spectacle." Pour mémoire, l'homme a reçu ici Fanny Ardant, Charlotte Rampling, Sylvie Testud, Ludmila Mikaël ou Jeanne Moreau.

Audrey Tautou s'est installée dans la loge de Sacha Guitry, qui fut "pensionnaire" de la Madeleine de 1930 à 1942. Pas mal pour une première loge. La comédienne vous salue avec gentillesse, concentrée sur la répétition à venir. On la retrouve sur scène, dans le décor signé Bernard Fau (frère de l'autre). Un cauchemar de salon bourgeois, l'impression d'entrer dans un film d'Hitchcock.

Audrey Tautou rejoint la scène. Elle ne porte pas de costume, juste un jupon blanc, des chaussures plates, et, pourtant, elle capte le regard, et paraît autrement plus grande que son mètre soixante-trois. Très sérieuse, elle sait prendre le temps de s'amuser, jusqu'à la clownerie. A la fin du premier acte, elle grimace, plantée devant un sapin de Noël de pacotille. "C'est pas mal, Audrey, lâche Michel Fau de l'orchestre. Même quand tu fais la conne, c'est bien !" Il a raison."

Maison de poupée, d'Henrik Ibsen. Théâtre de la Madeleine, 19, rue de Surène, Paris 8e. De 20 € à 47 €. Jusqu'au 10 juin. Du mardi au samedi, à 21 heures. Matinée le samedi à 18 heures. Tél. : 01-42-65-07-09.
Olivier Schmitt
Article paru dans l'édition du 18.02.10

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