mardi 7 janvier 2020

Le voyage du Prince

Allez voir avec vos grands enfants au moins huit ans le voyage du Prince inspiré du Château des singes une merveille jamais je n’oublierai, cette merveille, juste avant d’aller avec eux voir les films lorsqu’ils seront encore plus grands des Planète des singes  




Télérama
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Critique par Guillemette Odicino

Parti explorer l’inconnu, un vieux singe éclairé découvre une « cité parfaite », encerclée par la végétation. Une superbe fable humaniste.
Conçu comme un journal de voyage, ce tendre et piquant conte philosophique pour toute la famille démarre sur un rivage inconnu où un vieux singe naufragé, le Prince, est sauvé par Tom, un autre singe d’une dizaine d’années. Dès cette première séquence, entre bleu délavé et beige sable, il s’agit de transmission. Les deux primates ne parlent pas la même langue mais le jeune Tom comprend rapidement l’aîné alors que ses parents, deux chercheurs bannis par l’Académie et retirés dans un vieux musée d’histoire naturelle, en sont encore à s’interroger sur cet « étranger ». Une fois requinqué, le Prince prend la main de l’enfant pour découvrir cette civilisation progressiste et fière de l’être avec sa ville rutilante de lumière aux immeubles bien rangés, mais soumise à la peur et de plus en plus encerclée par la végétation…
En redonnant vie au Prince de ­Laankos, parti en expédition à la fin du Château des singes (1999), Jean-François Laguionie revient à son thème fétiche, la découverte des autres, et donc de soi, mais de manière encore plus personnelle : on sent que le cinéaste se rêve à travers ce monarque éclairé toujours en quête d’ailleurs, ce singe à la ­Léonard de Vinci qui fait des croquis et invente des machines volantes. Après d’alertes scènes d’escalade végétale, sa promenade initiatique le mènera sur une canopée très écolo avec sa permaculture et ses habitants aux petites lunettes rondes à la John Lennon ! Au passage, Jean-François Laguionie fait preuve d’une délicate insolence envers ces existences baba cool et placides, un peu trop en retrait du monde, alors que l’univers est si grand pour les poètes et les explorateurs.
Mais, surtout, il use de son trait d’orfèvre pour dessiner les limites d’un modèle de société à l’urbanisme sclérosé, dirigée par une assemblée de politiciens obtus et endormis, où l’unique exutoire est un parc d’attractions horrifiques — la séquence pourrait rendre un Tim Burton fou de jalousie. S’ajoute aussi un bel hommage au cinéma classique, à travers King Kong : « Mais, enfin, comment les spectateurs ne se rendent-ils pas compte que ce gorille est amoureux ? » plaisante le Prince. Avec cette fable humaniste en lignes douces, où les verts profonds enlacent le vieux bronze et le brun fusain, Jean-François Laguionie, jeune homme tout juste octogénaire, signe ses Lettres persanes à lui, profondément émouvantes.

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