mercredi 30 mars 2022
Annette
Seule la terre est éternelle : doc Jim Harrisson
Le visage nous est instantanément familier. Un vieillard que l’on souhaiterait avoir pour grand-père. Attendrissant et amusant, selon le détail auquel on prête attention : les rides creusées comme des sillons, l’œil malicieux, les cheveux rares et hirsutes ou la moustache jaunie par la nicotine. Et puis cette allure dont on devine qu’elle fut puissante, devenue plus fragile, chancelante. Les mains qui tremblent, le gros ventre débordant du tee-shirt. Jim Harrison, géant de la littérature contemporaine américaine, nous apparaît abîmé, et néanmoins joyeux.
Poète philosophe un peu clochard, vieil épicurien goguenard usé par les excès et les accidents de la vie, dont le souffle rauque de la voix s’est éteint en mars 2015. Soit six mois après la première partie du tournage de Seule la terre est éternelle, et deux semaines avant sa mort.
Pour autant, c’est un film parfaitement achevé, intense et apaisé que le journaliste et producteur François Busnel (qui présente sur France 5 le magazine littéraire « La Grande Librairie ») et le réalisateur Adrien Soland ont rapporté de leur séjour passé avec l’écrivain. Trois semaines de discussions, de repas, de parties de pêche sur Yellowstone River, de trajets à travers les paysages majestueux de l’Amérique durant lesquels, jour et nuit, Jim Harrison n’a cessé de parler.
A l’aise et en confiance, chez lui, dans sa maison du Montana, en compagnie d’un journaliste et d’un réalisateur qu’il avait déjà rencontrés – notamment en 2011, pour un numéro de « Carnets de route » (France 5). L’écrivain n’a pas rechigné. Il a laissé la caméra le suivre tel qu’il était, au lever comme au coucher du soleil, longuement immobile face aux grands espaces, patient sur sa barque à attendre que ça morde, rigolard dès lors qu’il s’agit de piéger les serpents. Silencieux parfois devant la beauté du monde.
Indissociables
Car l’auteur de Wolf. Mémoires fictifs, deLégendes d’automne, de Nord-Michigan, de Dalva garde intact son émerveillement face à la nature. Il ne s’est jamais lassé des rivières, des champs, des chaînes montagneuses, des étendues désertes – ces endroits isolés où il a choisi de vivre. Et cette Amérique sauvage que décrit chacun de ses romans, Jim Harrison la raconte comme personne. « Le paysage peut emporter tous les chagrins », dit-il au début du film. Et Dieu sait s’il en eut des chagrins, en connut des drames. La perte de son œil gauche, alors qu’il était tout gamin, à cause d’un méchant coup de bâton assené par une fillette. La disparition, alors qu’il n’avait que 20 ans, de son père et de sa sœur dans un accident de voiture. La chute d’une falaise qui lui bloqua le dos. La dépression et les excès.
Revenu de tout, Jim Harrison est resté debout, soutenu par deux béquilles : l’écriture et la nature
Revenu de tout, Jim Harrison est resté debout, soutenu par deux béquilles : l’écriture et la nature. Ses mots le disent, l’expriment avec une rare clarté. Le film le montre, jusqu’à nous le faire ressentir, qui, en alternant plans rapprochés et plans très larges en « scope », parvient à rendre indissociables l’homme et les paysages. Au volant de sa voiture qui nous mène du Montana en Arizona, où il possède un ranch, l’écrivain déroule sa vie comme il l’entend, s’agace d’avoir parfois été comparé à Hemingway (« je n’ai rien en commun avec ses inepties viriles, et puis il était tout le temps bourré »), s’attarde sur la cupidité, la haine et la soif de pouvoir qui ont conduit l’Amérique aux pires atrocités : le massacre des Indiens, les guerres du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan.
En cette fin d’été 2015, Jim Harrison se tient en paix dans le monde sauvage et ne craint plus rien. Pas même la mort, dont il se fiche :
« Ça arrive à tout le monde. Et puis il existe 90 milliards de galaxies, donc tout est possible. Ça ne me tracasse pas. »
Il y a bien longtemps que l’accompagne cette phrase qu’il a citée dans ses mémoire.
En marge
« Seule la terre est éternelle. »
Elle vient des Sioux et donne son titre au film de François Busnel et Adrien Soland. Un film sans voix off ni archives, sans autre présence à l’image que celles de l’écrivain, de quelques amis de passage et de ces vastes horizons auxquels Jim Harrison offre, ici, son dernier souffle. Comme un ultime hommage à ce qu’il a tant aimé.
samedi 26 mars 2022
L’ombre d’un mensonge
mercredi 16 mars 2022
Cinoche, cinéma, Petite Nature, je vous aime ….
Avec sa bouille d’angelot à la longue chevelure blonde, ses yeux bleus, sa dégaine gracile, Johnny, 10 ans, n’est pas exactement un garçon comme les autres. Du moins pas dans le milieu où il grandit, une cité populaire de Forbach (Moselle), où le modèle prolétaire est plutôt à l’endurcissement, pour mieux résister aux mauvais traitements économiques et sociaux qui pleuvent sur l’ancien bassin houiller.
Sa mère, serveuse dans un bar-tabac, qui élève seule ses trois enfants, l’exhorte à s’endurcir pour qu’il ne se laisse pas chahuter par les autres gamins de la cité. Un seul ne pousse pas Johnny dans cette voie : M. Adamski (Antoine Reinartz), le nouveau professeur qui vient d’arriver dans sa classe, subtil et charismatique, enfourchant une moto rutilante une fois les cours terminés. L’enfant, tout sauf indifférent, devient son « chouchou », et commence même à éprouver envers lui un sentiment spécial, quelque chose comme une attirance. Pourquoi pas du désir – le mot est lâché.
Après un Party Girl (2014) coréalisé à six mains(avec Marie Amachoukeli et Claire Burger), déjà situé en Moselle, difficile d’aborder le premier long-métrage en solo de Samuel Theis sans voir se profiler en lui un « sujet de société » massif sur les amours prohibées. Il n’en est rien, car Petite nature évite, non sans une certaine grâce, tous les écueils tendus par son argument potentiellement scabreux.
Sa réussite tient d’abord au fait que cette question du désir enfantin n’est pas traitée sous un angle sensationnel, mais ramenée à un paysage plus large : celui de l’éveil des sens, du bouleversement total que peut constituer le fait d’apprendre, propice à toutes les confusions. Surtout, Samuel Theis n’oublie jamais de filmer ce cataclysme à hauteur d’enfant, c’est-à-dire, aussi, comme l’histoire d’un amour impossible, d’un affect vécu en solitaire, car piégé dans un corps immature, sans pouvoir être ni formulé ni communiqué. Ainsi le film n’est-il pas sans abriter une part de mélodrame qui achève de le rendre émouvant.
Drame du malentendu
Tout amour déçu suppose une erreur d’interprétation, et c’est précisément cela que raconte Petite nature : le drame du malentendu. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la poésie que Johnny récite à son professeur en s’aidant d’une petite chorégraphie : le maître n’y voit qu’un exercice accompli avec originalité, quand l’enfant y loge toute une déclaration amoureuse.
Ce que Johnny prend pour de l’affection n’est jamais que le regard « social » que M. Adamski pose sur lui, en qui il repère un élève doué, mais surtout un cas : un gosse des cités battu par sa mère, et donc un enfant à sauver de sa condition. Ce pourquoi il l’accueille parfois chez lui, lui présente sa compagne, Nora (Izïa Higelin), l’emmène avec eux visiter le Centre Pompidou-Metz. Démarche charitable qui, pour Johnny, est, en revanche, une façon de se rapprocher de celui qu’il aime, en attendant, illusoirement, le moment décisif. Et si le malentendu finit par éclater, c’est parce que chacun, du maître et de l’élève, a projeté sur l’autre un fantasme qui ne lui correspondait pas.
Cette sarabande d’élans et de regards mal compris est exécutée par petites touches, selon les termes d’un naturalisme sensible qui accompagne chez Johnny la montée d’un aveu pulsionnel, d’un geste de trop, irréparable, qui va compromettre toute la situation. Parce qu’il faut bien que l’amour soit dit, au risque de tout détruire. Petite nature progresse ainsi par moments de vérité (les scènes pourraient parfois se risquer à être plus longues), prolongeant la négociation féconde qu’une certaine fiction française entretient avec la réalité du champ social.
Tourné in situ à Forbach, Petite nature opère un amalgame réussi entre comédiens confirmés (Reinartz et Higelin, qui incarnent justement les petits-bourgeois venus de la ville, dans une sorte de partage social des rôles) et non professionnels recrutés sur place, en Lorraine, dont l’impressionnant Aliocha Reinert, qui confère au personnage de Johnny une finesse et une complexité époustouflantes.
Ce faisant, le film met au jour quelque chose d’obscur et rarement abordé, concernant la relation d’enseignement, à savoir les transferts à l’œuvre au sein de celle-ci. L’acquisition d’un savoir, même ardue, ne va pas toujours sans déclencher une forme d’amour, voire de projection libidinale, la plupart du temps sublimée, vers cette personne qui en assure la transmission avec sa voix, son corps et son charme particuliers, et qu’on appelle « professeur ». Se prendre de passion pour une matière est, ainsi, rarement un fait dépersonnalisé : il faut bien que la passion en passe par quelqu’un. Et apprendre signifie bien souvent aimer, quand bien même cet amour devrait rester sans objet.
lundi 14 mars 2022
2 films : L’autre Monde et Goliath
Libération
C’est que Brizé filme une machine folle, la science-fiction du capitalisme actuel, avec les outils raisonnables d’un cinéma tombé en désuétude, comme on poursuivrait une Tesla avec une voiture à bras : le contraste est intéressant, le résultat volontairement terne.
Télérama
À nouveau, Stéphane Brizé et son coscénariste Olivier Gorce excellent à pointer la violence (...) et le dévoiement de la langue managériale, où le terme « courage » revient en leitmotiv. De même, l’ensemble de la distribution, acteurs et non-professionnels mêlés, suscite l’admiration, avec une mention spéciale à l’ex-journaliste Marie Drucker, patronne coupante comme une lame.
Libération
Moins élégant que Dark Waters de Haynes mais pas honteux non plus, Goliath, produit par Studio Canal, part un peu avec un handicap de crédibilité en plaçant le duo Gilles Lellouche et Pierre Niney aux avant-postes du dossier, choix qui paraît a priori plus dictés par des considérations comptables qu’une pertinence artistique.
Télérama
Confier à cet acteur si populaire un personnage si antipathique est une très bonne idée. (...) Mais le David de l’histoire est moins réussi : sur ces victimes qui ont bien du mal à faire le poids, le réalisateur pose un regard convenu.
La Voix du Nord
Un formidable trio de comédiens en tête d’un pur film de dénonciation, populaire et haletant.
Après le chaos à la Manufacture des Abbesses
dimanche 13 mars 2022
Le petit garde rouge MC93
Il y avait tant d’enfants qui ont applaudi longtemps les danseuses et le conteur danseur.
jeudi 10 mars 2022
Le Théâtre de l’Œuvre : 2 spectacles- K de Buzzati avec Gregori Bacquet et DI(X)VIN(S) de et avec F-X Demaison
L’UBU le bar du théâtre si accueillant…avec Gandalphe le chien de Grégori Bacquet
mercredi 9 mars 2022
Les élèves de première année de l’école du Lucernaire présentent….
Gardons gardez le rêve l’art la lumière l’ombre pour l’incarnation
samedi 5 mars 2022
Bad Luck Banging or Loony Porn
mardi 1 mars 2022
Maigret
https://www.senscritique.com/film/maigret/critique/265279703?fbclid=IwAR3p8nPdQowfhz5VVqP3g36POycBQcCIow-a2BOl8Ge9YmKzJRPf5gifOWE