vendredi 9 février 2024

La Zone d’intérêt

https://theconversation.com/dans-la-zone-dinteret-une-allemagne-nazie-toute-a-sa-jouissance-materielle-222686
Voilà j’y suis allée et cette critique en lien,  n’en est pas une c’est l’analyse historique philosophique du film, mais ce film ne m’a rien apporté sensiblement et voir même à la matière, à la manière de faire du cinéma.  Je suis sortie du film dans les premières,  l’écran gris pigmenté qui nous scinde de la réalité mais qui est le champ vide de tous les remplissages possibles….cet écran vide (au début comme à la fin) n’est pas une erreur mais une volonté du cinéaste.  Le déroulé du générique venait de s’animer. La dernière scène et les scènes oniriques pigmentées en noir et blanc sont pour moi des exercices de style sans aucun souffle d’espoir certes mais denuées de justesse beauté sensibilité humaine, elles ne sont qu’une construction de pigments agités et ce n’est pas cela pour moi le cinéma, c’est laid comme un sac de plastique vide qui vole au travers de nos vies désormais. Ah j’oubliais c’est original…. Les acteurs illustrent le propos. 
En sortant du cinéma un monsieur assez jeune m’a attendue et souriant alors je lui ai dit : « on en est enfin sortis » et il m’a répondu… « je crois oui mais c’était long. » 
Si tout est suggéré hors champ grisé rien n’a de vie mais ce n’est pas cela car on en est sortis momentanément peut-être, mais on en est sortis, non ?



Qu’en a pensé le Masque et la Plume ? Pour une fois je suis d’accord avec Xavier Leherpeur et Pierre Murat ensemble…

Je vous mets le commentaire érudit en copié-collé de Jacques Jean Sicard écrivain cinéphile que j’apprécie pour dissiper certaines de mes illusions amateures autodidactes de « spectactrice ». Mais je n’aime pas plus le film car pour moi il s’agit d’aimer le cinéma et de le savoir…qu’on cherche dans les films une entrée de secours ! Comme cette
Par exemple je n’avais pas compris que c’était le rêve de la fille du couple qui attend son père. 
Et cette conclusion généralité sur le couple comme prison pour tous les couples n’est aussi qu’une autre interprétation… et rejette le doute…


"La Zone d’intérêt" (2024) de Jonathan Glazer. 

Glazer est précédemment l’auteur d’"Under the Skin", qu’on peut traduire par Sous la Peau. Immédiatement, j’ai rapproché son dernier travail de "Jeanne Dielman", film où Chantal Akerman passe « sous la peau » de l’existence apparente de son personnage par le moyen de la vie quotidienne, pour accéder au final à la prostitution qui la soutient, au plaisir et au meurtre. "Zone d’intérêt" ménage le même passage sous l'épiderme à partir de la douce aliénation ménagère, jusqu’à la tuerie de masse. Deux mondes en un seul, qui coexistent sans échange. Le concept de « banalité du mal » formulé par Hannah Arendt à l’occasion du procès d’Adolph Eichmann, retombe toujours sur ses pieds, jamais pris en défaut depuis, en dépit des chicaneries intellectuelles. Jonathan Glazer le reprend en lui donnant un tour esthétique : la dischromie de l’image. Il décolore la peau du réel, entre les deux mondes mitoyens et jumeaux, le gris de l’univers concentrationnaire et le pastel de la vie domestique. Sans que le voisinage produise un choc, une réaction émotionnelle. La décoloration est représentée et vécue comme un paradoxe depuis longtemps socialisé, une contradiction anciennement apaisée. Originelle ? La ligne fade de la décoloration est réhaussée par le rêve-cauchemar d’une des enfants du couple Höss. Dans une atmosphère de négatif photographique, elle y devient une glaneuse de fruits et de légumes, une marchande des quatre-saisons onirique, qui dépose son butin et ses bouquets au pied des outils dont se servent les détenus, qui les trouveront peut-être au matin, un fois l’aube et l’épouvante revenues. Ce rêve n’est que la manifestation d’une impuissance morale ; ce cauchemar, presqu'un assentiment à ce contre quoi on ne peut rien. Le film s’achève sur ce qu’il est, une description de la vie quotidienne : dans notre présent de 2023, des femmes de service font le ménage dans les salles et les couloirs du musée d’Auschwitz-Birkenau, parallèlement Rudolph Höss, dans les escaliers d’un bâtiment officiel de 1944 a la prémonition de ce qui l’attend (en 1947, il sera pendu par le cou à l'intérieur de l'enceinte du camp d'extermination dont il fut le commandant). Imperturbable, presque surpris du désagrément, il ne comprend pas.

Plus je reviens sur "La Zone d’intérêt", plus son rêve devient central. Le rêve-cauchemar puisqu’il est l’intrication des deux. Celui-ci fait directement allusion au conte "Hansel & Gretel" des frères Grimm, mentionné au cours de l’histoire, je ne me rappelle plus s’il accompagne ou non une des scènes oniriques. La « maison de sucre » du conte, érigée par la vieille ogresse, destinée à piéger les enfants, est le modèle du merveilleux dévorant ou de la dévoration merveilleuse. Le profond tissage du film, du rêve et du conte me renvoie à celui du poème et de la prose chez Baudelaire, c’est le même prosaïsme lyrique, si je puis m’exprimer ainsi. Le tissage déploie une puissante ambiguïté propre à l’enfance revisitée par un esprit adulte. Je finis par me demander si Glazer y voit moins la conséquence du couple vie quotidienne-tuerie, que son origine.

Le rêve-cauchemar est d’abord suscité par l’une des filles du couple Höss. Il est précédé par une courte scène où cette enfant est à l’intérieur de la maison, assise sur la marche d’un escalier, de trois-quarts face à la porte d’entrée, vue de dos, son père s’inquiète de son attente, la prend dans ses bras et l’emporte. Puis le rêve essaime dans la campagne polonaise, sautant les demeures, d’une cuisine à un piano, passant d’un jeune cerveau à un autre jeune cerveau, résistance infantile, bientôt vaine.

Et puis l’univers de Höss est la proie du son, cette terreur moderne. Le silence, traditionnellement associé à la chambre et au vœu qu’on en fait, est le lieu de l’exaspération assourdie d’un bruit indéfinissable, une hantise dont l’entier du monde serait possédé. "La Zone d’intérêt" ne distingue plus le recueillement intime d’un peuplement de voix infâmes. Car c’est bien de l’intérieur que vient la rumeur, on y entend le spongieux de la tumeur qui grossit sous la peau. La femme n'est pas exempte. Edwige Höss partage avec son mari la pourriture conjugale et celle de la tuerie comme elle a partagé leurs amours adolescentes. Un couple ça partage tout, jusqu'à l'absurde, jusqu'à la lie. Putain de vie, on ne sait jamais ce quelle nous réserve !
 
Commentaire d’un autre des ses familiers :Éric Wahlmore
qui confirme que c’est une interprétation que de penser que les scènes oniriques sont le rêve d’une des filles du couple 
« Daniel Airam pour moi, c'est un film aussi important que La dernière étape de Jakubowska, Shoah de Lanzmann et Le Fils de Saul de Nemes. Ce que Jacques Jean Sicard omet de dire, c'est que le film oscille génialement entre réalisme (je cite Dielman également pour La zone d'intérêt) et installation d'art contemporain, comme dans Under the skin, ce qui est injustement reproché au film sur un camp d'extermination. C'est précisément ce qui en fait l'intérêt. Dire que le rêve provient d'un des enfants de Höss est une interprétation, c'est beaucoup plus ouvert. De façon générale, marre de l'expression de "banalité du mal" (Arendt), expression sortie du contexte conceptuel et, en général, mal comprise, soit ressortie à chaque fois qu'un film sur le Shoah sort. Cela devient, malheureusement, un poncif journalistique et dénature le propos précis d'Arendt. Je ne dis pas que c'est le cas ici mais ce n'est pas assez développé. »

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