mardi 9 novembre 2010

Genet mis à jour par Moreau et Daho

Jeanne Moreau et Etienne Daho, des voix pour Genet


Le Monde | 06.11.10 | 15h48 • Mis à jour le 06.11.10 | 15h48
http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/11/06/jeanne-moreau-et-etienne-daho-des-voix-pour-genet_1436411_3246.html
"Blanche écarlate, la voix de Genet. Le souvenir d'une voix a une couleur ; celle de Genet avait quelque chose de lumineux et en même temps d'espiègle... Voix travaillée par le tabac, un peu enrouée, presque féminine, mais une voix qui sourit", écrit Tahar Ben Jelloun, dans son dernier ouvrage, Jean Genet, menteur sublime (éd. Gallimard, 208 p., 15 €)

Né le 19 décembre 1910, mort le 15 avril 1986, l'écrivain aurait eu 100 ans cette année. On lui rend donc hommage avec des colloques, lectures, débats... Et Etienne Daho et Jeanne Moreau donnent leurs voix au Condamné à mort, pour un album où elle dit, où il chante, et qui paraît lundi 8 novembre. Ce long poème fut écrit à la centrale de Fresnes en 1942 par Genet, voleur à la sauvette, rebelle mis sous les verrous alors que Laval livre au régime nazi les juifs étrangers de la zone libre. Genet s'était trouvé un frère en Maurice Pilorge, petit voyou guillotiné en 1939 à l'âge de 25 ans, pour avoir assassiné son amant mexicain.

"A la lecture, Le Condamné à mort est comme une musique, parfaite", dit Daho le chanteur pop, à propos de la première oeuvre publiée de Jean Genet. "Ô viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d'Espagne/Arrive dans mes yeux qui seront morts demain" : en 1952, c'est Mouloudji qui lit ces vers amoureux et captifs, publiant un 33-tours où les incandescences pédérastes sont dites sur une musique d'André Almuro.

En 1961, Hélène Martin, chanteuse symbole des cabarets cultivés, s'empare du Condamné à mort, elle chante le passage intitulé Sur mon cou au cabaret Le Petit-Pont : voix limpide, guitare. Hélène Martin a l'habitude d'habiller de mélodies claires les vers de ces "êtres étonnants", dit-elle, Louis Aragon, René Char, Pablo Neruda, Paul Fort, Jules Supervielle... Puis, "tombée dans le poème", la chanteuse rive gauche met l'intégralité du Condamné à mort en musique. Hélène Martin veut l'autorisation de Genet, qui n'est pas en France. Elle le trouve. Il répond : "Ne touchez pas au Condamné à mort, c'est une chose morte."

Le metteur en scène et acteur Roger Blin, qui venait de monter Les Nègres, conseille à la compositrice et interprète de faire passer un disque souple à Genet, qui l'écoute, et change son fusil d'épaule : "Vous avez une voix magnifique. Chantez Le Condamné à mort tant que vous voudrez, où vous voudrez. Je l'ai entendu grâce à vous, il était rayonnant." Hélène Martin a gardé le pneumatique expédié par Genet et a pu l'opposer à la fraction dure de la communauté homosexuelle, qui doutait que Genet le "pédé" ait autorisé une femme à toucher à son ouvrage.

Hélène Martin et Jeanne Moreau ont été profondément liées à Genet, parce qu'elles aiment la subversion. Les mots du Condamné sont crus. Strophe 29 : "Mordille tendrement le paf qui bat ta joue/Baise ma queue enflée, enfonce dans ton cou/Le paquet de ma bite avalé d'un seul coup/Etrangle-toi d'amour, dégorge, et fais ta moue !" Daho a dû dévoiler sa voix.

En 1971, un autre homme, Marc Ogeret, à qui Hélène Martin avait fait enregistrer son Condamné, l'avait abordé sans peur : l'époque était militante. Le chanteur de cabaret, voix chaude, intelligente, (accointances au PCF, aucune carte) était une graine d'anar.

Etienne Daho, symbole de la pop hexagonale apparue à Rennes au début des années 1980, a beaucoup écouté l'album d'Ogeret, mais aussi David Bowie. "Ziggy Stardust" est à New York en 1972, fricote avec la bande de Warhol et compose la chanson The Jean Genie, "un jeu de mots maladroit", une inspiration inconsciente, avouera Bowie, mais que Daho prend pour un hommage à Genet.

En 1997, Hélène Martin invite Daho à chanter sur scène avec elle Sur mon cou, extrait du Condamné à mort, qu'elle a rebâti sous forme d'oratorio en 1984, avec Laurent Terzieff en récitant. Le dandy à la voix légère est, à cette époque, en train d'apprendre à épaissir la gamme des sentiments. Sur mon cou, abrasive, engagée, le débarrasse d'un silence détaché : Daho peut passer ses week-ends ailleurs que dans la légèreté romaine, et pourquoi pas dans ces lieux interlopes qui ont rapproché Jeanne Moreau et Jean Genet.

Octobre 2010 : il pleut des cordes, des paquets de grêlons frappent les stores de l'appartement parisien de Jeanne Moreau, qui donne des entretiens avec son comparse Daho. Sur la table basse, une rose blanche, une variété créée pour elle. On boit du thé et, dans cet exercice imposé, on ne dit rien. Si ce n'est : "Le Condamné à mort est scandaleux, subversif, donc cela me plaît. Je fais ce que je veux, c'est le privilège de l'âge, quand les années passent on veut s'affranchir" (Moreau). "J'ai réaménagé les musiques pour qu'elles nous ressemblent" (Daho).

Le disque, première référence du label créé par Daho, Radical Pop Music, est lumineux. C'est un objet qu'il faut acquérir, avec son beau livret, ses indications précises (essentiellement rédigé par Albert Dichy, spécialiste de Jean Genet). On y saisit le nomadisme et le croisement, les désirs qui font passer de la cellule à la Guyane. Etienne Daho est né à Oran, en Algérie, en 1956. Jean Genet est enterré au Maroc, à Larache. Hélène Martin rêve de mettre en musique Quatre heures à Chatila, court texte écrit en 1983 après les massacres de Sabra et Chatila, à Beyrouth, par un Genet embarqué dans la cause palestinienne après celle des Black Panthers américains.

Jeanne Moreau trouve au Condamné "une sonorité orientale". Elle a rencontré Genet grâce à Florence Malraux et à l'écrivain antifranquiste Juan Goytisolo. "Je jouais alors La Chatte sur un toit brûlant, de Tennessee Williams. Je l'intriguais, nous étions dans la séduction. Tout est érotisé chez Genet, poursuit l'actrice. Je trouve formidable cette féminité dans cette virilité. Il y a quelque chose d'indéfinissable dans ces termes décrivant les attributs sexuels sans détour, mais où la possession est sacralisée."

Le Condamné à mort, de Jeanne Moreau et Etienne Daho. 1 CD Radical Pop Music/Naïve. Concerts à l'Odéon,
http://www.theatre-odeon.fr/fr/la_saison/present_compose_2010_11/centenaire_de_la_naissance_de_jean_genet-p-1976.htm

place de l'Odéon, Paris 6e, Mo Odéon. Tél. : 01-44-85-40-40. Les 23 et 24 novembre, à 21 heures. De 6 € à 40€.

Véronique Mortaigne
Article paru dans l'édition du 07.11.10

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Journal du Dimanche
http://www.lejdd.fr/Culture/Spectacle/Actualite/Etienne-Dahio-et-Jeanne-Moreau-interpretent-un-texte-de-Jean-Genet-231945/?sitemapnews

Le Condamné à mort reprend vie


Etienne Daho interprète le texte de Jean Genet avec Jeanne Moreau en troublante diseuse.

Paru dans leJDD
"Le chanteur et l’actrice, réunis au domicile de Jeanne Moreau. (Gilles Bassignac pour le JDD)

C’est autour d’un thé chez Jeanne Moreau qu’on le trouve. Elle offre de délicieux chocolats, fume cigarette sur cigarette. Etienne Daho, lui, se tient droit dans un coin du sofa, timide mais rieur lorsque sa volubile amie improvise une de ces tirades dont elle a le secret. De sa voix fripée, elle évoque ses nuits blanches avec Jean Genet, ce "roublard" qu’elle a bien connu, cet "aventurier" qu’elle a adoré, et bien sûr ce Paris canaille dont elle se sent toujours fière et fille.

"Je viens d’un milieu où il n’y a pas de bourgeois, de riches ni d’aristos. Je connais le monde, moi! Mais les politiciens, comment voulez-vous qu’ils connaissent les gens?" Au passage, la comédienne rappelle qu’elle a longtemps vécu du côté de Pigalle, dans un deux-pièces "au cinquième étage d’un hôtel de passe dont je connaissais toutes les prostituées, des filles adorables…"

Si elle habite désormais des quartiers plus cossus, Jeanne Moreau s’y sent définitivement étrangère. "Tout ça c’est du monde de droite. Ici je suis la seule locataire. Ne comptez pas sur eux pour venir nous voir à l’Odéon!" Au théâtre de l’Odéon, donc. Jeanne Moreau y tient l’affiche avec Etienne Daho pour interpréter Le Condamné à mort, poème écrit par Jean Genet en prison, en 1942. L’écrivain y narre et magnifie l’édifiant destin de Maurice Pilorge, "assassin de 20 ans" guillotiné à Rennes en 1939. Une œuvre culte, sulfureuse, pétrie par le désir incendiaire de son auteur, semée de "couilles", "membres durs", "queues enflées"… "Des mots qu’il emploie sans vulgarité et cela est très libérateur", note Daho. "Une magnifique sacralisation du sexe, dit Jeanne Moreau. Je défie quiconque d’écrire comme ça aujourd’hui. Il aura du mal à trouver un éditeur…"

"Toute œuvre d’art est indisciplinée"
Dès les années 1960, le dit texte avait tout de même été mis en musique par la pianiste et chanteuse Hélène Martin, et ainsi distingué par l’Académie Charles Cros. S’il renaît aujourd’hui dans la voix d’éternel jeune homme du plus romantique des chanteurs pop français, c’est que ce dernier s’y trouve plus qu’à son aise. Et cela ne date pas d’hier. Dès 1996, à l’époque où il sortait l’un de ses albums les plus sensuels et les plus injustement mésestimés, Eden, Etienne Daho s’était déjà approprié, avec la bienveillance d’Hélène Martin, l’un des plus fameux extraits du Condamné à mort: Sur mon cou. "Viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne/Arrive dans mes yeux qui seront morts demain…"

Aujourd’hui, avec la complicité de Jeanne Moreau et sur des arrangements très épurés, il explore donc le poème tout entier en y alternant chant et lecture, avec spectacle à la clé. Le disque sert aussi de toute première sortie au label qu’il vient de créer, Radical Pop Music. "Pour l’heure, il ne compte qu’un projet, celui-ci, et deux artistes, Jeanne et moi! Mais il nous permet d’être libres, de n’avoir de comptes à rendre à personne." Jamais las de se chercher, bien d’accord avec Jeanne Moreau lorsqu’elle rappelle que "toute œuvre d’art est indisciplinée", Daho insiste sur le fait que, pour lui, chanter Genet est avant tout une façon de "se nourrir d’autre chose et se renouveler".

Le Condamné à mort (sortie du disque le 9 novembre). Sur scène à l’Odéon les 23 et 24 novembre, le 27 au Quartz, à Brest."

Alexis Campion - Le Journal du Dimanche

Samedi 06 Novembre 2010

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Genêt est pour moi, humblement avec mes souvenirs de lectures, paillettes congelées, un poète et un dramaturge sans lequel tout un pan de "mon continent" serait resté aveugle obscur...inodore et asexué.

Certaines mères veulent tuer leurs filles et elles y parviennent et donc pourquoi j'ai tant aimé d'homosexuels parce que presques féminis ou bien plus encore féminins que toutes ces femmes arborant une masculinité barbare qui coupe et réduit en cendres toute herbe sauvage... rien de ce qui vient de toi peut m'intéresser.

Inconsciences à étages, reflets dans miroirs au centuple, comme les portes tout en glaces des anciennes et si laides armoires en pharmacie.... face profil arrière

Les amoureuses les vénéneuses les "émouvantes" de Notre-Dame des Fleurs

Genêt du haut de son Balcon a déclenché les polémiques de tout temps usurpateur ou écrivain ? Il a agit sur le cuir et le cerveau reptilien de notre monde, petit monde littéraire jusqu'à Sartre en passant par Camus.

"Anar" éxilé des communautés homosexuelles y compris, exilé car "embarqué" des causes les plus désespérées : Black Panthers, Palestiniens.....

Condamné prisonnier au trou et n'ayant que ses pêts a offrir à sa jouissance sa conscience....

Immense noirceur de l'hypocrisie de bénitier révélée par un tel Eros toutes scories mises à nu...

Je ne me comprends pas plus moi non plus mais j'écris grâce à des types comme lui.

Personne ne peut s'enfoncer quand il connait le fil des funnambules de l'imaginaire à aimer et sa totale démesure renaissance irrespectueuse... pour ne pas mourir des yeux et de la flamme se tenir des yeux et du désir à jamais c'est cela Monsieur Genêt j'irai bien pour... voir déjà Moreau "la gâteuse rouge"... et Daho "le commercial variété un peu jazz" ... redevenir "indisciplinés" tractés par la machine à broyer à brailler de la poésie Genêt, soit commémorativement, mais la  Grande Moreau des salons de l'Odéon, elle l'a été autrement..."indisciplinée" et lui surement aussi....

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