dimanche 6 octobre 2019

les Hirondelles de Kaboul

Ce film est le film à ne pas oublier, mais il ne peut pas s'oublier... sur FB j’ai écrit « si je devais perdre la mémoire de tous les films que j'ai vus je voudrais que l'on me repasse celui-là ». Comment s'adapter, comment résister  malgré tout et se sacrifier et ce malgré toutes les raisons qu'on se donne pour se blinder ; malgré toutes ces atrocités être encore perméable, une fois encore, être sensible à la détresse d'autrui... Le dessin, la réalité est incroyablement rendue comme si en sortant du cinéma on risquait de voir tous nos décors quotidiens peints à l'aquarelle. Un moment les gestes d'ablution sont tellement vrais que l'on se sent comme les préférer par leur élégance à notre façon de se préparer avant de manger qui parait tout à coup sale et vulgaire, avec nos couteaux fourchettes.... et nos serviettes en papier...
Je pense que le document que j'ai repris ci-dessous intéressera tous les apprentis dessinateurs scénaristes de films d'animation ainsi que les apprentis réalisateurs ou comédiens. Quand je dis aux comédiens amateurs que je dirige avant les spectacles qu'il faut répéter avec les costumes et les accessoires....
ce qu'est devenue la librairie...


Simon Abkarian


Cinéma les Hirondelles de Kaboul extrait du document afcae(association française des cinémas d'art et essai)

Comment est né ce projet ? 
Zabou Breitman : en 2012 le producteur Julien Monestier est venu me voir avec un scénario adapté du roman les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra et les Armateurs (producteur notamment des triplettes de Belleville et d'Ernest et Célestine) était d'accord pour un film d'animation. Est-ce que cela m'intéressait ! Oui, l'idée me plaisait énormément, mais à condition que ce soit à ma manière, à savoir que les personnages soient portés par le jeu des acteurs. Je l'ai dit d'emblée : il faudra que ça soit bien joué pas seulement bien parlé, mais que les mouvements des personnages, leur rythme, leur respiration, soit juste. Les armateurs ont lancé un casting de graphistes. On a étudié les dossiers des candidats qui avait planché sur les personnages.
Éléa Gobbé-Mévellec : On nous a adressé le scénario en nous demandant de proposer une direction artistique et un graphisme complet. Je connaissais Didier Brunner, qui était alors aux Armateurs, j'avais été dessinatrice sur Ernest et Célestine et je développais un projet personnel de long-métrage que Didier suivait. Il m'a demandé de réfléchir aux hirondelles de Kaboul…
Zabou Breitman : Il y avait beaucoup de candidats, il a fallu choisir parmi des choses très différentes. C'était important de voir quelles propositions rendaient le projet viable. L'hyperréalisme de jeu, de sentiment, de comportement que je cherchais, et qui n'est pas du naturalisme, n'exige pas forcément un hyperréalisme du trait. Au contraire. 
Éléa Gobbé-Mévellec : J'ai rendu des planches avec des décors ou des personnages seuls, et puis avec les deux ensemble. J'ai choisi une colorimétrie, et une manière de dessiner en adéquation avec le propos avant tout.
Zabou Breitman : On s'est retrouvé à la fin avec deux dossiers, signé de deux femmes. Ce qui m'a énormément plu dans le travail de Éléa, c'est d'abord la façon dont été traité la lumière : explosé, surexposée, avec de la poussière. D'ailleurs on t'a redemander des vues de Kaboul. La ville était là et se dérobait en même temps, ce qu'on retrouve aujourd'hui : les traits disparaissent avec le soleil ou ne vont pas jusqu'au bout. Je trouvais ça magnifique. Et puis il y avait une image précise qui m'a fait dire que c'était toi : le dessin d'un taliban en train de fumer un pétard et qui portait une paire de Ray-Ban. On reste dans l'aquarelle mais avec ce guerrier hostile qui nous regarde de derrière ses lunettes et son pétard. Je me suis dit, voilà, c'est ça les hirondelles de Kaboul. En plus j'aimais bien qu'Éléa soit très jeune…

Au fond, qu'est-ce qui vous séduisait dans ce projet ? 
Zabou Breitman :  En termes de récit, il y avait la possibilité d'en faire quelque chose d'incroyable en animation. L'extrême abstraction est la durée apportée par l'animation fond il y a une forme de douceur propice à représenter la dureté de cette histoire. Le dessin porte une distance qui rend les images supportables. Je ne sais pas si on accepterait un film en prises de vue réelles sur le même sujet. Ce serait trop violent. Envoyant le s essais d'Éléa, la perspective est devenue assez réjouissante : tout devenait possible même la beauté.
Éléa Gobbé-Mévellec : J'avais les mêmes ambitions. En me documentant, j'ai vu une richesse graphique potentielle qu'on ne trouve pas ailleurs. Cette histoire compliquée que vivent les personnages, on pouvait la mettre en lumière de façon spécifique. Raconter des choses extrêmement fortes à partir d'un visuel puissant, ça m'intéressait beaucoup.
Zabou Breitman : La transposition via l'animation était idéale. Et elle nous rendait légitime : de quel droit, sinon, aurait-on pris la parole en tournant un film en prise de vue réelle à Kaboul.
Éléa Gobbé-Mévellec : Cela nous donnait la liberté de choisir ce qu'on allait montrer, d'aller chercher une symbolisation, une synthétisation : un détail qui dit l'essentiel, un bidon coloré au milieu de charrettes du Moyen Âge.

Le scénario achevé, vous êtes passés au casting ? 
Zabou Breitman : Oui, je m'inquiétais pour mon papa qui était très âgé. Je voulais absolument qu'il soit là pour jouer Nazich, avec sa voix fatiguée, hésitante. J'ai choisi les autres comédiens. J'avais parlé à Simon Abkarian de Hiam Abbas, qu'il connaît bien. Je me disais que ça serait bien que le couple âgé ait un léger accent, quelque chose dans le son de la voix qui ne soit pas franco-français. Par ricochet, cela permettait une identification plus forte avec le couple formé par Swann Arlaud -que j'ai choisi avant petits paysan- et Zita Hanrot, qui est arrivée assez tard sur le projet. Et puis il y avait trois Comédiens-Français : Serge Bagdassarian qui joue le mollah, Laurent Natrella qui tient plusieurs petits rôles, et Sébastien Pouderoux qui joue Qassim.

Comment s'est passé l'enregistrement des voix ? 
Zabou Breitman : En quatre jours, en septembre 2016. On était au Grand studio de Joinville avec des caméras témoin. Mais c'était plus qu'un enregistrement : les acteurs étaient habillés, on avait les tchadris, les turbans et même les kalashnikovs ! Et ils jouaient les scènes. Ce sont des acteurs créateurs : Mais ils sont capables d'hésiter, de tousser, d'improviser. Par exemple, pendant leur conversation, quand Atiq se lève pour embrasser Mirza, ce n'était pas prévu. Tout ce qui a été inventé là, les respirations, les toux, les pauses, a servi ensuite à l'animation.
Éléa Gobbé-Mévellec : Les lieux était balisés, c'était presque une scène de théâtre. Et tous les costumes étaient là, d'après ce que j'avais dessiné à partir de mes recherches…
Zabou Breitman : La prise de son était très belle : on a enregistré la voix de Zita sous le tchadri. Quand Swann a essayé de la faire boire, ils se sont mis à rire. Ils se sont embrassés, ils se sont aimés, ils se sont battus, l'énergie physique n'était pas la même que si on avait simplement fait les voix debout à la barre. Je savais aussi que Simon connaissait les ablutions, qu'il savait nouer son turban.
Hiam et lui savent comment s'asseoir par terre. Je ne pouvais pas prendre des acteurs qui n'auraient pas su tout ça.
Éléa Gobbé-Mévellec : J'ai constitué les équipes en choisissant les collaborateurs pour leur compréhension du projet et leur capacité à s'y adapter. On a commencé par l'équipe de "story- boardeurs", ils étaient quatre formidables, ils ont mis toute leur créativité au service du film. Le story -board a donné ce qu'on appelle l'animatique, qui est un premier bout-à-bout sur laquelle est passé aussi la monteuse. Ensuite on est passé aux layout : on précise la case, avec une meilleure perspective sur les décors, et on décompose le mouvement du personnage. On définit aussi la palette chromatique du film. Et enfin vient l'animation. Avec Zabou, on était d'accord pour survaloriser le dessin par rapport à l'animation. Certains personnages sont plus faciles à dessiner, d'autres plus faciles à animer. L'animatrice qui devait se charger du monologue de Mussarat, à la fin du film, été pétrifiée : sur un long-métrage, un animateur fait en moyenne deux secondes par jour à lui tout seul. Elle, elle avait un plan de deux minutes, un plan presque fixe ou le personnage bouge très peu ! Mais elle a fait les choses de façon incroyable, très subtile, pour rendre Hiam vivante, et elle était super contente à la fin. Elle a animé une pièce maîtresse du film.

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