Ces articles pour vous donner un peu le la, le métronome entre monde culturel et monde politique, comment les spectacles et Compagnes de Théâtre naissent et meurent "d'un trait de plume". Et puis le statut intermittent qui vacille et est bien entretenu dans ce total déséquilibre plus contre les intermittents que pour les caisses de l'ÉTAT.
SURTOUT QUE LA CULTURE, rapporte embauche et débauche beaucoup... en temps de crise les spectateurs ont besoin de comédies et de tragédies, de lumières, de regards autres que le leur, sur le Monde.
À ce propos de projecteurs conjugués de tous les Média il y en a qui ont leur raison, nécessité, un peu comme en musique classique : les tubes, sont le plus souvent de très belles œuvres.
Angelo de Christophe Honoré avec un débat après dans le théâtre avec les comédiens les plus connus en interview rapprochée, le metteur en scène et le co-organisateur du Festival IN d'Avignon : Vincent Baudriller sur France 2.
Eh bien fatiguée vous me connaissez, j'ai fermé les yeux j'ai même ronflé ! m'a dit mon ami (ce qui m'arrive encore très rarement), je me suis réveillée pour la mort de Tisbé, alors que je me suis endormie aux retrouvailles de Rodolpho et Catarina en Emmanuelle Devos.
Mon ami doux a tout regardé lui et a beaucoup aimé et il est difficile la mise en scène le mélange cinéma théâtre les acteurs les suspensions du décor entre toutes les époques et le Romantisme éperdu du texte, magnifique Hugo.
Oui mais moi j'ai la mise en scène bien plus modeste mais tout autant courageuse de Philippe Person, il y a quelques années , avec tous ses aléas : changement de comédien imposé par un directeur de théâtre... dans les yeux l'oreille la mémoire et les rêves... qui pleurent aussi quelquefois !
Le débat était de très haute tenue de la part des interviewés, ah! les questions voyeuses de certains journalistes sur le monde intérieur des actrices, toujours les mêmes... : "et dans votre vie..." Madame Emmanuelle Devos vous êtes une grande actrice et une femme sensible timide et ne vous laissez pas fagociter par les journalistes... ils ne vous méritent pas...
Je m'arrête et vous laisse mes amours du théâtre en chantier... car je pars enfin à AVIGNON
Echos people sur Fluctua.net
Posté par Nedjma le 17.07.09 à 12:17 |
Avignon n'est pas Cannes, on l'a dit et redit, pourtant, ça n'empêche pas qu'un certain nombre de personnalités du théâtre, du cinéma et de la télé y traînent leurs basques.
Premier d'entre eux, Frédéric Mitterrand. Le festival est un passage obligé pour chaque ministre de la culture, à plus forte raison s'il vient d'être nommé. Mais celui-là n'a pas fait escale à la Cour d'honneur, comme le veut la tradition. Il a évité les onze heures de spectacle de Wajdi Mouawad ou la première de "(A)pollonia", hier soir, préférant découvrir "Angelo, tyran de Padoue" mis en scène par Christophe Honoré au Théâtre municipal.
Martine Aubry elle, avait tenté le coup. Elle a assisté au spectacle de Krzsystof Warlikowski -quatre heures trente, compte-rendu à suivre-... et a filé à l'entracte. Isabelle Huppert elle, est restée jusqu'à la fin, y compris au pot de première. Elle jouera l'hiver prochain sous la direction du metteur en scène polonais dans "Un tramway nommé désir", à l'Odéon. La comédienne Florence Thomassin aussi était de la partie...
Côté Off, Denis Lavant qui joue dans "Big shoot" au Chêne noir chaque matin à 11 heures prend soin d'aller applaudir ses petits camarades. Il assistait voilà quelques jours à "Monsieur de Pourceaugnac" à la Fabrik Théâtre, et s'est marré une heure trente durant.
Les professionnels du spectacle réclament à Avignon un "plan de relance"
(AFP) – Il y a 18 heures
AVIGNON — Des professionnels du spectacle vivant, employés et salariés, se sont réunis vendredi à Avignon pour exiger un "plan de relance et de développement" de leur secteur, selon eux fragilisé par la politique du gouvernement.
A l'appel de la CGT-spectacle (salariés permanents et intermittents) et du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), une assemblée générale a rassemblé quelques centaines de personnes dans la Cour d'honneur du Palais des papes, lieu emblématique du Festival d'Avignon.
Le nouveau ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a clos la semaine dernière la seconde phase --celle des négociations-- des Entretiens de Valois, censés préparer la réforme de l'action de l'Etat dans le domaine du spectacle, en lien avec les professionnels et les collectivités locales.
"Nous avions proposé les Entretiens de Valois, mais ils ont accouché d'un souriceau malade", a estimé lors de l'AG le président du Syndeac, François Le Pillouër. "L'art rencontre de grands succès, le public est à nos côtés mais pour l'instant, tout ce qu'on nous propose, c'est la chronique d'une mort décidée", a-t-il ajouté, en estimant que "quand ce gouvernement fait des réformes, c'est plutôt des contre-réformes".
Le président de la Fédération des employeurs du spectacle vivant privé et public (Feps), Jean-Marc Bador, a pour sa part jugé la situation "réellement préoccupante".
"Le président (Nicolas Sarkozy) avait fait des avancées", a-t-il relevé, allusion au fait que le chef de l'Etat s'était dit en mars "ouvert à l'idée d'un plan de relance des arts et de la culture".
Mais "pour l'instant, on ne voit pas en quoi il va nous aider à faire du spectacle vivant une réponse à la crise", a ajouté Jean-Marc Bador.
L'AG s'est achevée sur le vote à mains levées, à l'unanimité moins quelques abstentions, de trois motions.
Ces textes réclament une "loi d'orientation et de programmation", un "plan de relance et de développement" et la "suppression du Conseil pour la création artistique" animé par Marin Karmitz, considéré comme une "officine parallèle du président de la République" court-circuitant le ministère de la Culture.
PÉRIGUEUX. Une compagnie locale, présente à Avignon en 2008, a perdu l'aide de la mairie
Avignon, c'est fini
dans Sud-Ouest
Au Festival d'Avignon, Diane Meunier et Thierry Lefever, de la compagnie Raoul et Rita. (photo dr)
«La décision de la municipalité témoigne d'un vrai désintérêt pour notre travail. Ça nous fait mal. » Thierry Lefever, un pilier de la compagnie théâtrale Raoul et Rita, basée à Ligueux, parle d'une « déconvenue très forte ». La mairie de Périgueux, qui les subventionnait depuis cinq ans, n'a pas reconduit son financement. Et pour Raoul et Rita, qui s'auto-financent pourtant en grande partie, cela implique une mise en péril de leurs activités.
Pourtant, la jeune compagnie, fondée en 2000, mais dont les membres ont trente ans d'activité derrière eux, a pour l'instant rencontré un certain succès. À tel point qu'ils étaient en 2008 la seule compagnie professionnelle de Dordogne à jouer au festival off d'Avignon.
La subvention de la Ville, certes modérée avec un montant de 3 800 euros les premières années, puis de 6 000 euros en 2007 et 2008, leur permettait d'avancer sur leurs différents projets. Au départ au Théâtre de la vache cruelle à Périgueux, la compagnie a ensuite poursuivi avec différentes créations, des lectures spectacles surtout. Y compris à Périgueux : par exemple dans le cadre du cycle Étranges lectures organisé par la bibliothèque de Périgueux, et d'ailleurs relayé par la Ville et le Conseil général.
Un trait de plume
« Mais avec la suppression brutale de cette aide au titre de la création, nous avons dû annuler notre seconde participation à Avignon, prévue ce mois-ci, et également un spectacle dans un théâtre parisien », déplore Thierry Lefever. S'il ne restait pas l'aide du Conseil général, la compagnie devrait cesser ses activités.
Du côté de la mairie, on explique cette décision par un simple souci d'économie. « La compagnie n'a pas son siège à Périgueux et nous ne pouvons pas, financièrement, subventionner les associations hors de la ville. Il ne faut pas y voir un jugement sur la qualité de son travail. Même juridiquement, nous ne pouvons pas la subventionner », explique Arnaud Le Guay, adjoint à la culture à la mairie, qui ne subventionne de manière significative que trois associations de la ville. Raoul et Rita essaie d'ailleurs d'obtenir un local à Périgueux depuis 2005, sans succès.
Mais pour les membres de la compagnie, il y a aussi un problème de méthode. « Nous étions suivis depuis pas mal de temps et là, nous avons simplement reçu une petite lettre toute sèche. Ça nous ferait presque regretter la droite, observe Thierry Lefever, qui considère que la Ville a tiré un trait de plume sur leur collaboration. La compagnie reproche aussi à Arnaud Le Guay de ne pas être venu la voir jouer en Avignon en juillet 2008, alors qu'il se trouvait pendant quelques jours au très prestigieux festival de théâtre.
« Nous ne sommes pas en bagarre mais plutôt en pétard, conclut Thierry Lefever. Mais on va se calmer et j'espère qu'on pourra retravailler ensemble. » En attendant, la compagnie Raoul et Rita donne une lecture-spectacle de « On the road », de Jack Kerouac à travers le département, dans le cadre de Woodstock 69 / 40.
Auteur : Charlotte Martinez
samedi 18 juillet 2009
vendredi 17 juillet 2009
"Beaucoup de bruit pour rien" LA TERRASSE parle bien... d'eux AVIGNON OFF
Avignon en Scène(s)
Théâtre / agenda / Répertoire
Beaucoup de bruit pour rien
"La comédie populaire de Shakespeare (1598) a fait les délices du public élisabéthain. Philippe Person transpose ce portrait d’une société égoïste et superficielle dans l’insouciance des années 50.
En votre compagnie joue Shakespeare dans les années 50
L’adaptation efficace de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare que Philippe Person réinvente puisqu’il ne conserve de l’intrigue initiale que les événements majeurs, est signée Philippe Honoré. L’action se situe aux Etats-Unis dans les années 50. Bénédict et Claudio, les protagonistes masculins, sont deux GI revenant de guerre. Béatrice et Héro, les protagonistes féminines, sont deux jeunes filles légères et enjouées qui dansent, chantent et s’amusent sur les chansons d’Elvis Presley. Le désir de gaieté et de liberté sont les marques récurrentes de cette époque d’après-guerre. L’élan de la mise en scène élude les questions profondes personnelles – le «être ou ne pas être» -, mettant en lumière un monde shakespearien où la chose vue ou entendue fait loi. On peut aimer un jour et ne plus aimer l’autre jour, on est prêt à croire sans réserve ce que l’on veut bien nous faire croire. La jeunesse rebelle n’hésite pas à revendiquer et les certitudes s’embrasent vite pour disparaître aussitôt. On imagine le rythme pétillant diffusé par cette vision effervescente de la vie, servie par six comédiens. Un entrain revigorant."
Véronique Hotte
Beaucoup de bruit pour rien
De William Shakespeare, adaptation de Philippe Honoré, mise en scène de Philippe Person, du 8 au 31 juillet 2009 à 12h30 au Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Puy à Avignon Tél: 04 90 85 00 80
Article imprimé à partir du site www.journal-laterrasse.fr / Copyright© 2009
Théâtre / agenda / Répertoire
Beaucoup de bruit pour rien
"La comédie populaire de Shakespeare (1598) a fait les délices du public élisabéthain. Philippe Person transpose ce portrait d’une société égoïste et superficielle dans l’insouciance des années 50.
En votre compagnie joue Shakespeare dans les années 50
L’adaptation efficace de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare que Philippe Person réinvente puisqu’il ne conserve de l’intrigue initiale que les événements majeurs, est signée Philippe Honoré. L’action se situe aux Etats-Unis dans les années 50. Bénédict et Claudio, les protagonistes masculins, sont deux GI revenant de guerre. Béatrice et Héro, les protagonistes féminines, sont deux jeunes filles légères et enjouées qui dansent, chantent et s’amusent sur les chansons d’Elvis Presley. Le désir de gaieté et de liberté sont les marques récurrentes de cette époque d’après-guerre. L’élan de la mise en scène élude les questions profondes personnelles – le «être ou ne pas être» -, mettant en lumière un monde shakespearien où la chose vue ou entendue fait loi. On peut aimer un jour et ne plus aimer l’autre jour, on est prêt à croire sans réserve ce que l’on veut bien nous faire croire. La jeunesse rebelle n’hésite pas à revendiquer et les certitudes s’embrasent vite pour disparaître aussitôt. On imagine le rythme pétillant diffusé par cette vision effervescente de la vie, servie par six comédiens. Un entrain revigorant."
Véronique Hotte
Beaucoup de bruit pour rien
De William Shakespeare, adaptation de Philippe Honoré, mise en scène de Philippe Person, du 8 au 31 juillet 2009 à 12h30 au Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Puy à Avignon Tél: 04 90 85 00 80
Article imprimé à partir du site www.journal-laterrasse.fr / Copyright© 2009
"Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau
Œdipe sans la brûlure de la tragédie
Le Monde
Je crois que là c'est une critique comme on en lit sur les représentations d'Opéra qui se réfère à une soit-disant manière de faire...
C'est l'idée qu'ils en ont comme ici de la tragédie "brûlante".
de
Jacques Bonnaffé dans le spectacle "Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau au Festival d'Avignon, le 10 juillet 2009.
AVIGNON ENVOYÉE SPÉCIALE
"Dans la note d'intention de Sous l'oeil d'Œdipe, présenté au Festival d'Avignon jusqu'au 26 juillet, Joël Jouanneau, l'auteur et metteur en scène, écrit que ce spectacle "est la tentative de retracer, en un même texte et pour un même soir, le destin sanglant des enfants de la maison de Labdacos (...) ; si je me suis lancé dans cette aventure, c'est pour comprendre, mais de l'intérieur, ce qu'est une malédiction."
Jouanneau s'est appuyé sur trois auteurs : Sophocle, Euripide et Iannis Ritsos, le poète grec contemporain à qui il emprunte le poème "Ismène". Nous verrons donc sur scène Antigone, Polynice, Etéocle et Ismène, les quatre enfants et frères et soeurs d'Œdipe. Leur mère Jocaste n'apparaît que dans les récits des personnages, femme, amante et mère devenue folle d'avoir pratiqué l'inceste.
La scène est un espace vide entre deux gradins sur lesquels les personnages se font face. A une extrémité, un mur brillant métallique signale l'entrée du palais maudit de Thèbes. A l'autre, un mur strié de gris mat annonce le royaume des dieux et des devins, de l'exil et de la mort. Sur le sol, une malle et un bâton noueux qui servira à Œdipe sur sa route de malheurs. Les comédiens ont de la place pour évoluer, dans ce dispositif démocratique qui met tous les membres du public au même niveau et facilite le propos de Joël Jouanneau : faire entendre la tragédie comme une affaire intime et policière.
Intime, parce que Jouanneau y met du sien, commentaires compris. Policière, parce que l'histoire se déroule à toute vitesse, en dépit des trois heures de spectacle, et qu'elle prend la forme d'une énigme qu'un auteur de romans noirs essaierait de résoudre. Cet auteur a un point de vue personnel et précis : Œdipe n'est pas coupable, puisqu'il ne savait pas ; ses fils sont responsables, parce que orgueilleux. Pour le spectateur, cette simplification a un effet "analyse-Berlitz" : un symptôme dévoile une cause, comme une lampe qu'il suffit de relier à une prise électrique pour qu'elle s'allume, et l'on passe au suivant, jusqu'à épuisement des stocks.
ACCENT DU NORD
Inutile de dire que la tragédie en prend un coup. Exit ce qui la fonde : l'effroi devant l'inconnu monstrueux en soi. Exit, par conséquent, l'effet cathartique de la représentation. Réduite à sa plus simple expression, l'écoute ne procure ni l'intérêt ni la brûlure intime qu'elle devrait engendrer. Comment croire à la folie de Jocaste quand celle-ci dit, par la bouche de sa fille Ismène : "J'ai donc fait ce que tant de mères ont rêvé" ? Comment ne pas sourire quand Cadmos traite Œdipe de "tordu" et lui dit : "Quel idiot j'ai été d'espérer me faire entendre d'un parricide. A te voir agir, on comprend que tu aies pris ta mère en noces" ? Et que penser d'Œdipe s'adressant en ces termes à son fils Polynice : "Dis-moi, petit frère..." ?
Cette façon de mener l'enquête sur les Labdacides et de vouloir à tout crin la relier au présent, pousse les comédiens de Sous l'oeil d'Œdipe à se lâcher d'une manière parfois improbable. C'est le cas de Jacques Bonnaffé. Quand il quitte son costume de lin blanc d'Œdipe roi de Thèbes et qu'il part sur les routes, en loques, les yeux crevés, il se met à chanter son texte comme s'il jouait à un comptoir, avec son talent et son accent de conteur du nord de la France pour le moins décalé dans la Grèce antique.
De la même façon, on se demande pourquoi Philippe Demarle (Polynice) et Alexandre Zeff (Etéocle), les frères ennemis qui se disputent le royaume de Thèbes, en viennent à exécuter une danse primitive, vêtus de jupes en paille, pour signifier leur combat mortel. Bien sûr, cela n'est pas tout, dans le spectacle de Joël Jouanneau, qui sait être aussi tenu - à certains moments - qu'il est relâché à d'autres. Mais ces excès n'incitent pas à l'indulgence."
Sous l'oeil d'Œdipe, de et mise en scène de Joël Jouanneau. Gymnase du lycée Mistral, Avignon. Tél. : 04-90-14-14-14. De 13 € à 27 €. Jusqu'au 26 juillet (relâche le 22), à 22 heures. Durée : 3 heures.
Brigitte Salino
Réactions...
Gabrielle Philomène :
"Réduire le magnifique travail d’acteur de Jacques Bonnaffé dans cette pièce à un travail de "conteur du Nord".."de comptoir", c’est bien affigeant comme critique. Est-ce que vous ne confondez pas un peu la pure brûlure de la tragédie et les clichés de l’héliotropisme à la mode ?
Je me demande ce que vous auriez écrit d’André Dhôtel qui voyait la Grèce dans le pays d’Ardenne ? Les rizomes, savez-vous, aiment perdre la boussole.
Le Monde
Je crois que là c'est une critique comme on en lit sur les représentations d'Opéra qui se réfère à une soit-disant manière de faire...
C'est l'idée qu'ils en ont comme ici de la tragédie "brûlante".
de
Jacques Bonnaffé dans le spectacle "Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau au Festival d'Avignon, le 10 juillet 2009.
AVIGNON ENVOYÉE SPÉCIALE
"Dans la note d'intention de Sous l'oeil d'Œdipe, présenté au Festival d'Avignon jusqu'au 26 juillet, Joël Jouanneau, l'auteur et metteur en scène, écrit que ce spectacle "est la tentative de retracer, en un même texte et pour un même soir, le destin sanglant des enfants de la maison de Labdacos (...) ; si je me suis lancé dans cette aventure, c'est pour comprendre, mais de l'intérieur, ce qu'est une malédiction."
Jouanneau s'est appuyé sur trois auteurs : Sophocle, Euripide et Iannis Ritsos, le poète grec contemporain à qui il emprunte le poème "Ismène". Nous verrons donc sur scène Antigone, Polynice, Etéocle et Ismène, les quatre enfants et frères et soeurs d'Œdipe. Leur mère Jocaste n'apparaît que dans les récits des personnages, femme, amante et mère devenue folle d'avoir pratiqué l'inceste.
La scène est un espace vide entre deux gradins sur lesquels les personnages se font face. A une extrémité, un mur brillant métallique signale l'entrée du palais maudit de Thèbes. A l'autre, un mur strié de gris mat annonce le royaume des dieux et des devins, de l'exil et de la mort. Sur le sol, une malle et un bâton noueux qui servira à Œdipe sur sa route de malheurs. Les comédiens ont de la place pour évoluer, dans ce dispositif démocratique qui met tous les membres du public au même niveau et facilite le propos de Joël Jouanneau : faire entendre la tragédie comme une affaire intime et policière.
Intime, parce que Jouanneau y met du sien, commentaires compris. Policière, parce que l'histoire se déroule à toute vitesse, en dépit des trois heures de spectacle, et qu'elle prend la forme d'une énigme qu'un auteur de romans noirs essaierait de résoudre. Cet auteur a un point de vue personnel et précis : Œdipe n'est pas coupable, puisqu'il ne savait pas ; ses fils sont responsables, parce que orgueilleux. Pour le spectateur, cette simplification a un effet "analyse-Berlitz" : un symptôme dévoile une cause, comme une lampe qu'il suffit de relier à une prise électrique pour qu'elle s'allume, et l'on passe au suivant, jusqu'à épuisement des stocks.
ACCENT DU NORD
Inutile de dire que la tragédie en prend un coup. Exit ce qui la fonde : l'effroi devant l'inconnu monstrueux en soi. Exit, par conséquent, l'effet cathartique de la représentation. Réduite à sa plus simple expression, l'écoute ne procure ni l'intérêt ni la brûlure intime qu'elle devrait engendrer. Comment croire à la folie de Jocaste quand celle-ci dit, par la bouche de sa fille Ismène : "J'ai donc fait ce que tant de mères ont rêvé" ? Comment ne pas sourire quand Cadmos traite Œdipe de "tordu" et lui dit : "Quel idiot j'ai été d'espérer me faire entendre d'un parricide. A te voir agir, on comprend que tu aies pris ta mère en noces" ? Et que penser d'Œdipe s'adressant en ces termes à son fils Polynice : "Dis-moi, petit frère..." ?
Cette façon de mener l'enquête sur les Labdacides et de vouloir à tout crin la relier au présent, pousse les comédiens de Sous l'oeil d'Œdipe à se lâcher d'une manière parfois improbable. C'est le cas de Jacques Bonnaffé. Quand il quitte son costume de lin blanc d'Œdipe roi de Thèbes et qu'il part sur les routes, en loques, les yeux crevés, il se met à chanter son texte comme s'il jouait à un comptoir, avec son talent et son accent de conteur du nord de la France pour le moins décalé dans la Grèce antique.
De la même façon, on se demande pourquoi Philippe Demarle (Polynice) et Alexandre Zeff (Etéocle), les frères ennemis qui se disputent le royaume de Thèbes, en viennent à exécuter une danse primitive, vêtus de jupes en paille, pour signifier leur combat mortel. Bien sûr, cela n'est pas tout, dans le spectacle de Joël Jouanneau, qui sait être aussi tenu - à certains moments - qu'il est relâché à d'autres. Mais ces excès n'incitent pas à l'indulgence."
Sous l'oeil d'Œdipe, de et mise en scène de Joël Jouanneau. Gymnase du lycée Mistral, Avignon. Tél. : 04-90-14-14-14. De 13 € à 27 €. Jusqu'au 26 juillet (relâche le 22), à 22 heures. Durée : 3 heures.
Brigitte Salino
Réactions...
Gabrielle Philomène :
"Réduire le magnifique travail d’acteur de Jacques Bonnaffé dans cette pièce à un travail de "conteur du Nord".."de comptoir", c’est bien affigeant comme critique. Est-ce que vous ne confondez pas un peu la pure brûlure de la tragédie et les clichés de l’héliotropisme à la mode ?
Je me demande ce que vous auriez écrit d’André Dhôtel qui voyait la Grèce dans le pays d’Ardenne ? Les rizomes, savez-vous, aiment perdre la boussole.
jeudi 16 juillet 2009
DE LA DANSE à PARIS jusqu'à vendredi : 3 destins de femmes "Etats de Femmes"
Nous y sommes allés par relation... Assos Cies
et depuis j'ai les images derrière les yeux : travail engagement un texte intérieur qui par les gestes plus que par les mots prend toute sa singularité à travers ses 3 danseuses
C'est au Théâtre Musical Marsoulan tout prés de la Nation 20 rue Marsoulan 3 jours à 19h30, 40mn c'est à dire jusqu'à ce vendredi là...
La danse c'est comment dire, plus éphémère encore que le théâtre, plus en déséquilibre pour un presque rien une respiration...
c'est un pied de nez au silence aux baillons et aux chaînes...
Comme elles sont belles la blonde la brune et la noire... plus encore que beauté "terme piège"
que leur violence maitrisée gestes rassemblés au bord du vide intérieur
encore plus que cela : simplement frémissement qui ne se résout pas qui ne subit pas
qui prolonge la vie et la joie pour plus loin que l'amour d'un homme noir ou blanc point à la ligne... leur âme humaine.
Elles s'appellent Anaëlle CORCHO, Sabrina FAIRFORT, Aurélie VIVIEN
Compagnie Afro-Ka'Danse tél. : 06.27.94.11.92
Le rideau s'ouvre sur 3 toiles fragiles et fortes d'une artiste peintre les représentant en mouvement... très important arrêt sur images d'Emmanuelle Millau
"La femme est l'avenir de l'homme" je suis mal placée pour dire le contraire... mais depuis combien de temps déjà... c'est quand demain ?
mercredi 15 juillet 2009
Le cinéma au service du THÉÂTRE : Péléas et Mélisande mise en scène d'OLIVIER PY
Le cinéma au service de l'Opéra : Péléas et Mélisande
Un film susceptible d’éveiller la passion de l’opéra, non pas un “opéra filmé” (il y a eu un temps où cette mode a donné quelques films remarquables:”Don Giovanni” de Joseph Losey, “La flute enchantée” de Bergman), mais un film qui permet une sorte d‘introspection d’une oeuvre, dans tous les sens du terme, il s’agit de “Pelléas et Mélisande- Le chant des aveugles” de Philippe Béziat.
Tournage des séances de répétition au Théatre musical Stanilavski de Moscou en juin 2007, le film a surtout l’extraordinaire mérite de nous donner quelques clés de l’opéra de Claude Debussy, composé sur un livret de Maeterlinck (poète et dramarurge belge, mort en 1949) mais il donne aussi à réfléchir à l’importance de la mise en scène d’Olivier Py (Directeur du Théâtre de l’Odéon)..créateur extrêmement original et contesté par certains esprits plus “classiques”.
En fait, le film (confidentiel et rare) a été remis à l’affiche à AIX en PROVENCE, à l’occasion de la représentation de l’opéra de Mozart “Idoménée”, dans une mise en scène totalement décoiffante du même Py, déjà connu par des mises en scène hors du commun, telles le “Tristan et Ysolde” de Wagner(présenté en février 2005 au Grand Théatre de Genève), “Les contes d’Hoffman” d’Offenbach (créé en 2001). Ce qui est captivant, c’est l’existence de films (maintenant en DVD) qui nous donnent une vision très physique, très suggestive et parfois très érotique du jeu des acteurs. C’est le cas ici, et l’on peut affirmer que c’est aussi une oeuvre pédagogique.La mise en scène est, au plan du matériel scénique, composée de grandes masses métalliques, d’acier et de verre, qui sont constamment en mouvement, et où les acteurs se meuvent, apparaissent et disparaissent. Il est clair qu’au cinéma nous n’avons pas la perspective générale du dispositif, mais nous avons le privilège de vivre très proches des protagonistes. Grâce aux interviews et aux questions pertinentes posées à Olivier Py, Marc Minkowski,les chanteurs russes et français, il nous est possible de se faire une idée de cette oeuvre romantique et envoûtante, et cela de l’intérieur, si je peux dire... C’est une traversée qui nous conduit à une sorte d’hypnose, de rêverie suscitant notre imagination, invoquant même nos propres souvenirs de relations amoureuses, vécues ou imaginées! Le montage est musical, la caméra se déplace sans bruit et scrute les créateurs au travail: le chef d’orchestre expliquant à son orchestre russe comment il entend la divine musique de Debussy; une violoniste russe qui exprime son enthousiasme; un chanteur russe (magnifique voix de basse) qui trouve que l’oeuvre n’est pas assez vivante et émotive (comme l’attendrait le public moscovite); Olivier Py qui développe sa conception de l’oeuvre : “Quelle est donc la clé de Pelléas et Mélisande? la clé? c’est l’énigme”.Le mystère de l’amour, de la vie et des passions humaines…
Ainsi, les moyens du cinéma sont au service de la musique, des interprètes (comme les visages des solistes sous la baguette de Minkowski sont beaux et expressifs!) et de l’ aventure unique du metteur en scène, qui nous déroule sa conception de l’oeuvre, ses réflexions personnelles sur Mélisande, Pelléas, Golaud, Arkel... Ah! la chevelure de Mélisande, les mouvements passionnés de Pelléas, l’oeil sinistre de Golaud, la forêt de tubulures et de clair-obscurs, la lancinante mélodie debussyte, la vie, l’amour fou, la mort. Après la projection,en me promenant sur le Cours Mirabeau, je me sentais flotter dans un monde indéfinissable…Alliance de l’opéra et du cinéma, de la mise en scène et de sa représentation cinématographique, n’est ce pas le comble du bonheur, quand on aime les deux, avec la même passion?
mardi 14 juillet 2009
A propos de la sincérité au théâtre, Peter Brook : extrait
Extrait de l'espace vide de Peter Brook, traduction Christine Étienne et Franck Fayolle, Éditions du Seuil, Paris 1977
C'est un livre indispensable, pour le plaisir maîtrisé...
la sincérité
(...)" Le plus difficile pour un acteur est d'être sincère et pourtant détaché. On a inculqué à un acteur que la sincérité est tout ce qui compte. Ce mot de sincérité, avec sa coloration morale est source de confusion. D'une certaine façon, la qualité la plus puissante des interprètes de Brecht est leur "insincérité". Ce n'est que grâce à la distanciation que l'acteur peut prendre conscience de ses propres clichés. Le mot sincérité cache un dangereux piège. Qu'est-ce qu'un acteur débutant découvre en premier ? Que son métier est difficile et qu'il exige de lui certains talents. Par exemple, il faut qu'on l'entende; que son corps lui obéisse; il doit être maître de son rythme et non pas esclave du hasard. Il étudie donc un certain nombre de techniques et acquiert vite du savoir-faire. Le savoir-faire peut rapidement devenir source de fierté et fin en soi. Il devient de la dextérité sans autre objet que sa propre démonstration. En d'autres termes, l'art devient "insincère". Le jeune acteur qui se rend compte de l'absence de sincérité des acteurs chevronnés est dégoûté. Il recherche la sincérité. La sincérité est un mot lourd de sens. Comme la propreté, il provoque des associations d'idées avec des notions acquises pendant l'enfance. : la bonté, la franchise, la correction. La sincérité semble un bon idéal, un but préférable à l'acquisition de la technique, et comme c'est un sentiment on peut toujours savoir quand on est sincère. Si bien que l'on dispose d'un fil conducteur. On peut trouver sa voie vers la sincérité en faisant don au public de ses émotions, en se donnant, en étant honnète, en travaillant "sans filet" ou comme disent les Français "en se jetant à l'eau". Malheureusement, le résultat peut-être détestable. Dans n'importe quel autre forme d'art, le créateur, si profondément uni soit-il à son acte de création, peut toujours prendre des distances et examiner le résultat. Quand le peintre s'écarte de sa toile, certaines facultés peuvent entrer en jeu qui l'avertiront aussitôt de ses excès. Chez un très bon pianiste, la tête est physiquement moins impliquée que les doigts, et même s'il est "emporté" par la musique, son oreille lui permet un minimum de détachement et de contrôleobjectif. La difficulté du jeu scènique est que l'acteur ne dispose que de lui même, que ce matériau mystérieux, perfide et changeant. On demande de prendre à la fois de la distance et d'être engagé - d'être détaché sans attachement. Il doit être sincère et ne pas l'être. Il doit s'entraîner à n'être pas sincère avec sincérité, à mentir avec franchise. Cela est à peu près impossible et pourtant essentiel."
Le petit fils d'Armand Gatti victime d'un assaut policier.
On a oublié d'interroger le nouveau ministre de la culture..... Article du FIGARO
Article de RUE 89
..."On oublie de l'interroger sur la tragique intervention policière de Montreuil : un jeune homme, Joachim Gatti, 34 ans, a perdu un œil dans un assaut qui semble assez disproportionné. Il se trouve qu'il appartient au monde du spectacle vivant, de la défense de la culture. Il est le petit fils d'Armand Gatti. Il s'agissait d'un repas (gnocchi) devant une ancienne clinique de la Croix de Chavaux, squattée et servant de lieu de projection. Le matin même ce squat avait été évacué. Le dîner festif était une manifestation pacifique de soutien. On rappelle que Montreuil est le lieu des ateliers de Méliès et de La Maison de l'Arbre, grand foyer d'invention théâtrale et civique animé par Armand Gatti, son fils Stéphane, son petit-fils Joachim, la famille. Et qu'Armand Gatti a été un grand combattant dans la guerre."
Un monsieur Benedetto est mort là-bas entre deux représentations...
Je ne connaissais pas que de nom. Un nom mentionné sur les programmes éditions de Théâtre, OFF privé...
Publié le 13 juillet 2009 à 11h39 | Mis à jour le 13 juillet 2009 à 11h43 de Sylvie St-Jacques
Le Festival d'Avignon en deuil
La Presse
(Avignon) Lundi matin, Avignon s'est réveillée orpheline: André Benedetto, le père du festival OFF d'Avignon, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi, des suites d'un accident vasculaire cérébral.
«Cela bouleverse le festival. Il était très actif et jouait même dans deux spectacles du OFF», a déclaré une attachée de presse du OFF, lors du passage de La Presse dans les bureaux du festival lundi après-midi.
Considéré comme le fondateur du festival off d'Avignon, André Benedetto était directeur des Carmes. Né le 14 juillet 1934 à Marseille, ce fou de théâtre présidait l'association Avignon Festival et Compagnies, qui a restructuré en 2007 le festival «off» d'Avignon. Cette année, ce volet en marge du festival officiel comporte 985 spectacles.
Adepte d'un théâtre engagé, metteur en scène et poète, il a publié et joué de nombreuses œuvres.
Publié le 13 juillet 2009 à 11h39 | Mis à jour le 13 juillet 2009 à 11h43 de Sylvie St-Jacques
Le Festival d'Avignon en deuil
La Presse
(Avignon) Lundi matin, Avignon s'est réveillée orpheline: André Benedetto, le père du festival OFF d'Avignon, est décédé dans la nuit de dimanche à lundi, des suites d'un accident vasculaire cérébral.
«Cela bouleverse le festival. Il était très actif et jouait même dans deux spectacles du OFF», a déclaré une attachée de presse du OFF, lors du passage de La Presse dans les bureaux du festival lundi après-midi.
Considéré comme le fondateur du festival off d'Avignon, André Benedetto était directeur des Carmes. Né le 14 juillet 1934 à Marseille, ce fou de théâtre présidait l'association Avignon Festival et Compagnies, qui a restructuré en 2007 le festival «off» d'Avignon. Cette année, ce volet en marge du festival officiel comporte 985 spectacles.
Adepte d'un théâtre engagé, metteur en scène et poète, il a publié et joué de nombreuses œuvres.
Le spectacle très attendu : ANGELO casting de cinoche et théâtre mélangé
Des comédiennes de théâtre qui ont joué La Tisbé un des rôles pour les femmes les plus insensés, mélos, lyriques de comédienne courtisane "je suis une balladine" vont aller sans hésiter voir cette étrange composition : Hugo Emmanuelle Devos Christophe Honoré Martial Di Fonzo Bo...
Je n'irais pas j'en aurais assez par le bruit répandu....
Les ruses de Christophe Honoré pour trouver son casting de rêve
LE MONDE | 11.07.09 | 15h48 • Mis à jour le 13.07.09 | 16h44
Pour la première fois, elles jouent ensemble dans les plus prestigieux des festivals de théâtre. Et s'attaquent à une pièce de Victor Hugo, mise en scène par Christophe Honoré. | Photo Hubert Fanthomme parue dans Paris-Match qui bien-sûr a fait un article sur les 2 vedettes dont une a failli jeter l'éponge parce qu'elle n'arrivait pas à apprendre le texte... c'est intéressant !
AVIGNON ENVOYÉ SPÉCIAL
C'est assurément l'un des spectacles les plus attendus de cette édition 2009: Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo, mis en scène par Christophe Honoré. Il y a l'auteur, vénéré mais peu joué. Le metteur en scène, réalisateur et écrivain reconnu, dont le retour au théâtre intrigue. Mais surtout ce qu'au cinéma on appelle un casting de rêve. Trois comédiens exceptionnels, chacun dans leurs registres : la lumineuse Emmanuelle Devos, l'explosif Martial Di Fonzo Bo et l'insolente Clotilde Hesme. L'occasion d'observer la mise en place d'une distribution.
MARIER LES UNIVERS DU THÉÂTRE ET DU CINÉMA
"Montrer au spectateur mon propre trajet du cinéma vers le théâtre" : le projet de Christophe Honoré est clair. Tout du long, il a donc mélangé deux univers. Les comédiens, on l'a vu. Mais aussi l'équipe technique. Pour les lumières, Honoré a choisi son chef opérateur habituel ; pour le son, sa monteuse-son ; pour la scénographie, son décorateur : autant de professionnels dont c'était la première expérience au théâtre. Pour financer le projet, le Festival d'Avignon a eu recours, pour la première fois, à France Télévisions. Quant aux répétitions, Honoré les a organisées avec un planning serré. "Et en laissant filer les scènes, jusqu'au bout, sans reprendre chaque mot, chaque intonation, insiste Emmanuelle Devos. Comme au cinéma."
Au commencement, il y a Clotilde Hesme. Sur le tournage des Chansons d'amour, en 2007, le réalisateur et la comédienne parlent théâtre. Une troisième voix participe à la discussion, l'actrice Ludivine Sagnier. "Nous avions envie de continuer à travailler ensemble mais pas au cinéma, se souvient Christophe Honoré. Clotilde avait une grande expérience de la scène, Ludivine aucune. Moi, je souhaitais y revenir. Notre désir commun et nos différences nous semblaient un beau point de départ. Mais pour aller où ?"
Le réalisateur se sait attendu à Avignon. De passage en 2005 au Festival, il a été invité par la direction à proposer un projet. L'idée fait son chemin. A l'été 2008, Christophe Honoré et Clotilde Hesme reviennent dans la cité des papes. Ils rêvent d'une pièce romantique, se concentrent sur Hugo. Christophe Honoré songe à Marion Delorme. Clotilde Hesme rêve d'Angelo, tyran de Padoue, dont elle a présenté une scène à l'entrée du Conservatoire. "Un lyrisme et une force de sentiments qui devaient lui aller très bien au teint", sourit la comédienne. Un drame de la jalousie et du secret, porté par deux rôles principaux féminins : le metteur en scène se laisse convaincre. Vincent Baudriller, codirecteur du festival, donne son feu vert.
Le metteur en scène tient sa pièce, il a son duo d'actrices. Rêve de leur associer Martial Di Fonzo Bo, avec qui il tourne, à l'automne 2008, son nouveau film, Non ma fille, tu n'iras pas danser. Mais le comédien doit jouer Hamlet en juillet à Barcelone. En attendant d'avoir complété la distribution, Honoré fixe le cadre de travail : deux mois de répétition en mai et juin 2009, les représentations en juillet, puis une tournée de deux mois et demi entre janvier et mars 2010. Et là, coup dur ! Ludivine Sagnier refuse de s'engager pour la tournée. "Pour moi, il était inconcevable d'avoir une distribution luxe pour Avignon, et une autre après."
VETO DE CLOTILDE HESME Il faut tout reconstruire. Heureusement, une lumière clignote, côté masculin. Le projet catalan de Di Fonzo Bo est annulé. Honoré l'appelle le jour-même. Le comédien s'étonne. "Je n'aurais jamais pensé dire un jour la prose d'Hugo. En tant qu'acteur, je suis plutôt sensible à une langue et un théâtre plus contemporains. Mais un projet, c'est la rencontre entre un texte et un metteur en scène. Le regard de Christophe changeait tout. Ça me donnait l'occasion, moi le citoyen français d'adoption, de me confronter à ce culte des anciens, si présent ici. " Le temps de modifier les dates d'une tournée prévue avec une autre de ses pièces, il donne son accord.
Dans la foulée, Honoré choisit son deuxième rôle masculin, l'amoureux. Louis Garrel, son acteur fétiche ? Veto de Clotilde Hesme. "C'est mon ami mais il est trop stressé", éclate-t-elle de rire. De toute façon, Garrel est alors pressenti pour jouer au même moment à Avignon, avec Amos Gitai. Honoré opte pour Hervé Lassïnce, pur homme de théâtre, venu de l'univers déjanté des Deschamps-Makeïeff.
Reste Catarina, la femme bafouée. Hugo la voulait juvénile. Honoré et son directeur de casting, Richard Rousseau, peinent. "Je me suis alors dit qu'on ne remplaçait pas une actrice par un clone, qu'il fallait relancer les dés. J'ai demandé à Chiara Mastroianni de faire une lecture. Je sais qu'elle rejette le théâtre, mais je voulais voir. C'est là que j'ai compris que le rôle pouvait être tenu par une femme plus mûre." Le nom d'Emmanuelle Devos s'impose très vite. "Nous avons le même agent, je lui tourne autour depuis des années sans qu'elle le sache, alors je l'ai appelée."
La comédienne rêve de jouer Hugo. "Par rapport au cinéma, le théâtre c'est puissance 100. Et Hugo, puissance 1 000. Sa langue impose un rythme, une force à laquelle on n'échappe pas." Sauf qu'elle se voit plutôt en Lucrèce Borgia qu'en Catarina. "J'avais vu Angelo en 1985, monté par Jean-Louis Barrault. Je savais que c'était un rôle de jeune première. Je n'en ai jamais fait de ma vie. Alors maintenant..." Elle accepte toutefois de relire la pièce. Et donne son accord le lendemain matin.
Nous sommes le 15 avril. Honoré tient son quatuor. Le reste suit tout seul. Il y aura son frère Julien, acteur de théâtre, et Anaïs Demoustier, l'héroïne de son film La Belle Personne, novice sur les planches. Deux comédiens du Jeune théâtre national viennent jouer les sbires, soutenus par deux figurants de cinéma. Cette fois, la distribution est bouclée. Les producteurs respirent. Le travail peut commencer.
Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo. Mise en scène de Christophe Honoré. Opéra-théâtre, à 18 heures. Du dimanche 12 au lundi 27 juillet, sauf les 15 et 22. Tel. : 04-90-14-14-14.
Nathaniel Herzberg
Je n'irais pas j'en aurais assez par le bruit répandu....
Les ruses de Christophe Honoré pour trouver son casting de rêve
LE MONDE | 11.07.09 | 15h48 • Mis à jour le 13.07.09 | 16h44
Pour la première fois, elles jouent ensemble dans les plus prestigieux des festivals de théâtre. Et s'attaquent à une pièce de Victor Hugo, mise en scène par Christophe Honoré. | Photo Hubert Fanthomme parue dans Paris-Match qui bien-sûr a fait un article sur les 2 vedettes dont une a failli jeter l'éponge parce qu'elle n'arrivait pas à apprendre le texte... c'est intéressant !
AVIGNON ENVOYÉ SPÉCIAL
C'est assurément l'un des spectacles les plus attendus de cette édition 2009: Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo, mis en scène par Christophe Honoré. Il y a l'auteur, vénéré mais peu joué. Le metteur en scène, réalisateur et écrivain reconnu, dont le retour au théâtre intrigue. Mais surtout ce qu'au cinéma on appelle un casting de rêve. Trois comédiens exceptionnels, chacun dans leurs registres : la lumineuse Emmanuelle Devos, l'explosif Martial Di Fonzo Bo et l'insolente Clotilde Hesme. L'occasion d'observer la mise en place d'une distribution.
MARIER LES UNIVERS DU THÉÂTRE ET DU CINÉMA
"Montrer au spectateur mon propre trajet du cinéma vers le théâtre" : le projet de Christophe Honoré est clair. Tout du long, il a donc mélangé deux univers. Les comédiens, on l'a vu. Mais aussi l'équipe technique. Pour les lumières, Honoré a choisi son chef opérateur habituel ; pour le son, sa monteuse-son ; pour la scénographie, son décorateur : autant de professionnels dont c'était la première expérience au théâtre. Pour financer le projet, le Festival d'Avignon a eu recours, pour la première fois, à France Télévisions. Quant aux répétitions, Honoré les a organisées avec un planning serré. "Et en laissant filer les scènes, jusqu'au bout, sans reprendre chaque mot, chaque intonation, insiste Emmanuelle Devos. Comme au cinéma."
Au commencement, il y a Clotilde Hesme. Sur le tournage des Chansons d'amour, en 2007, le réalisateur et la comédienne parlent théâtre. Une troisième voix participe à la discussion, l'actrice Ludivine Sagnier. "Nous avions envie de continuer à travailler ensemble mais pas au cinéma, se souvient Christophe Honoré. Clotilde avait une grande expérience de la scène, Ludivine aucune. Moi, je souhaitais y revenir. Notre désir commun et nos différences nous semblaient un beau point de départ. Mais pour aller où ?"
Le réalisateur se sait attendu à Avignon. De passage en 2005 au Festival, il a été invité par la direction à proposer un projet. L'idée fait son chemin. A l'été 2008, Christophe Honoré et Clotilde Hesme reviennent dans la cité des papes. Ils rêvent d'une pièce romantique, se concentrent sur Hugo. Christophe Honoré songe à Marion Delorme. Clotilde Hesme rêve d'Angelo, tyran de Padoue, dont elle a présenté une scène à l'entrée du Conservatoire. "Un lyrisme et une force de sentiments qui devaient lui aller très bien au teint", sourit la comédienne. Un drame de la jalousie et du secret, porté par deux rôles principaux féminins : le metteur en scène se laisse convaincre. Vincent Baudriller, codirecteur du festival, donne son feu vert.
Le metteur en scène tient sa pièce, il a son duo d'actrices. Rêve de leur associer Martial Di Fonzo Bo, avec qui il tourne, à l'automne 2008, son nouveau film, Non ma fille, tu n'iras pas danser. Mais le comédien doit jouer Hamlet en juillet à Barcelone. En attendant d'avoir complété la distribution, Honoré fixe le cadre de travail : deux mois de répétition en mai et juin 2009, les représentations en juillet, puis une tournée de deux mois et demi entre janvier et mars 2010. Et là, coup dur ! Ludivine Sagnier refuse de s'engager pour la tournée. "Pour moi, il était inconcevable d'avoir une distribution luxe pour Avignon, et une autre après."
VETO DE CLOTILDE HESME Il faut tout reconstruire. Heureusement, une lumière clignote, côté masculin. Le projet catalan de Di Fonzo Bo est annulé. Honoré l'appelle le jour-même. Le comédien s'étonne. "Je n'aurais jamais pensé dire un jour la prose d'Hugo. En tant qu'acteur, je suis plutôt sensible à une langue et un théâtre plus contemporains. Mais un projet, c'est la rencontre entre un texte et un metteur en scène. Le regard de Christophe changeait tout. Ça me donnait l'occasion, moi le citoyen français d'adoption, de me confronter à ce culte des anciens, si présent ici. " Le temps de modifier les dates d'une tournée prévue avec une autre de ses pièces, il donne son accord.
Dans la foulée, Honoré choisit son deuxième rôle masculin, l'amoureux. Louis Garrel, son acteur fétiche ? Veto de Clotilde Hesme. "C'est mon ami mais il est trop stressé", éclate-t-elle de rire. De toute façon, Garrel est alors pressenti pour jouer au même moment à Avignon, avec Amos Gitai. Honoré opte pour Hervé Lassïnce, pur homme de théâtre, venu de l'univers déjanté des Deschamps-Makeïeff.
Reste Catarina, la femme bafouée. Hugo la voulait juvénile. Honoré et son directeur de casting, Richard Rousseau, peinent. "Je me suis alors dit qu'on ne remplaçait pas une actrice par un clone, qu'il fallait relancer les dés. J'ai demandé à Chiara Mastroianni de faire une lecture. Je sais qu'elle rejette le théâtre, mais je voulais voir. C'est là que j'ai compris que le rôle pouvait être tenu par une femme plus mûre." Le nom d'Emmanuelle Devos s'impose très vite. "Nous avons le même agent, je lui tourne autour depuis des années sans qu'elle le sache, alors je l'ai appelée."
La comédienne rêve de jouer Hugo. "Par rapport au cinéma, le théâtre c'est puissance 100. Et Hugo, puissance 1 000. Sa langue impose un rythme, une force à laquelle on n'échappe pas." Sauf qu'elle se voit plutôt en Lucrèce Borgia qu'en Catarina. "J'avais vu Angelo en 1985, monté par Jean-Louis Barrault. Je savais que c'était un rôle de jeune première. Je n'en ai jamais fait de ma vie. Alors maintenant..." Elle accepte toutefois de relire la pièce. Et donne son accord le lendemain matin.
Nous sommes le 15 avril. Honoré tient son quatuor. Le reste suit tout seul. Il y aura son frère Julien, acteur de théâtre, et Anaïs Demoustier, l'héroïne de son film La Belle Personne, novice sur les planches. Deux comédiens du Jeune théâtre national viennent jouer les sbires, soutenus par deux figurants de cinéma. Cette fois, la distribution est bouclée. Les producteurs respirent. Le travail peut commencer.
Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo. Mise en scène de Christophe Honoré. Opéra-théâtre, à 18 heures. Du dimanche 12 au lundi 27 juillet, sauf les 15 et 22. Tel. : 04-90-14-14-14.
Nathaniel Herzberg
Inepties volantes comme j'y serai allée...
"En spectateur et pas en pleurs"
j'ai retenu cela de cet article toujours du Monde... mais tellement exhaustif
ce journal ! ses articles culturels sont quelquefois à l'écoute tout en connaissant les références,
on peut leur reprocher d'être rarement à l'initiative de faire découvrir une tendance un autre souffle ;
mais une fois que l'artiste est reconnu ils savent voir entendre réfléchir élargir l'horizon et comme se rapprocher en toute humilité de la poésie, l'inspiration...
Critique
Des mots de sang au-delà de la guerre
LE MONDE | 13.07.09 | 16h44
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
L'acteur congolais Dieudonné Niangouna dans son spectacle, "Les Inepties volantes", au Festival d'Avignon, le 9 juillet 2009.
AVIGNON ENVOYÉE SPÉCIALE
Deudonné Niangouna a vécu trois guerres civiles : celles de 1993, 1997 et 1998 qui ont déchiré son pays natal, la République du Congo. Lors de la troisième, il a été embarqué par les rebelles du pasteur Ntoumi, qui vidaient Brazzaville. Il a passé un an et demi en forêt, dans la crainte, la privation et les bombardements. Au moment où les miliciens allaient l'exécuter, il a été reconnu par l'un d'entre eux, qui l'avait vu jouer au centre culturel français de Brazzaville. Cela lui a sauvé la vie, tout en nourrissant une culpabilité du survivant dont il a mis longtemps à se défaire.
A Avignon, où il était venu pour la première fois en 2007 avec un monologue, Attitude clando, l'auteur et comédien investit le Cloître des Célestins, en compagnie de l'accordéoniste Pascal Contet. "Interdiction, stricte interdiction de pleurer, restons en état de spectateur", dit à un moment Dieudonné Niangouna. Il vaut mieux. Sinon, comment entendre que "foutre quelqu'un en marcel c'est lui arracher les deux bras au niveau des épaules avec une machette ?" Les mots de l'acteur sont violacés. Ils coulent comme du sang, tandis que son corps parfois devient fou, et l'accordéon de Pascal Contet aussi, hurlant des cris qu'on n'aurait pas imaginé pouvoir sortir de l'instrument.
Ces Inepties volantes sont bien sûr terrifiantes. Elles le seraient vainement si les mots de Dieudonné Niangouna n'appelaient la vie de toutes leurs forces, au-delà de la douleur et de l'absurdité sans fond de la guerre.
"Par un midi du 18 décembre 1998 il nous fallait mon frère Christian et moi enjamber le mur de la concession pour échapper aux massacres qui se dépêchaient vers notre maison et qui dit-on n'épargnaient aucun être de sexe masculin, comme si les femmes n'étaient pas violées, tuées et leurs cadavres brandis comme jouets de massacre, il nous fallait fuir pour s'en aller où veut le vent, que dieu vous protège, pleura ma mère. J'ai regardé Foulou, et les mots sont sortis : dites à ma mère que je reviendrai."
Les Inepties volantes, écrit, mis en scène et joué par Dieudonné Niangouna. Musique : Pascal Contet. Cloître des Célestins, à 22 heures, jusqu'au 17 juillet (relâche le 14). Tél. : 04-90-14-14-14. De 13 € à 27 €. Durée : 1 h 15.
lundi 13 juillet 2009
un des théâtres du OFF que je ne raterai pour rien au monde : le Theâtre des DOMS
Théâtre des Doms: un vivier artistique
par Jean-Claude RONGERAS 9/07/2009
Le théâtre des Doms présente les jeunes pousses du théâtre francophone de Belgique et beaucoup d'autres choses
Depuis 2002, les créateurs d'expression francophone belge - théâtre et autres disciplines - peuvent montrer leurs réalisations au Théâtre des Doms durant le Festival d'Avignon.
Et le restant de l'année, ce théâtre appartenant à la communauté française de Belgique est un centre multi-culturel effervescent. Neuf spectacles y sont programmés en 2009.
En 2001, les créateurs Wallons et Bruxellois francophones présents en Avignon, se plaignent du soutien dérisoire dont ils bénéficient auprès des autorités pour l'exportation (des oeuvres des arts de la scène). Le reproche porte. Le ministre-Président du Gouvernement de la communauté francaise de Belgique de l'époque, M.Hervé Hasquin, se porte acquéreur du Théâtre de l'Escalier des Doms, proporiété d'un assureur avignonnais qui quitte sa région.
Cet petit théâtre situé derrière le Palais des papes, près des cinémas Utopia, de l'Ajmi (Association pour le Jazz et la musique improvisée) et les Hivernales (centre régional de développement chorégraphique) - un cadre idéal pour la culture - fait partie de la mouvance du Off.
Et, ce n'est pas une histoire belge, la villa - à laquelle a été rattaché une sorte d'entrepôt ayant servi à différentes activités - construite en 1934, fut le cadeau que le premier gagnant de la Loterie nationale donna à son frère. Rénové en 1991 par Jenney et Jean-Pierre Hoffman, le bâtiment devint un théâtre reconnu pour sa programmation.
Création d'une assocition sans but lucratif
Après l'achat, les responsables culturels de la communauté francophone de Wallonie-Bruxelles créérent après un appel à candidature pour les projets, une association belge sans but lucratif (style loi 1901), inscrite au Moniteur Belge et déclarée au Journal Officiel de la république française.
L'association comprend vingt et un membres - rien que des professionnels de la culture -, dont le mandat est de cinq ans. La direction est elle formée de sept membres. Ils ont été réélus en 2007 pour un nouveau mandat de cinq ans.
Si le Théâtre des Doms bénéficie d'une dotation annuelle votée par le gouvernement de la CFWB de près de 5000.000 euros pour son fonctionnement, il peut également faire appel à d'autres aides, hors la Belgique. Ainsi, la région PACA paie un poste de la structure et le Conseil général du Vaucluse donne 10.000 euros. Quatre personnes sont salariés.
Un cadre idyllique
Au plan de l'accueil, le Théâtre des Doms est un havre de fraîcheur, grâce à une cour ombragée, nantie d'une fontaine et d'un brumisateur. Durant la période du festival, le lieu acquiert un intérêt convivial supplémentaire avec l'ouverture d'un bar-restaurant qui peut accueillir une soixantaine de convives assis. Le jardin, adossé au rocher des Doms, se prête à merveille à des lectures, débats, spectacles de petite forme.
Pour Philippe Grombeer, le directeur du lieu, le Théâtre des Doms, nouveau territoire d'imaginaires, s'affirme comme "maison d'hôte et de relais dédié à toutes les expressions artistiques et les dynamiques culturelles". Durant le Festival, la mission est de présenter des spectacles suscitant la curiosité à l'égard de la Belgique francophone. Une centaine de troupes postulent pour venir en Avignon. La sélection en retient six parmi celles qui répondent aux critères de base: créations récentes, identité belge contemporaine et priorité aux petites structures peu aidées. Il faut ajouter un spectacle dans le jardin, une chorégraphie, des débats, des projections, parfois une fanfare.
Juste après cette date phare, "Vue sur Jazz", une programation spécifique à l'occasion de l'Avignon Jazz Festival, s'installe pendant une semaine pour répéter et jouer dans la cour en apéro-jazz.
Le reste de l'année, le Théâtre des Doms, dont les animateurs débordent d'idées et d'énergie, a tissé des liens et des partenariats avec des structures artistiques locales ou régionales. Cela se traduit par des programmations régulières avec l'Ajmi, les Cinémas Utopia (cinémas d'art et d'essai), les Hivernales, (Centre régional de développement chorégraphique, la Scène nationale /Cavaillon, etc..
Résidence pour des jeunes créateurs
Autres champs d'action: des projets montés par ou avec plusieurs partenaires. Résultats: des temps forts, mini-festivals, saisons, qui créent des dynamiques artistiques et inscrivent le Théâtre des doms dans son environnement: Cité Nez Clow, (en mars) centré sur les nouvelles figures du clown théâtral, Et Doc: rencontre du film documentaire social. Drôle(s) d'hip hop: temps fort autour des cultures urbaines, Festo Pitcho: des spectacles vivants pour publics jeunes créées avec des structures/associations du Vaucluse.
Le dernier domaine où le Théâtre des Doms exerce son talent est celui des Résidences d'artistes. Pour soutenir des créateurs, il met à leurs dispositions, pour des durées de 5 à 15 jours, d'un logement, d'une cuisine, du plateau et de la régie. La résidence s'achève par une représentation publique éventuellement réservée à des professionnels. Enfin, il existe des focus: des temps forts dédiés à une expression artistique où sont accueillis des spectacles avec organisation d'ateliers et promotion artistique auprès des professionnels.
Tout ce travail, ces efforts et ces moments de bonheur constituent pour Philippe Grombeer "un relais d'information" un rôle d'intermédiaire. Il estime que le Théâtre des Doms est "une ambassade artistique qui participe avec détermination à l'Europe des cultures". C'est joliment dit.
Les spectacles de 2009
"Les artistes, engagés, n'évitent pas les perturbations du monde mais les traduisent avec une générosité inventive". ("Ph. Grombeer").
"Le Diable abandonné" de Patrick Corillon. C'est le premier opus d'un spectacle où un plasticien de renom donne à voir et à entendre une histoire de pacte avec le diable. Un petit bijou de poésie intime (8 au 28 juillet).
"Sans ailes et sans racines" de et avec Hamadi et Soufian El Boubsi. Un père et un fils, devenus bruxellois, sont aux antipodes au point de vue religieux et politique.
"Chatroom" de Enda Walsh. Mise en scène: Sylvie de Braekeleer. Six ados chattent dane le confort de leur chambre avant de s'attaquer à l'un d'eux. Un acte ultime de rébellion adolescente (8 au 28 juillet).
"Ficelles" de et par Valérie Joyeux et Vincent Raoult. Mise en scène. Véronique Dumont. Un cirque avec des acrobates, des filles et cordes animées. Une inventivité jamais prise en défaut (8 au 28 juillet).
"Hamelin" de Juan Mayorga. Mise en scène: Christophe Sermet.Un faux suspens policier avec des personnages policiers se passant dans une jolie ville qui en dissimule une autre (8 au 18 juillet).
"Causerie sur le Leming" de François-Michel Van Der Rest et Elisabet Ancio. Le lemming, un sujet auquel vous ne connaissez rien. L'orateur de la réunion à laquelle vous êtes convié, lui non plus. Un voyage au-delà des mots, aux confins du monde connu (8 au 18 juillet).
"L'héroisme aux temps de la grippe aviaire" de Thomas Gunzig. Mise en scène: Alexandre Drouet. Interprétation: Itsik Elbaz.Les rêves et les frustations d'un héros du quotidien. Trente ans sans emploi, vivant avec sa mère en état de choc post-traumatique (8 au 18 juillet).
Au Studio des Hivernales en face des Doms: "Manteau long en laine marine porté sur un pull à encolure détendue avec un pantalon peau de pêche et des chaussures pointues en nubbuck Rouge" avec Delgado Fuchs. Il s'agit d'une pièce chorégraphique "aux limites de l'absurde, aussi drôle qu'extravagante", selon Corinne Jaquiéry (24 heures). (10 au 26 juillet).
A Villeneuve en Scène: "La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon" par les Royales Marionnettes. Un spectacle avec des marionnettes qui n'ont pas la langue de bois et deux marionnettes canon bien en chair -une belle grande histoire 'une vraie belle grande guerre comme on en fait encore" (5 au 24 juillet).
3 articles du Temps : 2 DENIS à AVIGNON l'un IN l'autre OFF et COMME D'HABITUDE
Ces articles sont écrits amoureusement et avec un regard qui se place comme au dessus des tempêtes. Il tape sur les valeurs sûres mais peu m'importe quand elles sont si bien comment dire... mises en bouche.
j'y suis déjà par la pensée par mon travail de modeste glaneuse, pour faciliter votre quête en ces temps de moissons sans queue ni tête.
L’heure des démons au Festival d’Avignon
Alexandre Demidoff
Ensorcellements en série ce week-end dans la Cité des Papes où, du Québécois Denis Marleau au Congolais Dieudonné Niangouna, des artistes convertissent leur part d’ombre en visions sidérantes
Souvent, à Avignon, le spectateur est sujet à des visions. Est-ce l’effort qui l’y dispose, cette fièvre de déambulation d’une chapelle à l’autre, en quête d’une parole, d’une image qui fasse perdre le nord, mette à nu notre condition, bouleverse notre perception de nous-même? Ce week-end, on aura vu des culs-de-jatte palabrer avec l’impassibilité de cardinaux disséquant une bulle papale; on aura entendu aussi un jeune poète africain impressionnant scander l’horreur d’une guerre qu’il porte en lui; on aura admiré encore l’acteur Denis Lavant se dédoubler dans Big Shoot, production du Théâtre de Vidy. Et à chaque fois, qu’il soit 11 heures ou 22 heures, une foule immense, avide d’entrer dans le jeu.
L’ensorcellement du festival, c’est le Québécois Denis Marleau qui en est l’artisan, avec sa mise en scène d’Une fête pour Boris, première pièce de l’Autrichien Thomas Bernhard (1931-1989). Ce texte ramasse des douleurs éparpillées, la maladie qui rôde autour de l’écrivain, le sentiment d’impuissance qui exaspère. A la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, l’actrice Christiane Pasquier (quel brio!) incarne, plantée dans un fauteuil blanc, une maîtresse de maison rutilante, quoique privée de ses jambes – un accident les lui a fauchées. Elle a perdu son mari dans le drame. Elle s’en est choisi un autre à l’hospice, aux pieds coupés lui aussi. Ce Boris (Guy Pion), qui apparaît à présent juché sur une chaise haute comme celle des arbitres à Wimbledon, n’a plus tout à fait sa tête. Qu’importe, son épouse veut fêter son anniversaire, tout l’asile est invité, dans une nuée de ballons.
La fête, alors, c’est d’abord celle du spectateur. Treize acteurs avancent sur un plateau à roulettes, visages embrumés par l’âge, bustes dépassant d’une caisse sarcophage. Ils ont l’œil qui chavire, une fatigue dans la paupière, l’ennui qui fait chavirer la lèvre. Ils racontent des histoires de grabataire, les lits trop courts que leur inflige la direction de l’hôpital. Thomas Bernhard mord. Johanna, la gouvernante (Sébastien Dodge), les filme en direct. A l’écran, on scrute leurs figures de spectres alertes comme jadis les dignitaires du Kremlin. Ces interprètes ont une plastique qui nous ressemble: ce sont des marionnettes, animées en direct via un ordinateur. On ne se lasse pas de les observer, de traquer leur humanité et par ricochet la part de mort que nous portons. Denis Marleau nous renvoie à nos zones fossilisées, à nos mécaniques de pantin. Rien de sinistre, pourtant. Il y a là comme une joie, celle de l’artifice roi, qui stupéfie, alerte l’intelligence, surtout.
L’art comme lampe-tempête quand tout chavire. Samedi soir, le public s’étire en file – une centaine de mètres – devant l’entrée du Cloître des Célestins. Autour, les terrasses déversent leurs floraisons estivales, débardeurs, décolletés. Bientôt, on ne les entendra plus. Dans la cour des Célestins, entre deux arbres efflanqués aux bras très haut perchés, deux dos se recueillent sous une voûte de pierre. D’un côté, l’accordéoniste Pascal Contet, dont les soufflets ont séduit Pierre Boulez; de l’autre l’acteur et auteur congolais Dieudonné Niangouna, stature de funambule. Deux souffles pour un enfer qui remonte en syncopes, traversée d’une histoire en miettes, où les charognards prolifèrent. Dieudonné Niangouna ne se souvient pas, ou alors trop bien. Il veut remonter ce fleuve non pas en témoin, mais en rhapsode. Il veut se souvenir non pas en historien, mais en fils aux multiples pères, Aimé Césaire, Senghor, Franz Fanon, ses maîtres à rythmer le requiem.
Que voit-on dans ces Inepties volantes? Rien d’abord, puis une éclaboussure de lumière, des néons serrés, dressés au milieu de la cour, qui font leur office. Ce qu’on voit, c’est ce qu’on entend: le vent dans les rues de Brazzaville, tel que Pascal Contet l’improvise, le fleuve qui promène ses morts, tel que Dieudonné Niangouna le décrit. Le désastre, il le dit en saccades, dans une précipitation calculée, parce qu’il ne faut pas s’attarder, parce que ses images sont des balles qui restent fichées dans les mémoires. Ainsi, ces «bites» qui se dressent dans l’ombre: des canons de chars d’assaut qu’il a failli confondre avec une baguette de pain. Ainsi, l’urine qui coule en rivière, quand le corps est trop lesté. Ainsi encore, un ancien qui meurt au bord de nulle part, guetté par des carnassiers célestes. A un moment, Dieudonné Niangouna se met à compter les carcasses: fesses collées à une chaise, il s’emporte, des mains, du buste, de la tête, et sa parole est alors salut à tombeau ouvert à ceux qui s’en vont. Le cauchemar ici est poème, c’est-à-dire scansion, autrement dit possibilité de survie.
Le théâtre est souvent une arène où des artistes affrontent leurs démons. Ou disons plutôt qu’ils sont leurs démons, mais avec un temps d’avance – c’est là que l’art commence. Au Théâtre du Chêne noir, dans ce qu’on appelle le festival off – 400 à 500 spectacles jusqu’à fin juillet – Denis Lavant joue chaque matin à 11 heures Big Shoot de Koffi Kwahulé, à l’affiche à Vidy il y a peu. Seul en scène, imperméable à la Al Capone, il martyrise un certain Stan. Il fait l’envers et l’endroit, la crapule et le souffre-douleur. Il est sidérant dans cet exercice de dédoublement, sur la corniche constamment de ce texte-pieuvre, qui commence comme une anecdote de polar, prolifère en fantasmes de morgue, tourne en demande d’amour. Denis Lavant grogne, se transforme, danse en sorcier: son bazar fantastique nous échappe et nous possède.
Festival d’Avignon, jusqu’au 29 juillet, rens. 0033/490 14 14 14; www.festival-avignon.com
Une Fête pour Boris, Chartreuse
de Villeneuve lez Avignon, le 13
à 14h30 et 18h; le 14 à 18h; le 15
à 14h30.
Les Inepties volantes, Cloître des Célestins, les 13, 15, 16 et 17 à 22h.
Big Shoot, dans le cadre du festival off, Théâtre du Chêne noir, jusqu’au 29 juillet (www.chenenoir.fr).
Et puis dans le Off un spectacle dont j'ai beaucoup entendu parler en dehors des avis de presse qui tablent un peu trop toujours sur les mêmes
message de Face Book
Allez hop à... Avignon ! Si vous passez par le Festival Off, un détour OBLIGATOIRE au théâtre des Corps Saints à 18h30 ! Jusqu'au 31 juillet vous avez le temps de vous organiser !:) Besitos a todos.
18h30
Théâtre des corps saints
théâtre
Public adulte
Cie de l'Entourloupe
Comme d'habitude
Grégoire Biseau
Laissez vous troubler par une histoire d’amour composée uniquement
d’extraits de tubes de la chanson française… sans qu’ils ne soient jamais chantés!
Une nuit blanche, un air d’alcool, deux hommes, des mots, toujours des
mots, encore des mots… Gainsbourg, Chantal Goya, Souchon, France Gall,
Renaud, Miossec, Cali… et tant d’autres se donnent la réplique dans une fantaisie cruelle et pétillante.
« 40 ans de chansons françaises à contre-pied. Corrosif à souhait! Rien
que des paroles de chansons tubesques, coupées-collées, privées de
mélodie, recyclées...qui composent une déconcertante comédie dramatique,
de la naissance à la mort d'un couple » TELERAMA
du 8 au 31 juillet
durée : 1h05
tarif : 15€
tarif carte off : 11€
compagnie amateur
Interprète(s) : Grégoire Biseau, Matthieu Jeanningros
Metteur en scène : Vera Gardel
COMME D’HABITUDE a été jouée 2 mois au Guichet Montparnasse à Paris en 2007
j'y suis déjà par la pensée par mon travail de modeste glaneuse, pour faciliter votre quête en ces temps de moissons sans queue ni tête.
L’heure des démons au Festival d’Avignon
Alexandre Demidoff
Ensorcellements en série ce week-end dans la Cité des Papes où, du Québécois Denis Marleau au Congolais Dieudonné Niangouna, des artistes convertissent leur part d’ombre en visions sidérantes
Souvent, à Avignon, le spectateur est sujet à des visions. Est-ce l’effort qui l’y dispose, cette fièvre de déambulation d’une chapelle à l’autre, en quête d’une parole, d’une image qui fasse perdre le nord, mette à nu notre condition, bouleverse notre perception de nous-même? Ce week-end, on aura vu des culs-de-jatte palabrer avec l’impassibilité de cardinaux disséquant une bulle papale; on aura entendu aussi un jeune poète africain impressionnant scander l’horreur d’une guerre qu’il porte en lui; on aura admiré encore l’acteur Denis Lavant se dédoubler dans Big Shoot, production du Théâtre de Vidy. Et à chaque fois, qu’il soit 11 heures ou 22 heures, une foule immense, avide d’entrer dans le jeu.
L’ensorcellement du festival, c’est le Québécois Denis Marleau qui en est l’artisan, avec sa mise en scène d’Une fête pour Boris, première pièce de l’Autrichien Thomas Bernhard (1931-1989). Ce texte ramasse des douleurs éparpillées, la maladie qui rôde autour de l’écrivain, le sentiment d’impuissance qui exaspère. A la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, l’actrice Christiane Pasquier (quel brio!) incarne, plantée dans un fauteuil blanc, une maîtresse de maison rutilante, quoique privée de ses jambes – un accident les lui a fauchées. Elle a perdu son mari dans le drame. Elle s’en est choisi un autre à l’hospice, aux pieds coupés lui aussi. Ce Boris (Guy Pion), qui apparaît à présent juché sur une chaise haute comme celle des arbitres à Wimbledon, n’a plus tout à fait sa tête. Qu’importe, son épouse veut fêter son anniversaire, tout l’asile est invité, dans une nuée de ballons.
La fête, alors, c’est d’abord celle du spectateur. Treize acteurs avancent sur un plateau à roulettes, visages embrumés par l’âge, bustes dépassant d’une caisse sarcophage. Ils ont l’œil qui chavire, une fatigue dans la paupière, l’ennui qui fait chavirer la lèvre. Ils racontent des histoires de grabataire, les lits trop courts que leur inflige la direction de l’hôpital. Thomas Bernhard mord. Johanna, la gouvernante (Sébastien Dodge), les filme en direct. A l’écran, on scrute leurs figures de spectres alertes comme jadis les dignitaires du Kremlin. Ces interprètes ont une plastique qui nous ressemble: ce sont des marionnettes, animées en direct via un ordinateur. On ne se lasse pas de les observer, de traquer leur humanité et par ricochet la part de mort que nous portons. Denis Marleau nous renvoie à nos zones fossilisées, à nos mécaniques de pantin. Rien de sinistre, pourtant. Il y a là comme une joie, celle de l’artifice roi, qui stupéfie, alerte l’intelligence, surtout.
L’art comme lampe-tempête quand tout chavire. Samedi soir, le public s’étire en file – une centaine de mètres – devant l’entrée du Cloître des Célestins. Autour, les terrasses déversent leurs floraisons estivales, débardeurs, décolletés. Bientôt, on ne les entendra plus. Dans la cour des Célestins, entre deux arbres efflanqués aux bras très haut perchés, deux dos se recueillent sous une voûte de pierre. D’un côté, l’accordéoniste Pascal Contet, dont les soufflets ont séduit Pierre Boulez; de l’autre l’acteur et auteur congolais Dieudonné Niangouna, stature de funambule. Deux souffles pour un enfer qui remonte en syncopes, traversée d’une histoire en miettes, où les charognards prolifèrent. Dieudonné Niangouna ne se souvient pas, ou alors trop bien. Il veut remonter ce fleuve non pas en témoin, mais en rhapsode. Il veut se souvenir non pas en historien, mais en fils aux multiples pères, Aimé Césaire, Senghor, Franz Fanon, ses maîtres à rythmer le requiem.
Que voit-on dans ces Inepties volantes? Rien d’abord, puis une éclaboussure de lumière, des néons serrés, dressés au milieu de la cour, qui font leur office. Ce qu’on voit, c’est ce qu’on entend: le vent dans les rues de Brazzaville, tel que Pascal Contet l’improvise, le fleuve qui promène ses morts, tel que Dieudonné Niangouna le décrit. Le désastre, il le dit en saccades, dans une précipitation calculée, parce qu’il ne faut pas s’attarder, parce que ses images sont des balles qui restent fichées dans les mémoires. Ainsi, ces «bites» qui se dressent dans l’ombre: des canons de chars d’assaut qu’il a failli confondre avec une baguette de pain. Ainsi, l’urine qui coule en rivière, quand le corps est trop lesté. Ainsi encore, un ancien qui meurt au bord de nulle part, guetté par des carnassiers célestes. A un moment, Dieudonné Niangouna se met à compter les carcasses: fesses collées à une chaise, il s’emporte, des mains, du buste, de la tête, et sa parole est alors salut à tombeau ouvert à ceux qui s’en vont. Le cauchemar ici est poème, c’est-à-dire scansion, autrement dit possibilité de survie.
Le théâtre est souvent une arène où des artistes affrontent leurs démons. Ou disons plutôt qu’ils sont leurs démons, mais avec un temps d’avance – c’est là que l’art commence. Au Théâtre du Chêne noir, dans ce qu’on appelle le festival off – 400 à 500 spectacles jusqu’à fin juillet – Denis Lavant joue chaque matin à 11 heures Big Shoot de Koffi Kwahulé, à l’affiche à Vidy il y a peu. Seul en scène, imperméable à la Al Capone, il martyrise un certain Stan. Il fait l’envers et l’endroit, la crapule et le souffre-douleur. Il est sidérant dans cet exercice de dédoublement, sur la corniche constamment de ce texte-pieuvre, qui commence comme une anecdote de polar, prolifère en fantasmes de morgue, tourne en demande d’amour. Denis Lavant grogne, se transforme, danse en sorcier: son bazar fantastique nous échappe et nous possède.
Festival d’Avignon, jusqu’au 29 juillet, rens. 0033/490 14 14 14; www.festival-avignon.com
Une Fête pour Boris, Chartreuse
de Villeneuve lez Avignon, le 13
à 14h30 et 18h; le 14 à 18h; le 15
à 14h30.
Les Inepties volantes, Cloître des Célestins, les 13, 15, 16 et 17 à 22h.
Big Shoot, dans le cadre du festival off, Théâtre du Chêne noir, jusqu’au 29 juillet (www.chenenoir.fr).
Et puis dans le Off un spectacle dont j'ai beaucoup entendu parler en dehors des avis de presse qui tablent un peu trop toujours sur les mêmes
message de Face Book
Allez hop à... Avignon ! Si vous passez par le Festival Off, un détour OBLIGATOIRE au théâtre des Corps Saints à 18h30 ! Jusqu'au 31 juillet vous avez le temps de vous organiser !:) Besitos a todos.
18h30
Théâtre des corps saints
théâtre
Public adulte
Cie de l'Entourloupe
Comme d'habitude
Grégoire Biseau
Laissez vous troubler par une histoire d’amour composée uniquement
d’extraits de tubes de la chanson française… sans qu’ils ne soient jamais chantés!
Une nuit blanche, un air d’alcool, deux hommes, des mots, toujours des
mots, encore des mots… Gainsbourg, Chantal Goya, Souchon, France Gall,
Renaud, Miossec, Cali… et tant d’autres se donnent la réplique dans une fantaisie cruelle et pétillante.
« 40 ans de chansons françaises à contre-pied. Corrosif à souhait! Rien
que des paroles de chansons tubesques, coupées-collées, privées de
mélodie, recyclées...qui composent une déconcertante comédie dramatique,
de la naissance à la mort d'un couple » TELERAMA
du 8 au 31 juillet
durée : 1h05
tarif : 15€
tarif carte off : 11€
compagnie amateur
Interprète(s) : Grégoire Biseau, Matthieu Jeanningros
Metteur en scène : Vera Gardel
COMME D’HABITUDE a été jouée 2 mois au Guichet Montparnasse à Paris en 2007
Un autre art. sur MOUAWAD d'Ouest-France
Magazine
lundi 13 juillet 2009
Voyage au-delà de la nuit avec Wajdi Mouawad
Une scène de la pièce Incendies. La dernière représentation des trois pièces avait lieu cette nuit. : Photo PQR
Festival d'Avignon. À travers un spectacle de onze heures, le dramaturge francophone a offert un grand moment au public de la cour d'honneur du Palais des papes.
Avignon. De notre envoyé spécial.
Avignon affectionne ces spectacles au long cours, qui partent à la conquête de l'auditoire. Il y a eu, en 2005, Les Vainqueurs d'Olivier Py, et, l'année suivante, Les Éphémères d'Ariane Mnouchkine. En la matière, l'intégrale, en 1987, du Soulier de satin de Paul Claudel, dans la mise en scène d'Antoine Vitez, reste la référence mythique. Onze heures de théâtre... et entractes.
Wajdi Mouawad relève le défi, lui aussi, dans la cour d'honneur, avec Le sang des promesses. Même durée. Mais il s'agit là d'une suite de trois pièces déjà créées séparément. Le quatrième volet, Ciels, est attendu pour fin de cette édition 2009 du festival.
Il est 7 h 30. Avignon s'éveille. Au-dessus des gradins du Palais des papes, le ciel promet une nouvelle belle journée. Un tonnerre d'applaudissements brise un silence monacal. Les spectateurs sont debout, pour beaucoup encore enveloppés dans des couvertures couleur de bures. Cette salve plusieurs fois répétée a un effet libératoire, tant l'écriture du dramaturge libano-québecois contient son lot de tensions et d'émotions.
N'y aurait-il plus que le malheur pour inspirer le théâtre ? La question n'est pas si simple avec Wajdi Mouawad, même si sa vie personnelle profondément marquée par la guerre et l'exil a partie liée avec son oeuvre. C'est vrai avec la pièce d'ouverture, Littoral, ou les tribulations tragi-comiques d'un adolescent, qui ramène au pays son défunt père. C'est vrai encore avec Incendies, où un frère et une soeur doivent partir, sur les consignes testamentaires de leur mère, à la recherche de leur père et de leur frère.
Ça l'est moins avec sa troisième pièce-fleuve, Forêts. Wajdi Mouawad déploie un étonnant talent à dévoiler progressivement les tenants et aboutissants de ses intrigues et drames. Et là, il se surpasse. Ce qui n'est pas sans risque, quand le seuil d'écoute passe aux heures sup'.
L'histoire de Loup, jouvencelle au look gothique, démarre comme un thriller de Franck Thuillez, auteur féru de neurologie. Et puis grimpe dans les branches d'une généalogie aux destins de tragédie grecque et luxe de coups de... théâtre.
Mais les trois pièces de vies et de morts sont traversées par la même quête de l'identité et la promesse de l'apaisement de soi. Cette triple saga tient, elle, ses promesses d'un grand moment. Elle le doit aussi à une formidable équipe de comédiens, dont le conteur vendéen Yannick Jaulin.
Xavier ALEXANDRE.
lundi 13 juillet 2009
Voyage au-delà de la nuit avec Wajdi Mouawad
Une scène de la pièce Incendies. La dernière représentation des trois pièces avait lieu cette nuit. : Photo PQR
Festival d'Avignon. À travers un spectacle de onze heures, le dramaturge francophone a offert un grand moment au public de la cour d'honneur du Palais des papes.
Avignon. De notre envoyé spécial.
Avignon affectionne ces spectacles au long cours, qui partent à la conquête de l'auditoire. Il y a eu, en 2005, Les Vainqueurs d'Olivier Py, et, l'année suivante, Les Éphémères d'Ariane Mnouchkine. En la matière, l'intégrale, en 1987, du Soulier de satin de Paul Claudel, dans la mise en scène d'Antoine Vitez, reste la référence mythique. Onze heures de théâtre... et entractes.
Wajdi Mouawad relève le défi, lui aussi, dans la cour d'honneur, avec Le sang des promesses. Même durée. Mais il s'agit là d'une suite de trois pièces déjà créées séparément. Le quatrième volet, Ciels, est attendu pour fin de cette édition 2009 du festival.
Il est 7 h 30. Avignon s'éveille. Au-dessus des gradins du Palais des papes, le ciel promet une nouvelle belle journée. Un tonnerre d'applaudissements brise un silence monacal. Les spectateurs sont debout, pour beaucoup encore enveloppés dans des couvertures couleur de bures. Cette salve plusieurs fois répétée a un effet libératoire, tant l'écriture du dramaturge libano-québecois contient son lot de tensions et d'émotions.
N'y aurait-il plus que le malheur pour inspirer le théâtre ? La question n'est pas si simple avec Wajdi Mouawad, même si sa vie personnelle profondément marquée par la guerre et l'exil a partie liée avec son oeuvre. C'est vrai avec la pièce d'ouverture, Littoral, ou les tribulations tragi-comiques d'un adolescent, qui ramène au pays son défunt père. C'est vrai encore avec Incendies, où un frère et une soeur doivent partir, sur les consignes testamentaires de leur mère, à la recherche de leur père et de leur frère.
Ça l'est moins avec sa troisième pièce-fleuve, Forêts. Wajdi Mouawad déploie un étonnant talent à dévoiler progressivement les tenants et aboutissants de ses intrigues et drames. Et là, il se surpasse. Ce qui n'est pas sans risque, quand le seuil d'écoute passe aux heures sup'.
L'histoire de Loup, jouvencelle au look gothique, démarre comme un thriller de Franck Thuillez, auteur féru de neurologie. Et puis grimpe dans les branches d'une généalogie aux destins de tragédie grecque et luxe de coups de... théâtre.
Mais les trois pièces de vies et de morts sont traversées par la même quête de l'identité et la promesse de l'apaisement de soi. Cette triple saga tient, elle, ses promesses d'un grand moment. Elle le doit aussi à une formidable équipe de comédiens, dont le conteur vendéen Yannick Jaulin.
Xavier ALEXANDRE.
FESTIVAL AVIGNON OFF... on devient fou
Le off d'Avignon est devenu fou
Par Delphine DE MALHERBE
Le Journal du Dimanche
Un éléphant gargantuesque qui descend l'escalier du palais des Papes. Des bonnes soeurs en vélomoteur. Des danseurs de claquettes aux pieds palmés. La grande parade d'ouverture du festival Off d'Avignon, qui rend cette année hommage à l'auteur dramatique Bernard-Marie Koltès, n'a pas lésiné mercredi pour annoncer ses 980 spectacles donnés par 825 compagnies dans 105 lieux de la ville.
In ou Off, comme chaque année, le festival d'Avignon propose un nombre considérable de spectacles.
Artistes de rues, acteurs confirmés et jeunes troupes fraichement constituées ont sonné le tocsin et livré leur message : jusqu'au 31 juillet, Avignon devient "le plus grand théâtre du monde" et rend involontairement hommage à l'exubérance de la nature humaine. En effet, si le festival In s'est attaché dans sa programmation à traduire la démence des hommes dans ce qu'elle a de plus violent, le Off propose une foison de spectacles qui donnent la part belle aux délires les plus extravagants.
"Cette édition rend de surcroit hommage à Bernard-Marie Koltès, explique-t-on à la direction du Off. La plupart des grands auteurs de théâtre viennent aussi de là. Le Off est le lieu où l'ensemble du tissu artistique de la scène française entre en dialogue. On y trouve le meilleur et le pire, un melting-pot unique d'amateurs, de professionnels, de grands artistes ou de plus modestes créateurs. En totalisant 30 800 abonnés et 700 000 places vendues l'an passé, la force de frappe de programmation du Off est devenue considérable."
Une pléiade d'humoristes
De la place de l'Horloge à la rue des Teinturiers, les festivaliers peuvent ainsi alterner à loisir les genres et les styles. Comme chaque année, des compagnies de théâtre confirmées se frotteront aux classiques. D'autres livreront des créations plus ou moins heureuses du fruit de leur plume. Cette édition a déjà sa pléiade d'humoristes (Thierry Samitier ou Warren Zavatta), de figures du festival (Pierrette Dupoyet) et de comédiens reconnus (Danièle Lebrun, Catherine Arditi... entre autres). Mais ce sont tout particulièrement les territoires inexplorés de Clémentine Célarié, de Saïda Churchill et de Diastème qui nous intéressent ces jours-ci.
www.avignonleoff.com
Sur la planète Terre de Clémentine
"La folie, c'est la liberté." Dans Pour Bobby de Serge Valletti, Clémentine Célarié offre une performance de comédienne époustouflante où une femme conte ses détresses et ses réflexions, ses métiers hypothétiques ou ses repas à heure fixe. L'actrice au mieux de sa forme mène son public aux limites du rire et de l'émotion, livrant ses traumas au pas de course. Accompagnée d'un clown et mime, Guillaume Collignon, elle se livre en pâture et on ne sait plus si son personnage a perdu l'âme ou la raison.
-Pour Clémentine : "C'est le texte le plus proche de moi que j'aie jamais joué. J'étais trop amoureuse de lui au début. Ce flot incessant de mots sacralise aussi les sentiments. J'ai dû trouver la distance. J'aime cette femme qui comme moi se bat pour ne pas être retenue dans des cases. L'interpréter me permet d'être une vraie comédienne: de partager et non de briller. J'ai l'impression de tout donner avec sincérité et pour de vraies raisons." Ce que Clémentine aime le plus au monde à Avignon? "Voir des artistes vrais qui travaillent beaucoup pour toucher au coeur. Courez voir par exemple Ecorce de peines de D' de Kabal à la Chapelle du verbe incarné." (Rens.: 04 90 14 07 49.)
Pour Bobby, de Serge Valletti, Théâtre du chien qui fume. Tél.: 04 90 85 25 87.
Sur la planète Mars avec Saïda
"Je suis une fille bourrelée de remords." Saïda Churchill ose tous les langages dans Vacances au bord de la guerre. Un spectacle truffé d'inventivité qu'elle a coécrit avec Romain Bouteille et qui propose "de prendre un bol de rire avant la grande famine". En effet, telle une martienne revenue d'un voyage astral, Saïda Churchill arrive en scène tout de noir vêtue et répond aux questions d'une journaliste. Se dessine au fil de l'entretien un personnage qui a connu la guerre civile espagnole, Picasso, Cocteau, "et qui se retrouve comme une conne à parler toute seule". Mille petites histoires "sans histoires" se tissent alors avec une absurdité réjouissante.
Ce personnage, selon Saïda, "est un être imaginaire non inscrit dans la lourde échelle des valeurs de notre société. Je voudrais que mon spectacle fasse rire avec une inconscience enjouée, un humour sans sarcasmes. Ce n'est pas une freuderie pour midinettes." Elle y balance d'ailleurs pas mal: sur ces metteurs en scène qui veulent mettre les belles comédiennes dans leur lit, "Savary ou Hossein". Sur Chéreau qui "se gavait de subventions". Plus sérieuse, elle rassure ses amis sur le fait que "la trahison a besoin de confiance". Un conseil, méfions-nous de nos amis.
Vacances au bord de la guerre, de Saïda Churchill et Romain Bouteille, Théâtre des corps saints. Tél.: 04 90 16 07 50.
Dans la lune avec Emma
Ils sont en tournée. Ils sont quatre qui bataillent contre la monotonie. Une jeune starlette (Emma de Caunes), sa maquilleuse et deux techniciens préparent maladroitement un spectacle sur la folie douce de Marilyn Monroe. En coulisses, des amours se nouent, impossibles et éphémères. En scène, Marilyn s'incarne. Une pièce dans la pièce.
Si cette nouvelle création de Diastème échoue dans le registre des émotions fortes, elle relève un défi de taille: montrer sans fioritures la vérité de quelques artistes. Pour Diastème: "On s'échine à chercher la grâce, le rire, et parfois on est ridicule. C'est ce qui est touchant chez les artistes. J'avais lu des entretiens inédits de Marilyn avec son psy dans le Los Angeles Times. Cela m'a donné envie de traiter de la folie, des amours impossibles, de la fragilité des existences. J'aimerais que l'on sorte de la pièce à la fois souriant et le coeur serré."
"L'Amour de l'art", de Diastème, Théâtre du chêne noir. Tél.: 04 90 82 40 57.
Et aussi
Faites comme chez vous, une comédie enlevée de Bruno Lugan, au Capitole. Tél.: 08 99 70 60 51.
Victor Hugo, mon amour, un très bel hommage au poète, d'Anthéa Sogno, au Théâtre de la condition des soies. Tél.: 04 32 74 16 49.
Brassens, Brel, Ferré, leur interview mythique, au Théâtre des béliers. Tél.: 04 90 82 21 07.
Bergman, de Jean-François Prévand. Un univers très fort, au Pulsion Théâtre. Tél.: 04 90 85 37 48.
Beaucoup de bruit pour rien, d'après Shakespeare sur et contre tous les préjugés du Discours Amoureux, il y a du Ridicule, dans l'amour, du mélo et de la joie qui dansaient sur l'univers d'après guerre des années 50 aux States.... Le Paradis est toujours loin à toutes les époques et pour toutes les générations... "Love me tender" au Théâtre du Balcon à 12h30. Tél. : 04 90 85 00 80.
Wajdi Mouawad. Cet artiste associé à Avignon, au nom impossible retient...
Deux beaux articles qui me font regretter de ne pas y être déjà, là-bas mais patience mon heure de départ arrive. A Avignon, j'y vais depuis 20 ans sans discontinuer avec deux fois où j'ai joué tout le mois... C'est comme dirait Barbara, le seul endroit pour moi où le jour et la nuit s'épousent jusqu'à l'infini
Festival d'Avignon : ma nuit avec Wajdi Mouawad. sur le JDD
Par Sonia Desprez, dimanche 12 juillet 2009 à 18:26
(ce texte ne dévoile pas l’histoire des pièces, et encore moins la fin)
Certains prennent de la drogue, d’autres vont passer douze heures dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, voir trois pièces de Wajdi Mouawad se succéder depuis le crépuscule jusqu’à l’aube. J’appartiens à la seconde catégorie, peut-être par accident. En apprenant que j’allais m’enquiller ce marathon dramatique, et bien qu’excitée par l’événement, je m’étais donné carte blanche en matière de tangente. J’avais le droit de partir après la seconde pièce, « Incendies », et même au milieu si nécessaire. Pareil pour les 2000 (je crois) autres spectateurs, d’ailleurs, sauf que la plupart étaient venus entre amis, alors que j’avais laissé les miens se souler au vin rosé puis dormir du sommeil du juste, et j’étais donc seule avec mon amour du théâtre. Ah Wajdi, Wajdi. Sacré bonhomme. Un auteur metteur en scène un peu libanais, un peu français et un peu canadien. Un type qui aime les histoires, les sagas, même, et puis les promesses, les mystères, et puis les fresques initiatiques et historiques.
Alors quoi. C’est bien ? Ça vaut le coup ? Bah oui. Mille fois oui, pour des raisons parfois un peu périphériques au cœur de l’œuvre, toutefois. Ce qui est beau, dans Wajdi Mouawad, c’est par exemple sa fantaisie. Du genre dans « Littoral », première pièce de la trilogie de cette nuit (qui est en fait une quadrilogie intitulée « Le sang des promesses »), le héros, Wilfrid, a pour meilleur ami imaginaire un chevalier de la Table Ronde, qui est totalement burlesque dans le tragique, et très pertinent par ailleurs (vu que Wilfrid poursuit son propre Graal etc..). Ils jouent bien les acteurs de Mouawad. Ils jonglent comme rien avec les accents, notamment québécois. (C’est bien marrant d’entendre la cour d’honneur raisonner d’accents québécois, d’ailleurs). Il y a les personnages, aussi, avec toujours le jeune personnage central comme Wilfrid, Loup (une fille), Jeanne et Simon, en quête de ses racines, et très émouvant, plein de fraicheur, toujours un peu au bord de la folie, mais qui ne bascule pas. Bon ce qu’il y a de beau à part ça, c’est la scénographie. Des dispositifs très flexibles, à base de matériaux type chantier : peinture de couleur dont les protagonistes se tartinent allègrement, bâches transparentes, tissus qui épongent les couleurs, praticables lumineux en contreplaqué etc... Ce n’est pas vraiment beau, mais c’est assez fascinant, et ça joue une vraie partition dans l’évolution du drame. Et puis, il y a des acteurs : des jeunes, des vieux, des boiteux, des gros, des chauves, il y a vraiment un truc différent dans son casting. Là encore, pas vraiment beau. On dirait des gens normaux, qui jouent très très bien la comédie. Quand on voit les comédiens de Wajdi, on se rend compte à quel point les comédiens, d’habitude, au théâtre, n’ont pas vraiment des gueules de vrais gens de la vraie vie. Et puis ce qui est différent aussi, c’est que Wajdi, il n’a pas peur du mélo. Oooooh non.
Je récapitule les grandes lignes de ma nuit :
« Littoral » : Un début flamboyant et éminemment comique, une performance lumineuse du jeune Emmanuel Schwartz, qu’on empêcherait bien de retourner au Canada pour se le garder. Au début de Littoral, j’ai vraiment pensé que j’avais à faire à quelque chose de très très nouveau. Mais après, j’ai trouvé le temps long, parce que j’ai été plongée dans une guerre qui n’était pas la mienne, et qu’on ne me rendait pas accessible. Enfin, quand même, j’ai un peu chialé sur l’histoire du type qui cherche une sépulture pour son père, et ré-invente le monde dans sa quête.
Ensuite « Incendies » : au début, j’ai cru que j’allais me tirer, parce que j’étais du genre en plein coup de barre (il était déjà une heure et demi quand même). Et puis à un moment, l’histoire prend un tournant dramatique tellement violent et intense, que toute la cour d’honneur a été scotchée d’un coup, et moi avec. Là pour le coup, j’étais soudain concernée par la guerre (intime) qui se livrait sur le plateau, le drame familial, la rédemption. J’adore la rédemption, c’est un des trucs que je préfère dans la vie, et par conséquent, dans la fiction, aussi. J’ai trop chialé à la fin, ambiance larmes de crocodiles, et plus rien n’a d’importance dans ma petite vie misérable, merci l’art, merci le théâtre. Du coup, il avait beau être trois du matin, j’ai décidé de rester. Je suis allée m’enquiller des chips et une bière au bar, et écouter ce que disaient les autres gens. Comme moi, ils voyaient les faiblesses. Comme moi, ils commençaient à avoir froid, c’était marrant, cette ambiance réfugiés tous enveloppés dans les polaires marrons prêtées par le Festival, surtout que sur le plateau, ça parlait déracinement et immigration à gogo (mais à travers des histoires intimes, c’est pas du tout du social Wajdi, hein, attention.). Ils y avaient pas mal d’autre gens qui avaient pleuré, et pas que des filles. Ensuite, tout le monde s’est rassis, et quand je dis tout le monde, je ne suis pas loin du compte. Ça, c’est beau : plusieurs milliers de personnes, chaque soir, prêts à s’envoyer onze heures de théâtre d’affilée, sous les étoiles, onze heures avec des longueurs, quand même, je précise, onze heures avec des monologues, des moments très tragiques, d’autres comiques, onze heures de spectacle vivant quoi. Et presque personne ne se tire. Presque tout le monde reste jusqu’au bout. Un vrai miracle. L’espoir est donc permis (ah oui, parce qu’aujourd’hui, c’est la visite officielle de Frédéric Mitterand à Avignon, et ça, en revanche, on ne peut pas dire que ça me remplisse d’espoir mais bon).
Bon, sur la dernière pièce, « Forêts », la plus longue (3h45 ce qui stratégiquement est un peu cruel pour le public, je trouve), Wajdi a été à mon avis frappé du syndrome Dark Vador (« Luke, je suis ton père »). Ça vire à la saga à tiroirs pleins de révélations, limite ambiance soap. Alors oui, les acteurs sont formidables, oui , la dramaturgie est belle oui oui oui, mais quand même, on est plus du côté télénovela brésilienne que Tribute to the Atrides (vous savez, la famille grecque, qu’il fait bon citer pour faire classique, où tout le monde nique tout le monde, -dans les deux sens du terme, en raison de la guerre de Troie, et d’autres malédictions familiales, ex Electre, Iphigénie, Oreste, le pauvre, Clytemnestre et tutti quanti, personnellement j’adore mais j’admets qu’il faut se concentrer pour s’y retrouver) à mon goût.
Bon enfin, ça valait le coup, comme je disais plus haut, pour voir l’aube se lever sur les vieilles pierres, sur les planches ensanglantées de peinture rouge, sur les accents canadiens, et sur le public aux yeux rouges dans ses polaires marrons. Et pas que les filles, les yeux rouges. J’ai vu pas mal de types pleurer aussi. A la fin, les applaudissements ont duré tellement longtemps que ça faisait accélérer le cœur. Ça chialait sec, on ne savait plus qui applaudissait qui tellement tout le monde applaudissait debout, comédiens compris. De voir tous les personnages alignés devant nous, ces gens dont on avait vécu les naissances, les quêtes, les bassesses, les viols, les bontés, les blagues, et qui nous regardait, nous applaudissaient à leur tour…C’était beau, c’était rare, c’était émouvant, c’était exceptionnel, on avait vraiment vécu quelque chose, là, tous ensemble.
En hommage à la performance des comédiens, j’ajoute que j’imagine qu’ils vivent comme des moines pour jouer ça tous les soirs, et qu’ils ne doivent pas voir grand-chose de l’intense vie sociale avignonnaise. Comme ça n’a pas été trop mon cas non plus pour l’instant, je vais tâcher, pour leur témoigner toute mon admiration, et ma gratitude, d’inverser la vapeur. Pourvu que la suite de ces lignes s’en ressente favorablement.
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Avignon : douze heures dans la cour d'Honneur...
Par Armelle Héliot le 9 juillet 2009 11h46
Première hier soir des intégrales de trois pièces de l'écrivain libano-canadien Wajdi Mouawad dans la cour d'Honneur du palais des Papes. De 20h mercredi à 7h30 jeudi matin, près de deux mille personnes ont traversé la nuit...et étaient encore dans le bâtiment deux heures plus tard, traînant au petit déjeuner avec les artistes !
"Evidemment, il faut aimer le théâtre. Passer douze heures ou presque, assis à la même place -avec deux entractes, l'un d'une heure quinze, l'autre de trente minutes- paraît exercice douteux à qui ne sait pas que le théâtre est souvent miraculeux et que l'on ne voit pas le temps passer si les histoires que l'on vous raconte sont bien menées...
On se prépare comme on se prépare pour un voyage. Petites laines, voire doudoune, vêtements souples, bonnes chaussures ! Onze/douze heures, c'est Paris-Séoul ? Assis à la même place, mais avec des possibilités d'escapade plus conséquentes que dans le couloir d'un long courrier...
Photo de Littoral Agence Wikispectacles avec l'aimable autorisation des photographes
Hier soir, la représentation débutait deux heures plus tôt que d'habitude au palais des Papes. Vingt heures. A Avignon, il faisait encore très chaud et le vent du Nord (pas encore du mistral) qui avait soufflé dans la journée, s'était apaisé. A 20h, la cour était pleine à craquer. Près de 2000 personnes fin prêtes à cette longue traversée de la nuit comme le Festival d' Avignon les aime : ici même, Le Soulier de Satin de Paul Claudel, Les Comédies barbares de Ramon del Valle Inclan ou encore à la carrière de Boulbon Le Mahabharata sont des spectacles entrés dans la légende de par leurs qualités artistiques, mais aussi du fait des nuits partagées, avec leurs anecdotes, leurs histoires.
On se souviendra de cette première car elle a été marquée par la plus fabuleuse entrée que l'on ait vue dans la cour...N'était le cavalier noir du Hamlet de Chéreau, surgissant, dans un fracas d'enfer de sabots sur la pierre et le bois, on n'avait jamais été aussi étonné : il était 20h10, lorsque, se glissant sur le plateau vaste, venant de jardin (à gauche en regardant la scène), un chat, un superbe Européen, très fier avec sa silhouette racée, un collier vert autour du cou, s'aventura dans ce territoire qu'il connaît visiblement, mais dont il se méfie...Rejoignant la paroi de bois servant d'élément de décor, il se mit à la longer, bientôt suivi par les comédiens eux-même, entrant à la file indienne...On sentit un flottement dans la salle qui s'interrogeait : le chat fait-il partie du spectacle ? d'autant qu'à la fin de cette première pièce, deux heures quarante plus tard, Monsieur Mistigri ressurgit, comme pour saluer la compagnie ! Wajdi Mouawad aime les chats. C'était un heureux présage...
Littoral qui ouvre la soirée est une pièce qui date de 1997. Wajdi Mouawad l'a réécrite, en tout cas révisée, la débarrassant notamment des scories de ce qu'il reconnaît être des tics de langage. C'est une grande pièce, très originale, très puissante. Un orphelin, Wilfrid (l'époustouflant Emmanuel Schwartz), apprend la mort de son père, qu'il ne connaissait pas. Il veut lui offrir une sépulture dans le pays de sa naissance. Mais le pays est en guerre et il est bien difficile d'enterrer son père...il finira "emmerer". Ce mort pourrit mais parle, comme parle parfois au pauvre orphelin le chevalier Guiromelan (Jean Alibert, épatant) qui vient à son secours ! Wajdi Mouawad maîtrise merveilleusement bien son récit et se permet ces cocasseries enfantines, d'une fraîcheur digne des comédies de Shakespeare, tout en parlant d'événements terribles qui nous reconduisent sans cesse à la guerre, au Proche-Orient, à son Liban natal.
Photo de répétition : au centre en tee shirt bleu, Wajdi Mouawad. Répétition de Incendies, agence Wikispectacles avec l'aimable autorisation des photographes.
Incendies qui suit de minuit vingt à trois heures du matin, est de même facture. La pièce date de 2003. C'est encore une histoire fascinante. Un notaire lit à deux très jeunes gens, des jumeaux frère et soeur, Jeanne et Simon, le testament de leur mère Nawal. Elle leur a laissé deux lettres. L'une pour un père qu'ils croyaient mort, l'autre pour un frère dont ils ne savent rien. A partir de ce noeud dramatique, Wajdi Mouawad embrasse toute l'histoire, et l'on est encore dans des terres déchirées par la guerre. C'est un grand roman théâtral, très bien composé et bouleversant dans son acuité d'analyse des coeurs et des âmes. Scène extraordinairemenr forte, par exemple, du frère qui tue tout ce qui bouge. Imagination, liens secrets, tout ici fonctionne à merveille porté par une distribution remarquable.
Forêts est moins abouti. D'ailleurs la pièce qui durait 4h a été réduite à 3h30, mais c'est encore trop long et curieusement Wajdi Mouawad abandonne ici une part de sa personnalité. Pas pour rien qu'un personnage se nomme Brouillard : on reconnaît un univers à la Joël Pommerat dans cette famille qui ne vit que de rigidité qui cède et de sévérité douloureuse...Mais l'excès de pathos noie toute puissance tragique.
Demeure à la fin, 7h30 du matin, martinets piquant depuis le haut ciel bleu, une salle debout, encore enveloppée des couvertures polaires mises à disposition par le festival et qui n'ont pas été inutiles aux petites heures du jour, une salle n'en finissant pas d'applaudir, bien réveillée par cette nuit magique. Un triomphe comme le festival n'en avait pas connu depuis bien des été et qui signe la réconciliation profonde de la manifestation avec un théâtre d'art, un théâtre de textes qui éclairent le monde.
Armelle Héliot un jour à Avignon un martinet est tombé dans la petite cour interstice d'immeubles, près de ma chambre, je l'ai recueilli, j'ai mis plusieurs jours à comprendre qu'il n'était pas blessé, qu'il n'était pas oisillon, et je l'ai relancé au petit matin dans le ciel, quelle sensation... On l'avait appelé Roger.
Il a fait un grand virage et est parti en criant...
Festival d'Avignon : ma nuit avec Wajdi Mouawad. sur le JDD
Par Sonia Desprez, dimanche 12 juillet 2009 à 18:26
(ce texte ne dévoile pas l’histoire des pièces, et encore moins la fin)
Certains prennent de la drogue, d’autres vont passer douze heures dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, voir trois pièces de Wajdi Mouawad se succéder depuis le crépuscule jusqu’à l’aube. J’appartiens à la seconde catégorie, peut-être par accident. En apprenant que j’allais m’enquiller ce marathon dramatique, et bien qu’excitée par l’événement, je m’étais donné carte blanche en matière de tangente. J’avais le droit de partir après la seconde pièce, « Incendies », et même au milieu si nécessaire. Pareil pour les 2000 (je crois) autres spectateurs, d’ailleurs, sauf que la plupart étaient venus entre amis, alors que j’avais laissé les miens se souler au vin rosé puis dormir du sommeil du juste, et j’étais donc seule avec mon amour du théâtre. Ah Wajdi, Wajdi. Sacré bonhomme. Un auteur metteur en scène un peu libanais, un peu français et un peu canadien. Un type qui aime les histoires, les sagas, même, et puis les promesses, les mystères, et puis les fresques initiatiques et historiques.
Alors quoi. C’est bien ? Ça vaut le coup ? Bah oui. Mille fois oui, pour des raisons parfois un peu périphériques au cœur de l’œuvre, toutefois. Ce qui est beau, dans Wajdi Mouawad, c’est par exemple sa fantaisie. Du genre dans « Littoral », première pièce de la trilogie de cette nuit (qui est en fait une quadrilogie intitulée « Le sang des promesses »), le héros, Wilfrid, a pour meilleur ami imaginaire un chevalier de la Table Ronde, qui est totalement burlesque dans le tragique, et très pertinent par ailleurs (vu que Wilfrid poursuit son propre Graal etc..). Ils jouent bien les acteurs de Mouawad. Ils jonglent comme rien avec les accents, notamment québécois. (C’est bien marrant d’entendre la cour d’honneur raisonner d’accents québécois, d’ailleurs). Il y a les personnages, aussi, avec toujours le jeune personnage central comme Wilfrid, Loup (une fille), Jeanne et Simon, en quête de ses racines, et très émouvant, plein de fraicheur, toujours un peu au bord de la folie, mais qui ne bascule pas. Bon ce qu’il y a de beau à part ça, c’est la scénographie. Des dispositifs très flexibles, à base de matériaux type chantier : peinture de couleur dont les protagonistes se tartinent allègrement, bâches transparentes, tissus qui épongent les couleurs, praticables lumineux en contreplaqué etc... Ce n’est pas vraiment beau, mais c’est assez fascinant, et ça joue une vraie partition dans l’évolution du drame. Et puis, il y a des acteurs : des jeunes, des vieux, des boiteux, des gros, des chauves, il y a vraiment un truc différent dans son casting. Là encore, pas vraiment beau. On dirait des gens normaux, qui jouent très très bien la comédie. Quand on voit les comédiens de Wajdi, on se rend compte à quel point les comédiens, d’habitude, au théâtre, n’ont pas vraiment des gueules de vrais gens de la vraie vie. Et puis ce qui est différent aussi, c’est que Wajdi, il n’a pas peur du mélo. Oooooh non.
Je récapitule les grandes lignes de ma nuit :
« Littoral » : Un début flamboyant et éminemment comique, une performance lumineuse du jeune Emmanuel Schwartz, qu’on empêcherait bien de retourner au Canada pour se le garder. Au début de Littoral, j’ai vraiment pensé que j’avais à faire à quelque chose de très très nouveau. Mais après, j’ai trouvé le temps long, parce que j’ai été plongée dans une guerre qui n’était pas la mienne, et qu’on ne me rendait pas accessible. Enfin, quand même, j’ai un peu chialé sur l’histoire du type qui cherche une sépulture pour son père, et ré-invente le monde dans sa quête.
Ensuite « Incendies » : au début, j’ai cru que j’allais me tirer, parce que j’étais du genre en plein coup de barre (il était déjà une heure et demi quand même). Et puis à un moment, l’histoire prend un tournant dramatique tellement violent et intense, que toute la cour d’honneur a été scotchée d’un coup, et moi avec. Là pour le coup, j’étais soudain concernée par la guerre (intime) qui se livrait sur le plateau, le drame familial, la rédemption. J’adore la rédemption, c’est un des trucs que je préfère dans la vie, et par conséquent, dans la fiction, aussi. J’ai trop chialé à la fin, ambiance larmes de crocodiles, et plus rien n’a d’importance dans ma petite vie misérable, merci l’art, merci le théâtre. Du coup, il avait beau être trois du matin, j’ai décidé de rester. Je suis allée m’enquiller des chips et une bière au bar, et écouter ce que disaient les autres gens. Comme moi, ils voyaient les faiblesses. Comme moi, ils commençaient à avoir froid, c’était marrant, cette ambiance réfugiés tous enveloppés dans les polaires marrons prêtées par le Festival, surtout que sur le plateau, ça parlait déracinement et immigration à gogo (mais à travers des histoires intimes, c’est pas du tout du social Wajdi, hein, attention.). Ils y avaient pas mal d’autre gens qui avaient pleuré, et pas que des filles. Ensuite, tout le monde s’est rassis, et quand je dis tout le monde, je ne suis pas loin du compte. Ça, c’est beau : plusieurs milliers de personnes, chaque soir, prêts à s’envoyer onze heures de théâtre d’affilée, sous les étoiles, onze heures avec des longueurs, quand même, je précise, onze heures avec des monologues, des moments très tragiques, d’autres comiques, onze heures de spectacle vivant quoi. Et presque personne ne se tire. Presque tout le monde reste jusqu’au bout. Un vrai miracle. L’espoir est donc permis (ah oui, parce qu’aujourd’hui, c’est la visite officielle de Frédéric Mitterand à Avignon, et ça, en revanche, on ne peut pas dire que ça me remplisse d’espoir mais bon).
Bon, sur la dernière pièce, « Forêts », la plus longue (3h45 ce qui stratégiquement est un peu cruel pour le public, je trouve), Wajdi a été à mon avis frappé du syndrome Dark Vador (« Luke, je suis ton père »). Ça vire à la saga à tiroirs pleins de révélations, limite ambiance soap. Alors oui, les acteurs sont formidables, oui , la dramaturgie est belle oui oui oui, mais quand même, on est plus du côté télénovela brésilienne que Tribute to the Atrides (vous savez, la famille grecque, qu’il fait bon citer pour faire classique, où tout le monde nique tout le monde, -dans les deux sens du terme, en raison de la guerre de Troie, et d’autres malédictions familiales, ex Electre, Iphigénie, Oreste, le pauvre, Clytemnestre et tutti quanti, personnellement j’adore mais j’admets qu’il faut se concentrer pour s’y retrouver) à mon goût.
Bon enfin, ça valait le coup, comme je disais plus haut, pour voir l’aube se lever sur les vieilles pierres, sur les planches ensanglantées de peinture rouge, sur les accents canadiens, et sur le public aux yeux rouges dans ses polaires marrons. Et pas que les filles, les yeux rouges. J’ai vu pas mal de types pleurer aussi. A la fin, les applaudissements ont duré tellement longtemps que ça faisait accélérer le cœur. Ça chialait sec, on ne savait plus qui applaudissait qui tellement tout le monde applaudissait debout, comédiens compris. De voir tous les personnages alignés devant nous, ces gens dont on avait vécu les naissances, les quêtes, les bassesses, les viols, les bontés, les blagues, et qui nous regardait, nous applaudissaient à leur tour…C’était beau, c’était rare, c’était émouvant, c’était exceptionnel, on avait vraiment vécu quelque chose, là, tous ensemble.
En hommage à la performance des comédiens, j’ajoute que j’imagine qu’ils vivent comme des moines pour jouer ça tous les soirs, et qu’ils ne doivent pas voir grand-chose de l’intense vie sociale avignonnaise. Comme ça n’a pas été trop mon cas non plus pour l’instant, je vais tâcher, pour leur témoigner toute mon admiration, et ma gratitude, d’inverser la vapeur. Pourvu que la suite de ces lignes s’en ressente favorablement.
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Avignon : douze heures dans la cour d'Honneur...
Par Armelle Héliot le 9 juillet 2009 11h46
Première hier soir des intégrales de trois pièces de l'écrivain libano-canadien Wajdi Mouawad dans la cour d'Honneur du palais des Papes. De 20h mercredi à 7h30 jeudi matin, près de deux mille personnes ont traversé la nuit...et étaient encore dans le bâtiment deux heures plus tard, traînant au petit déjeuner avec les artistes !
"Evidemment, il faut aimer le théâtre. Passer douze heures ou presque, assis à la même place -avec deux entractes, l'un d'une heure quinze, l'autre de trente minutes- paraît exercice douteux à qui ne sait pas que le théâtre est souvent miraculeux et que l'on ne voit pas le temps passer si les histoires que l'on vous raconte sont bien menées...
On se prépare comme on se prépare pour un voyage. Petites laines, voire doudoune, vêtements souples, bonnes chaussures ! Onze/douze heures, c'est Paris-Séoul ? Assis à la même place, mais avec des possibilités d'escapade plus conséquentes que dans le couloir d'un long courrier...
Photo de Littoral Agence Wikispectacles avec l'aimable autorisation des photographes
Hier soir, la représentation débutait deux heures plus tôt que d'habitude au palais des Papes. Vingt heures. A Avignon, il faisait encore très chaud et le vent du Nord (pas encore du mistral) qui avait soufflé dans la journée, s'était apaisé. A 20h, la cour était pleine à craquer. Près de 2000 personnes fin prêtes à cette longue traversée de la nuit comme le Festival d' Avignon les aime : ici même, Le Soulier de Satin de Paul Claudel, Les Comédies barbares de Ramon del Valle Inclan ou encore à la carrière de Boulbon Le Mahabharata sont des spectacles entrés dans la légende de par leurs qualités artistiques, mais aussi du fait des nuits partagées, avec leurs anecdotes, leurs histoires.
On se souviendra de cette première car elle a été marquée par la plus fabuleuse entrée que l'on ait vue dans la cour...N'était le cavalier noir du Hamlet de Chéreau, surgissant, dans un fracas d'enfer de sabots sur la pierre et le bois, on n'avait jamais été aussi étonné : il était 20h10, lorsque, se glissant sur le plateau vaste, venant de jardin (à gauche en regardant la scène), un chat, un superbe Européen, très fier avec sa silhouette racée, un collier vert autour du cou, s'aventura dans ce territoire qu'il connaît visiblement, mais dont il se méfie...Rejoignant la paroi de bois servant d'élément de décor, il se mit à la longer, bientôt suivi par les comédiens eux-même, entrant à la file indienne...On sentit un flottement dans la salle qui s'interrogeait : le chat fait-il partie du spectacle ? d'autant qu'à la fin de cette première pièce, deux heures quarante plus tard, Monsieur Mistigri ressurgit, comme pour saluer la compagnie ! Wajdi Mouawad aime les chats. C'était un heureux présage...
Littoral qui ouvre la soirée est une pièce qui date de 1997. Wajdi Mouawad l'a réécrite, en tout cas révisée, la débarrassant notamment des scories de ce qu'il reconnaît être des tics de langage. C'est une grande pièce, très originale, très puissante. Un orphelin, Wilfrid (l'époustouflant Emmanuel Schwartz), apprend la mort de son père, qu'il ne connaissait pas. Il veut lui offrir une sépulture dans le pays de sa naissance. Mais le pays est en guerre et il est bien difficile d'enterrer son père...il finira "emmerer". Ce mort pourrit mais parle, comme parle parfois au pauvre orphelin le chevalier Guiromelan (Jean Alibert, épatant) qui vient à son secours ! Wajdi Mouawad maîtrise merveilleusement bien son récit et se permet ces cocasseries enfantines, d'une fraîcheur digne des comédies de Shakespeare, tout en parlant d'événements terribles qui nous reconduisent sans cesse à la guerre, au Proche-Orient, à son Liban natal.
Photo de répétition : au centre en tee shirt bleu, Wajdi Mouawad. Répétition de Incendies, agence Wikispectacles avec l'aimable autorisation des photographes.
Incendies qui suit de minuit vingt à trois heures du matin, est de même facture. La pièce date de 2003. C'est encore une histoire fascinante. Un notaire lit à deux très jeunes gens, des jumeaux frère et soeur, Jeanne et Simon, le testament de leur mère Nawal. Elle leur a laissé deux lettres. L'une pour un père qu'ils croyaient mort, l'autre pour un frère dont ils ne savent rien. A partir de ce noeud dramatique, Wajdi Mouawad embrasse toute l'histoire, et l'on est encore dans des terres déchirées par la guerre. C'est un grand roman théâtral, très bien composé et bouleversant dans son acuité d'analyse des coeurs et des âmes. Scène extraordinairemenr forte, par exemple, du frère qui tue tout ce qui bouge. Imagination, liens secrets, tout ici fonctionne à merveille porté par une distribution remarquable.
Forêts est moins abouti. D'ailleurs la pièce qui durait 4h a été réduite à 3h30, mais c'est encore trop long et curieusement Wajdi Mouawad abandonne ici une part de sa personnalité. Pas pour rien qu'un personnage se nomme Brouillard : on reconnaît un univers à la Joël Pommerat dans cette famille qui ne vit que de rigidité qui cède et de sévérité douloureuse...Mais l'excès de pathos noie toute puissance tragique.
Demeure à la fin, 7h30 du matin, martinets piquant depuis le haut ciel bleu, une salle debout, encore enveloppée des couvertures polaires mises à disposition par le festival et qui n'ont pas été inutiles aux petites heures du jour, une salle n'en finissant pas d'applaudir, bien réveillée par cette nuit magique. Un triomphe comme le festival n'en avait pas connu depuis bien des été et qui signe la réconciliation profonde de la manifestation avec un théâtre d'art, un théâtre de textes qui éclairent le monde.
Armelle Héliot un jour à Avignon un martinet est tombé dans la petite cour interstice d'immeubles, près de ma chambre, je l'ai recueilli, j'ai mis plusieurs jours à comprendre qu'il n'était pas blessé, qu'il n'était pas oisillon, et je l'ai relancé au petit matin dans le ciel, quelle sensation... On l'avait appelé Roger.
Il a fait un grand virage et est parti en criant...