LE BONHEUR Cinéma de Minuit France 3-
ÉMISSION DU 06/09/2015
à revoir en replay.
Cycle : Patrimoine français
Un dessinateur anarchiste fanatique blesse d'une balle une vedette du cinéma par haine de ce qu'elle représente devant ses admirateurs. Aux assises, la belle comédienne plaide en sa faveur par amour pour lui.
Réalisation : Marcel L'Herbier
Scénario : Marcel L'Herbier
Musique : Billy Colson
Photo : Harry Stradling
Interprétation : Gaby Morlay (Clara Stuart), Charles Boyer (Philippe Lutcher), Michel Simon (Noël Malpiaz), Jaque Catelain (Geoffroy de Choppé), Paulette Dubost (Louise)
Le Bonheur s/Critikat vous le trouverez en DVD
France - 1935
Réalisation: Marcel L’Herbier
Scénario: Michel Duran
d'après: la pièce Le Bonheur
de: Henri Bernstein
Image: Harry Stradling Sr
Décors: Guy de Gastyne
Costumes: Jacques Manuel
Montage: Jacques Manuel
Musique: Billy Colson
Producteur(s): Bernard Natan, Émile Natan
Interprétation: Gaby Morlay, Charles Boyer, Michel Simon, Jaque-Catelain, Paulette Dubost
Bonus: Le Bonheur rêvé de Marcel L’Herbier (18mn), entretiens avec Mireille Beaulieu, Laurent Véray et N.T. Binh.
Présentation du film au Festival Lumière à Lyon (2013)
La mode rêvée (Gaumont Pathé Archives)
Film-annonce
Editeur: Pathé
Première sortie en salles: 15 septembre 1934
Date de sortie: 27 mars 2014
Durée: 1h38
LA BELLE ET LE CLOCHARD, par Max Robin
Le Bonheur
réalisé par Marcel L’Herbier
Adapté d’une pièce de théâtre créée par Charles Boyer et Michel Simon deux ans plus tôt, Le Bonheur (1935) n’a rien du théâtre filmé, et s’en éloigne d’autant plus qu’il est un superbe film sur le cinéma. Marcel L’Herbier ne se prédestinait pas au septième art, qui de son propre aveu « n’était pas son genre » ; d’où peut-être son intérêt, alors qu’il est une figure éminente d’une « première vague » du cinéma français (aux côtés d’Abel Gance et Louis Delluc), pour cette pièce à succès qu’il modifie malicieusement pour évoquer l’art corrupteur et narcissique par excellence – celui qui jette son argent par les fenêtres, qui jette en pâture ses créatures et leurs scandales au public, et qui pille impunément la réalité pour finalement ne parler que de lui-même : le cinéma.
L’incorruptible
Au centre de ce mélodrame brillant qui met en scène les mœurs cinématographiques de l’époque, Marcel L’Herbier a choisi Charles Boyer, la (vraie) star « internationale » des années 1930, qui prend son envol à Hollywood alors qu’il tourne ce film. Un Charles Boyer à contre-emploi : face aux frou-frous d’une star de cinéma (Clara Stuart, interprétée par Gaby Morlay) qui est fêtée à son retour à Paris après ses (faux) succès américains, Chakal (Charles Boyer), caricaturiste « antisocial », est un anarchiste sans véritable conviction, nonchalant, désabusé, mais dont le regard est de braise et la parole aussi rare que définitive. La gloire ni le bruit « médiatique » ne l’intéressent, mais pourtant ils l’inspirent : il tire sur Clara Stuart pour donner une publicité à la cause anarchiste qu’il défend. Charles Boyer/Chakal, « écœuré » par le tohu-bohu qui entoure la vedette, nous fait dès lors pénétrer dans les coulisses de ce monde où rien n’est vrai, surtout pas les sentiments qui prennent le nom d’amour le temps d’un caprice de star. Ténébreux, profond, terriblement sérieux, Charles Boyer est le guide improbable de cette traversée des apparences.
Paris-Hollywood
Le Bonheur, dont le titre reste une énigme, est une réalisation sophistiquée, qui donne à voir les liens ambigus entre la représentation et la vraie vie. Si Marcel L’Herbier, cachottier, joue dans Le Bonheur avec la (vraie) carrière franco-américaine de son acteur, il utilise au-delà le motif du « film dans le film » (qui est l’occasion de belles scènes de tournage, avec toute la machinerie de l’époque) pour montrer en quelque sorte le manque d’imagination du cinéma : celui-ci ne fait que voler le réel, le singer, en recyclant les faits divers pour inspirer des (faux) cinéastes défaillants*. Celui de cette mise en abyme est américain : incapable d’imaginer une autre histoire que celle qui a déjà eu lieu dans la réalité, il sait en revanche payer ce qu’il faut à l’imprésario véreux (Michel Simon, qui excelle dans la veulerie efféminée) pour obtenir l’engagement de la vedette dans son propre film. Marcel L’Herbier règle-t-il des comptes avec un certain cinéma de son époque, qui dans les années 1930, recrute fort à Paris… ?
Éloigné de toute intention documentaire, Le Bonheur dévoile pourtant ce qui se passe derrière le décor. La vision ne manque pas de causticité ; pourtant ce Bonheur ne renonce ni au lustre de la grosse production (distribution éblouissante, décors et costumes à l’avenant) ni à une stylisation de l’image et de la mise en scène très abouties, pour « montrer » le cinéma. Celui-ci, à l’image du geste équivoque de Chakal tirant sur la star mais prenant soin de ne pas la tuer, est tout autant le monde qui exclut ceux qui refusent ses règles (le mensonge, l’artifice) et l’univers léger où s’épanouissent les belles fées modernes. Le Bonheur, œuvre de cinéma, c’est peut-être ce monde où tout est plus beau mais où tout est faux. L’inverse de la vraie vie.
*(un cinéaste qui détestait le cinéma de son époque : que dirait il maintenant)
Ce que j'ai pensé avant de lire tout autre chose...
Bernstein, si vous vous souvenez de Mélo, d'Alain Resnais, c'est du même auteur, la pièce là à l'origine de ce film, c'est aussi unique, romantique, avec Gaby Morlay qui était l'actrice préférée de ma mère, à cause d'un film un peu à la Capra, mais beaucoup plus tire larmes : le voile bleu où elle jouait un rôle de gouvernante (à l'opposé du journal d'une femme de chambre). Là c'est avec Charles Boyer, il est velouté triste et mystérieux. Dans ce film Gaby Morlay (Clara Stuart), le défend aux assises, lui dans le rôle d'un anarchiste qui lui a tiré dessus. Elle représente tout ce qu'il déteste. Et il y a une scène tellement juste où il assiste au tournage d'un remake de son histoire avec elle. Suite à cette parodie et surtout au fait que l'amour comme le bonheur il faut mieux les fuir "de peur qu'ils se sauvent." que d'essayer de se les approprier....
Ce film épingle les débuts du star system, avec un agent plus intéressé qu'amoureux des arts, interprété par Michel Simon. Tous(surtout au scènes de tribunal) ne serait ce par le décalage dû au jeu de l'époque, semblent parler faux sauf Charles Boyer le ténébreux et c'en est que plus juste comme si ils étaient empêtrés d'une fausse vie de représentation. Une mise en abîme de la vie par le cinéma. Et la fin est inouïe, la demande de Charles Boyer à Gaby Morlay avant de la quitter...
La dépendance de l'amour par le cinéma, son truchement, l'aurait comme anéanti -l'amour possible entre un homme et une vedette de cinéma, des demi-dieux.
Et la voix de Paulette Dubost une seule voix nous manque et le silence de toutes le conversations de groupe, vous savez quand on dit un ange passe, est assourdissant.
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