samedi 22 octobre 2016

Par coeur de et avec Arnaud Arbessier, un seul en scène qui nous rapproche


ParCoeur vu par Evelyn Trân (Critique au monde.fr)
Qui ne se souvient de sa première émotion en récitant par cœur une poésie à la demande d’un maître ou d’une maîtresse ? Pour ma part, ce moment fut fabuleux. J’ignorai le mot trac mais j’étais terrorisée . Or au fur à mesure que les mots s’échappaient, sortaient du gouffre, j’ai éprouvé que le professeur m’écoutait. J’en fus tellement étonnée ! De quel texte s’agissait-il, je l’ai oublié mais il remue invisible dans ma mémoire, il me parle certainement comme il a parlé à ce professeur.
Passeur de mots, c’est l’un des plus beaux métiers au monde; j’ai connu un poète mourant, qui ne touchait plus terre, qui communiquait grâce à ses poésies pétries en lui qu’il continuait à balbutier comme si elles faisaient partie de son corps, de ses mains, de ses yeux. C’était lui !
Arnaud ARBESSIER, comédien, fils de Louis ARBESSIER de la Comédie Française, nous raconte simplement sa relation avec les mots, une relation amoureuse. Il dit que les mots sont magiques et que oui, il importe pour la vivre cette passion, d’apprendre par cœur un texte quel qu’il soit pourvu qu’il soit aimé.
Il remonte à la source, il nous parle de son père qui savait si bien dire le poème Villequier de Victor Hugo, de sa rencontre avec des textes de Léo FERRE.
Deux fleuves parallèles mis en musique juste par la voix, le poème Villequier et le poème Il n’y a plus rien . L’un s’adresse à Dieu pour demander pourquoi sa chère Léopoldine est morte, l’autre, révolté et sauvage gravit des chemins de dépression intense. Je me souviens encore de Léo FERRE chantant Avec le temps dans une émission de Jacques MARTIN, à la fin de sa vie. Lui si combatif, avait l’air si désespéré, si las !
Mais les fleuves ne cessent de cligner des yeux, ils vivent après tout. La chanson Avec le temps interprétée par Arnaud ARBESSIER peut dire autre chose, laisser s’exprimer quelque lumière derrière le désespoir.
Écouter Il n’y a plus rien à travers la voix d’Arnaud ARBESSIER c’est comme grimper sur un chemin de montagne caillouteux, les yeux dans le vent, la poussière, le soleil. Il n’y a plus rien, il y a tout.
Quel bel hommage aux poètes, aux comédiens ! Quelle belle rencontre ! Laissez penser les mots en vous puisque en vérité les mots agissent d’une certaine façon comme des cailloux qui scintillent sur les chemins qui touchent vos semelles. La ligne n’est pas droite bien sûr, le parcours prend du temps, c’est presque une aventure, c’est toujours de l’or au bout de la course !
Paris, le 5 Décembre 2016 Évelyne Trân

publié sur FB par moi...
Hier je serais bien restée dans une poche de théâtre plus longtemps, dans la petite salle cabaret des Déchargeurs, pour écouter ressentir : "les hommes qui arrêtent de pleurer font la guerre" pour un seul en scène : Par cœur avec et d'Arnaud Arbessier et d'Hugo et de Ferré et de l'ecclésiaste... Et au fait on dit Ferré comme les ferrets de la reine ou Fairé comme faire et...?
A la fin toutes les coutures de notre cœur semblaient re-tenir... Au théâtre quand il y a un échange intime avec chaque spectateur qui comprend enfin pourquoi il est là, pourquoi il aime le théâtre, c'est bien. Parce que Arnaud Arbessier a l'élégance de se présenter et on voit bien qu'il sait tout faire... de "l'art dramatique" et puis il nous dit simplement sa révolte, et puis "avec le temps" comment il a pensé à son père comédien du français capable d'apprendre, de jouer, de remplacer au pied levé n'importe quel rôle du répertoire. Parce qu'au français c.-à-d. à la Comédie Française, il y avait une tradition : l'apprentissage de tous les textes du répertoire pour remplacer dans le monde entier en tournée le moindre défaillant, pour représenter la culture française au kilomètre, un peu comme les chanteurs d'opéra. Lui n'a rien de ce passé ampoulé et plein de rivalité, il est seul pour nous prendre la main et nous dire à quel point ils font du chemin, les textes appris par coeur, quand on les ré-offre à quelqu'un, ils commencent à vivre dans l'espace-temps avec des formules magiques retrouvées pour tous enfin nous comprendre. Il nous confie à quel point il aime ça être en scène pour faire du théâtre, il nous sort la culture, les poèmes de la vitrine... "Il y a un temps pour tout, il y a un temps pour planter, il y a un temps pour arracher ce qu'on a planté....."

Ah je ne vous ai pas dit c'est tous les vendredis à 19h30 du 9 sep 2016 au 16 déc 2016
http://www.lesdechargeurs.fr/
et ce serait bien que ce spectacle sème des petits cailloux plutôt que des miettes de pain pour qu'on le suive et qu'il soit joué dans d'autres salles plus grandes, comme le Paradis au Lucernaire. 

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