Cela va bientôt faire dix ans que Michel Leclerc et sa coscénariste Baya Kasmi ont commis Le Nom des gens, fable revigorante sur l’engagement — à gauche toute — et l’héritage politique laissé aux enfants. Le film ruait dans les brancards socialistes, déjà flageolants à l’époque. Les militants étaient encore sous le choc de l’abandon de Lionel Jospin, de la montée du Front national… Depuis ont eu lieu les attentats contre Charlie Hebdo et ceux du Bataclan, et « gauche » et « droite » ne veulent plus dire grand-chose… Comment vivre sans repères quand on s’est toujours abrité derrière des étiquettes rassurantes ?
Paul (Edouard Baer, parfait) est un rebelle, un pirate, quadra qui porte fièrement son blouson de cuir et se maquille encore les yeux en noir quand il va donner un concert de punk-rock devant des sans-abri. Depuis toujours, il emmerde le système… qui le lui rend bien. Il vit avec Sofia, brillante avocate qu’on aurait qualifiée de « Beurette » dans les années Mitterrand. Parents attentionnés, ils essayent d’élever leur fils selon leurs principes d’ouverture d’esprit, de tolérance et d’alimentation bio. Mais quand ils déménagent à Montreuil, leurs certitudes percutent la grande mixité de l’école publique du quartier, la bien nommée « Jean-Jo » (pour Jean-Jaurès, municipalité de gauche oblige). « Il faut s’avoir s’adapter aux autres », conseille Sofia à son fils. « C’est aux autres de s’adapter à toi », riposte Paul, selon une attitude hyperindividualiste que certains pourraient qualifier de droitière…
Parce que tous leurs potes passent à l’ennemi (c’est-à-dire se tournent vers l’école privée), Paul et Sofia vont durcir leur position, jusqu’à risquer de mettre leur couple, et leur fils, en danger. Vivre en accord avec ses idéaux égalitaires quand son enfant devient « le blanc de service » est insupportable à Sofia, la fille d’immigrés qui a pu profiter de l’ascenseur social offert par l’Education nationale. Traitée de « Blanche » à Montreuil, elle reste « l’Arabe de service » dans son cabinet d’avocats parisien. D’ailleurs, elle veut accuser ses supérieurs d’« abus de discrimination positive ». Le monde devient fou ? Oui et, si on ne fait pas attention, la catastrophe guette, prévient Michel Leclerc.
Sans moralisme, il va guider Paul et Sofia vers le chemin de la réconciliation. A l’aide d’un scénario à l’humour malin qui s’amuse à retourner les clichés ou à les confronter à une réalité devenue absurde. A la sortie de l’école, Paul propose à son fils d’inviter à la maison une copine. Mais quand il se tourne vers la mère, toute recouverte d’un voile noir, il a un mouvement de recul. « Une autre fois peut-être », disent les deux parents… Car la mère de la copine a été tout autant effrayée par le look anar de Paul. De quoi la peur se nourrit-elle ? Des différences mais surtout de l’ignorance. A Montreuil, on partage des potagers, mais au centre culturel on ne croise que des bobos. Les autres ne s’y sentent ni légitimes ni concernés. On pourrait reprocher aux scénaristes d’enfoncer des portes ouvertes, mais leur propos échappe au manichéisme grâce à la poésie qui s’invite ici ou là, sur un air de Jeanne Cherhal ou dans un finale rocambolesque, où tout le monde se retrouve autour d’un voile fabriqué en Chine… Tant qu’il y a de l’amour, de l’humour — et des luttes à mener —, il y a de l’espoir.
Anne Dessuant
Anne Dessuant
Hommages aux fantômes, tout ce que j'ai laissé sur FB à propos de JP Marielle parce que c'est le dernier des trois... avec J Rochefort et P Noiret et puis cette cathédrale ND de Paris qui cachait une forêt d'années -c'est cela les arbres- dans son chapeau.
De Rochefort à Marielle
Extrait de « Ce genre de choses », Jean Rochefort
Extrait de « Ce genre de choses », Jean Rochefort
dont un texte de Olivier Steiner un de mes fils d'adoption si j'avais du adopter...
"Notre-Dame a brûlé. Jean-Pierre Marielle est mort. Nova, 3 kilos 370 grammes pour 52 cm, fille de Valentine et Solène, vient de naître. Notre-Dame a résisté, elle est toujours debout. Madonna vient de sortir son nouveau titre, là aussi ça brûle, Nostra Signora del peccato perpetuo chante Medellin. Dick Rivers est mort, lui aussi. Le Président a parlé en conférence de presse. Laurent est à Avignon. Isabelle joue à Nice. Jules est à Chartres. Mon petit Bitume d'amour est rentré de Barcelone. A Versailles, les Grands Appartements de la Reine viennent de réouvrir. Appelé ma mère hier, enfin, depuis le temps il le fallait. Appel gentil et pénible, triste, on s'entend de moins en moins, toujours le même noeud qui fait mal, impossible à déraciner, autant éteindre le soleil. La femme de Jean-Marie est décédée, je me souviens d'elle, à Caen, à l'abbaye d'Ardenne, Hélène muette dans son fauteuil roulant, paralysée mais regard fixe, un Alzheimer je crois, je me souviens de l'obstination de Jean-Marie, pour qu'Hélène son épouse vive au maximum la vie, sa vie, jusqu'ou bout, obstination qu'on salue après la mort, mais qui fait s'éloigner les autres pendant la vie justement, car on a peur, on ne sait pas quoi dire, on ne veut pas voir : "ça". Plus de nouvelles de Philippe, peut-être est-il dans sa maison à la campagne ? Philippe est apparu d'un coup, comme un nouveau frère possible. Sofian m'a plaqué et il a bien raison. Fabien est au Bear's Den ce soir. Annie Ernaux est en lice pour le Booker Prize. Delphine Kreuter est peut-être fâchée ou pire, blessée, déçue, j'ai aimé son expo photo, je lui ai promis d'écrire quelque chose et puis le temps est passé, à vitesse de TGV, les nuits dans les lits inconnus, les canapés ici et là, les poudres de perlimpinpin et les feux d'artifices, les migraines et la fatigue, le temps encore, et voilà, l'expo est terminée, je n'ai rien écrit alors que je le voulais, je l'avais même annoncé comme un fanfaron ! Yves-Noël avec son Phèdre à Lausanne, pareil, et Adbellah dont j'ai pourtant beaucoup aimé le roman : désolé, désolé. Je suis en retard, sur tout. J'ai trouvé cet après-midi rue de la Convention du café de la marque Corcellet, c'était le fournisseur exclusif de Proust, je bois de ce café ce soir, il est bon et il m'enchante, j'imagine Céleste le préparer, et Marcel va s'installer dans le lit pour travailler jusqu'au petit matin. Il y a quelques jours, nous ne savions même pas qu'une cathédrale pouvait brûler, s'embraser, comme ça, comme un paquet d'allumettes. J'étais là ce soir-là à Saint-Michel, avec Rémy, devant l'énorme colonne de fumée, incrédule, captivé par les chants et les prières des jeunes catholiques, il y en avait tant tout à coup, des jeunes catholiques, captivé par la foule, le silence qui planait au-dessus, les jeunes chrétiens refermés sur eux-mêmes, le visage seulement tourné vers les tours, les vieilles pierres, la flèche de Viollet-le-Duc qui fondait sous nos yeux sans que nous le sachions, qui allait s'effondrer quelques minutes plus tard. Cette place Saint-Michel qui ce soir-là avait un peu des airs de Séville une nuit de Semaine Sainte, et ça me ramenait à Patrice qui adorait ça, il aurait "adoré" - je pense - voir Notre-Dame brûler - si votre maison brûle qu'emporteriez-vous si vous le pouviez, Marguerite Yourcenar ? Le feu, répondit-elle à Pivot qui venait de lui poser la question. "Tout ce qui change vite s’explique par le feu », affirmait Barchelard. Donc le feu, Chéreau et Rémy qui souriait, et moi qui le prenais en photo, parce que ce soir-là il n'était que sa jeunesse ignifugée, le feu et cette odeur de fumée sur les Iles de la Cité et Saint-Louis, étrange senteur, douce et bonne à la fois comme un encens populaire, un parfum de feu de bois, et quel bois ! celui de "la forêt" - tout le monde apprendra ça le lendemain, la charpente de Notre-Dame dont certaines parties étaient vieilles de huit siècles, était surnommée "la forêt" en raison de son complexe et immense enchevêtrement de poutres en bois de chêne. Autrement je vais tenir combien de temps ? Il faudra bien que je trouve une sortie ou un cut, mon énumération n'a pas de fin, et son commencement est arbitraire, c'est ça vivre, être traversé par des énumérations de la sorte mille fois plus grandes et mille fois plus enchevêtrées, comme la forêt de Notre-Dame, une prolifération infinie d'événements et non-événements, faits, sensations, idées ou micro-idées, émotions, rêves, partout dans la tête et le corps, tout le temps, tout le temps. Il y a cette vidéo avec Marielle qui traîne sur le net, elle est délicieuse, il est à la télé et il explique (malicieux et pudique, malicieux car pudique) quel genre de type il est finalement, un traînard. C'est ce qu'il aime, les cancres, ceux qui traînent, qui regardent. Pas les contemplatifs exactement, et c'est pas non plus la fainéantise, il s'agit de ceux qui regardent : rien, tout, une femme qui passe, une crotte de chien. Qui regardent et voient. On peut le dire comme ça. Souvent ça ne veut rien dire mais ce rien n'est pas non plus tout à fait rien, c'est ça qui est formidable, et c'est sur ça qu'on écrit des livres, enfin, qu'on tourne autour. Parfois ces éclats de rien servent, et ça devient important, ça nous déplace ou nous modifie, mais le plus souvent ça ne l'est pas, important, ou bien on ignore, on ne voit pas l'importance, et peu importe finalalement, c'est en cela que c'est bien, peu importe au final, voilà, traîner, tous les matins du monde et tous les soirs, le reste on verra plus tard. J'adore cette chanson Medellin de Madonna / Maluma, l'envie de danser qu'elle provoque, danser juste pour que le corps exulte, comme si le monde n'était qu'une immense fête, un espace pour jouir, jouer, fuir. J'aimerais parler de cette dernière chanson de Madonna de telle façon qu'on lise ce que j'en dis comme si je parlais du dernier Guyotat, avec la même attention et le même respect, la même dignité, le même sérieux. Difficile à obtenir, peut-être impossible, mais j'aimerais tellement. Que le petit soit grand. Et le grand plus petit. L'écriture devrait pouvoir faire ça. Mettre un peu de sacré - pas trop - dans le vulgaire. Et du vulgaire - pas trop - dans le sacré.
Si je le peux un jour, je lui laisserai un endroit pour suivre le feuilleton de sa vie et les pages de son écriture, dès que je le pourrais mais c'est peut-être jamais, pour qu'il arrête d'enchainer les galères... par manque de toit... Les auteurs dépensent leurs vies plus que les saltimbanques."
Vidéo de JP Marielle à Apostrophes "je suis un trainard"
Premier message à l'annonce de la mort de Jean-Pierre Marielle
Merde ! Trois fois j’ai dit et j’ai répété pâle imitation : un cul un cul ! que tu ailles cher comédien unique, au paradis des saltimbanques où l’on peut se prélasser embrasser mater des culs nus ! Reverrai les trois ducs, qui sont tous partis emportés par
le vent....
comme un écho dans
La chronique de François Morel sur France-Inter
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-26-avril-2019?fbclid=IwAR2M-juu3lI1NmtrYEq7-0zonpNuV9Vt8WVgd02cE5ikrGqQrM-Gd1bfIAg
à ne pas manquer
et ce matin "on aura tout vu" sur lui, la formation de l'acteur est-elle nécessaire pour combattre sa peur son manque de confiance avec aussi Reda Kateb et Dominique Besnehard.
et cette phrase "certains trouvent que j'ai une tête d'acteur, moi pas, j'ai une tête de rien !"
qui d'autre que JP Marielle...
https://www.franceinter.fr/emissions/les-sorties-cinema-de-la-semaine/les-sorties-cinema-de-la-semaine-27-avril-2019?fbclid=IwAR0j_I-LfoPG0hL2e1-VdEy3h8fHf-LXK_o3yAemXno0ZDAew2o4ZhjojRk
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et ce matin "on aura tout vu" sur lui, la formation de l'acteur est-elle nécessaire pour combattre sa peur son manque de confiance avec aussi Reda Kateb et Dominique Besnehard.
et cette phrase "certains trouvent que j'ai une tête d'acteur, moi pas, j'ai une tête de rien !"
qui d'autre que JP Marielle...
https://www.franceinter.fr/emissions/les-sorties-cinema-de-la-semaine/les-sorties-cinema-de-la-semaine-27-avril-2019?fbclid=IwAR0j_I-LfoPG0hL2e1-VdEy3h8fHf-LXK_o3yAemXno0ZDAew2o4ZhjojRk
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