Les yeux ouverts un de mes livres de chevet : dialogue entre Matthieu Galley et l'écrivain |
les petites vertus de Natalia Ginzburg (en construction d'autres extraits à venir)
"Dès que nos fils commencent à aller à l'école, nous leur promettons, s'ils travaillent bien de l'argent en récompense. C'est une erreur car ainsi nous mélangeons l'argent qui est une chose sans noblesse, à une chose méritoire et digne qui est l'étude et le plaisir de la connaissance..."Les petites vertus de Natalia Ginzburg à lire sans modération
Ce livre est un cadeau pour viser non pas les petites vertus mais les grandes par exemple plutôt « la générosité et l’indifférence à l’argent plutôt que l’épargne »... Ce sont des nouvelles donc il y en a d’autres que celle qui donne son nom au recueil ; une autre sur les rapports humains, une autre infiniment précise sur le métier d’écrire ; une sur « le fils de l’homme » l’écart de générations ; une sur la relation à deux ; deux sur l’Angleterre dont une pleine d’humour ; une sur les Abruzzes la première car l’auteur comme son nom ne l’indique pas est italienne et juste après sur la perte d’un ami et enfin une que je n’oublierais pas sur des chaussures trouées. c’est cela la complication d’un recueil de nouvelles on a tendance à en préférer certaines à d’autres mais pas là. car il y’a une très belle écriture et comme une focale inversée rapprochée qui culmine en introspection et en désir de transmettre le meilleur et surtout le plaisir à aider véritablement l’autre l’enfant en « le laissant germer ».
https://www.babelio.com/livres/Ginzburg-Les-petites-vertus/651372
P 25-29 Portrait d’un ami
Il était, parfois, très triste ; mais nous avons cru pendant longtemps, qu’il guérirait de cette tristesse, lorsqu’il se serait décidé à devenir un adulte ; parce que sa tristesse nous semblait celle d’un enfant, la mélancolie voluptueuse et rêveuse d’un enfant, qui n’a pas encore touché terre et qui se meut dans le monde aride et solitaire des songes. Parfois, le soir, ils venait nous voir : il s’asseyait, pâle, son écharpe autour du cou, en tortillant ses cheveux, ou en froissant une feuille de papier : il ne prononçait pas un mot de la soirée ; il ne répondait à aucune de nos questions. Enfin, d’un bond, il empoignait son manteau et s’en allait. Humiliés, nous nous demandions si notre compagnie l’avait déçu, s’il avait cherché auprès de nous un réconfort et ne l’avait pas trouvé, ou au contraire s’il s’était tout simplement proposé de passer une soirée silencieuse sous une lampe qui ne fût pas la sienne.
Parler avec lui, d’autre part, n’était jamais facile, même lorsqu’il était de bonne humeur ; mais un entretien avec lui, même fait de peu de mots, pouvait être plus tonique et stimulant qu’avec quiconque. En sa compagnie, nous devenions bien plus intelligents, nous nous sentions poussés à mettre dans les mots ce que nous avions en nous de meilleur et de plus sérieux, nous rejetions les lieux communs, les idées imprécises, les paroles confuses.
Près de lui, nous nous sentions souvent humiliés, parce que nous ne savions pas, comme lui, être réservés, ni modestes comme lui, ni, comme lui, généreux et désintéressés. Il nous traitait, ses amis, avec brusquerie, et ne nous pardonnait aucun de nos défauts ; mais, si nous étions malheureux ou malades, il se montrait attentif comme une mère. En principe il se refusait à connaître des gens nouveaux ; mais il arrivait que tout à coup, avec une personne inattendue et inconnue, une personne même vaguement méprisable, il se montrât expansif et affectueux, prodigue de rendez-vous et de projets. Si nous lui faisions observer que cette personne était, à bien des égards, antipathique et méprisable, il disait qu’il le savait parfaitement ; et parce qu’il aimait toujours tout savoir, il ne nous accordait jamais la satisfaction de lui apprendre quelque chose ; mais pour quel motif il se comportait si familièrement avec cette personne, et au contraire n’accordait pas son amitié à d’autres qui le méritaient davantage, il ne l’expliquait pas, et nous ne l’avons jamais su.
Il s’intéressait parfois à des personnes qui lui semblaient faire partie du monde élégant, et il les fréquentait ; il pensait peut-être s’en servir pour ses romans ; mais il se trompait dans son jugement, sur le raffinement social ou le comportement, il prenait pour du cristal les fonds de bouteilles ; et en cela il était naïf, mais en cela seulement. Il se trompait sur le raffinement du comportement ; mais quand au raffinement du cœur et de l’esprit, il n’a jamais été dupe.
…
Il avait les derniers temps, un visage creusé et raviné, ravagé par ses torturantes pensées : mais, jusqu’à la fin, il garda, dans son allure, la grâce d’un adolescent. Dans les dernières années, il devint un écrivain célèbre ; mais cela ne changera en rien ses habitudes revêches, ni la modestie de son attitude, ni l’humilité, consciencieuse jusqu’au scrupule de son labeur quotidien. Quand nous lui demandions s’il était content d’être célèbre, il répondait avec un ricanement orgueilleux, qu’il s’y attendait depuis toujours ; car il avait, parfois un ricanement sardonique et orgueilleux, puéril et malveillant, qui brillait comme un éclair puis disparaissait. Mais le fait de s’y attendre depuis toujours signifiait que le but atteint ne lui procurait plus aucune joie : il n’était pas capable de jouir des choses et de les aimer, dès qu’il les avait. Il disait qu’il connaissait désormais son art si à fond qu’il ne lui offrait plus aucun secret : et ne lui offrant plus de secrets, cela ne l’intéressait plus. Nous-mêmes, ses amis, nous disait-il, nous n’avions plus de secret pour lui, et nous l’ennuyons terriblement ; et nous, très vexés de l’ennuyer, nous ne parvenions pas à lui dire que nous voyons bien où était son erreur ; c’était de ne pas vouloir se plier à aimer le cours quotidien de l’existence, qui se déroule uniformément, et sans mystère apparent. Il lui aurait fallu conquérir la réalité quotidienne : mais pour lui, elle était interdite et insaisissable, pour lui qui en avait à la fois le désir et l’horreur ; de sorte qu’il ne pouvait que la regarder comme dans un lointain sans bornes.
P 38 Éloge et complainte de l’Angleterre
Le misanthrope reste misanthrope. De plus, sur la timidité la misanthropie initiale, s’étend la grande l’infinie tristesse anglaise, comme une prairie sans limites ou le regard se perd.
En outre, il est vain pour les parents d’espérer que leurs enfants, pendant ces séjours d’été, apprendront l’anglais, langue très difficile à connaître, que très peu d’étrangers savent, et que chaque anglais parle à sa façon.
L’Angleterre est un pays où l’on reste absolument ce que l’on est. L’esprit n’accomplit pas le plus petit mouvement. Il reste là, immobile, immuable, protégé par un climat doux, tempéré, humide, sans écarts de saison, de même que reste immuable, à chaque saison, l’herbe verte des prés, que l’on ne pourrait pas imaginer plus verte : elle n’est ni mordue par le gel, ni dévorée par le soleil. L’esprit ne se libère pas de ses défauts, et n’en acquiert pas non plus de nouveaux. Comme l’herbe, l’esprit est bercé en silence dans sa verdoyante solitude, désaltéré par une pluie tiède.
Il y a de magnifiques cathédrales. Non pas serrées entre les maisons et les boutiques, mais étalées sur de vertes prairies. Il y a de très beaux cimetières, avec de simples pierres gravées, dispersées dans l’herbe dans une paix profonde, au pied des cathédrales. Aucun mur ne les défend, elles sont là en perpétuelle intimité avec la vie, et cependant plongées dans une paix suprême.
Au pays de la mélancolie, l’esprit est toujours tourné vers la mort. Il ne craint pas la mort, comparant l’ombre de la mort à l’ombre vaste des arbres, au silence déjà présent dans l’âme, perdu dans son vert sommeil.
P 67 à 68 mon métier
Mon métier est d’écrire. Je le connais bien, depuis très longtemps. J’espère ne pas me faire mal comprendre. Sur la valeur de ce que j’ai écrit je ne sais rien. Je sais qu’écrire est mon métier. Lorsque je me mets à écrire, je me sens extraordinairement à mon aise, et je me meus dans un élément qu’il me semble connaître extraordinairement bien. J’utilise des instruments qui me sont connus et familiers, et je les sens bien stables entre mes mains. Si je fais quoi que ce soit d’autre, si j’étudie une langue étrangère, si je cherche à apprendre l’histoire ou la géographie, ou la sténographie, ou si j’essaye de parler en public, ou de tricoter ou de voyager, je souffre, et je me demande constamment comment les autres font ces mêmes choses, j’ai toujours l’impression qu’il doit y avoir un bon moyen pour faire ces mêmes choses, et qui est connu des autres et inconnu de moi. Et il me semble être sourde et aveugle, et j’ai comme une nausée au fond de moi. Au contraire, lorsque j’écris, je ne pense jamais qu’il y a peut-être un meilleur moyen dont les autres écrivains se servent. Ce que font les autres écrivains m’est tout à fait égal. Entendons-nous bien : je ne peux écrire que des histoires. Si je tente d’écrire un essai critique, ou un article sur commande pour un journal, cela va assez mal. Et ce que j’écris alors, je dois le chercher péniblement, comme en dehors de moi. Je peux le faire un peu mieux que d’étudier une langue étrangère, ou parler en public, mais seulement un peu mieux. Et j’ai l’impression d’escroquer mon prochain avec des mots empruntés au chapardés ici est là. Et je souffre et je me sens en exil. Au contraire, lorsque j’écris des histoires, je suis comme quelqu’un qui est dans sa patrie, sur les routes qu’il connaît depuis son enfance, et au milieu de murs et d’arbres qui sont les siens. Mon métier est d’écrire des histoires, des choses inventées ou des choses de ma vie dont je me souviens, mais, en tout cas, des histoires, des choses où n’entre pas la culture, mais seulement la mémoire et la fantaisie. C’est cela mon métier, et je le ferai jusqu’à ma mort. Je suis très contente de ce métier, et je n’en changerai pour rien au monde ; j’ai compris, Il y a très longtemps, que c’était là mon métier. Entre 5 et 10 ans je n’en étais pas sûre, et je m’imaginais un peu pouvoir peindre, un peu conquérir des pays à cheval, et un peu inventer de nouvelles machines très importantes ; mais après l’âge de 10 ans je l’ai toujours su, et je me suis exprimée comme je l’ai pu, avec des romans et des poésies.
P 72
J’avais 17 ans à cette époque, et j’avais été recalée en latin, en grec et en mathématiques. J’avais beaucoup pleuré lorsque je l’avais su. Mais maintenant que j’avais écrit cette nouvelle, j’avais un peu moins honte. C’était l’été, une nuit d’été. La fenêtre était ouverte sur le jardin et des papillons sombres volaient autour de la lampe. J’avais écrit ma nouvelle sur du papier quadrillé, et je me sentais heureuse comme jamais cela ne m’était arrivé dans la vie, et riche de pensées et de paroles.
…
Et j’en ai [des récits] écrit un certain nombre, à intervalles d’un ou deux mois, quelques-uns assez beaux, d’autres pas. J’ai découvert alors que l’on se fatigue si l’on écrit une chose sérieusement. C’est mauvais signe si l’on ne se fatigue pas. On ne peut espérer écrire quelque chose de sérieux ainsi à la légère, comme d’une seule main, en voltigeant, tout frais. On ne peut s’en tirer si facilement. Lorsque quelqu’un écrit une chose sérieuse, il tombe dedans, il se noie vraiment dedans jusqu’aux yeux ; et s’il a dans son cœur des sentiments très forts qui l’inquiètent, s’il est très heureux ou malheureux pour une raison quelconque, disons terrestre, qui n’a rien à voir avec ce qu’il est en train d’écrire, alors, si ce qu’il écrit est valable et digne de création, tout autre sentiment s’endort en lui. Il ne peut espérer garder intact et frais son cher bonheur ou son cher malheur, tout s’éloigne et s’évanouit, et il est seul avec sa page ; aucun bonheur et aucun malheur ne peut subsister en lui qui ne soit étroitement lié à cette page, il ne possède rien d’autre et il n’appartient pas aux autres ; s’il n’est pas ainsi, cela signifie alors que sa page ne vaut rien.
P 74
Parce que, à l’époque où j’écrivais ces brefs récits, je m’arrêtais toujours aux personnages et aux choses grises et déjetées, je cherchais une réalité méprisable et sans gloire. Dans ce goût que j’avais alors de découvrir des détails minimes, il y avait de la méchanceté de ma part, un intérêt avide et mesquin pour les petites choses, petites comme des puces, c’était une recherche obstinée et médisante.
P 76
Et puis mes enfants sont nés, et moi au début, lorsqu’ils étaient très petits, je n’arrivais pas à comprendre comment on parvenait à écrire en ayant des enfants. Je ne concevais pas comment j’aurais pu me séparer d’eux pour suivre un personnage dans un récit. Je m’étais mise à mépriser mon métier. J’en avais, par moments du regret, je me sentais exilée, mais je m’efforçais de le mépriser et de m’en moquer pour ne m’occuper que de mes enfants.
P 81-82
Du reste, je ne pourrais même pas imaginer ma vie sans ce métier. Il s’est toujours trouvé là, il ne m’a pas quitté, même une minute, et même lorsque je le croyais endormi, son œil vigilant et resplendissant me regardait.
C’est cela mon métier. L’argent, voyez-vous, il n’en rapporte pas beaucoup, et même on est presque toujours obligé d’avoir en même temps, un autre métier pour vivre. Parfois, pourtant il en rapporte un peu : et l’argent obtenu grâce à lui est une chose très douce, comme de recevoir de l’argent et des cadeaux des mains de l’être aimé. C’est cela mon métier.
…
Détails de Lars Norén au théâtre du Rond-Point puis tournée la Comédie de Reims du 3 au 6 mars mise en scène de Frédéric Belier-Garcia avec entre autres Isabelle Carré et Laurent Capelutto Alors voilà comment vous dire plus de deux heures où je suis restée clouée à mon fauteuil mais voilà l’appareillage systématique pour le son des comédiens déterminant du jeu mais aussi de la mise en scène m’empêche un peu d’être au théâtre. Ces acteurs dans une très belle épure de mise en scène ne s’adressent jamais au public et donc par moments malgré leur crédibilité, justesse, délicatesse je reste extérieure. Bon ceci dit le texte l’ensemble des scènes, les « détails » apostrophants sur leur vie intime qui caractérise aussi les époques, les rapports de révision de l’adultère : des névroses, bouffées délirantes et si l’amour bientôt risquait d’être diagnostiqué comme bouffée délirante au « bénéfice » de la raison et laquelle ? Allez y pour les deux acteurs les plus vieux! de la distribution, dont Isabelle Carré... et le texte et la fluidité la pureté de la mise en scène.Christian Jannot Oui moi j'ai aimé cette pureté un peu froide, et j'adore tjrs Isabelle Carré..pour moi seul le plus jeune acteur était microté..sf quand ils sont tous au fond...
UzpfSTE1NzcxNzM0NDg6MTAyMTg3ODMwNjc0MzkyNDU Interview très intéressante pour les apprentis comédiens sur la bienveillance du public les rituels..... et sur le fond pourquoi dépasser sa peur ? pour faire sur scène tout ce qu'on ne peut pas faire dans la vie...
Propriété privée de Julia Deck : Je vais aller voir cette écrivain à la dédicace chez mon amie et libraire préférée Au plaisir des yeux car n'y a t'il pas plus beau voyage que le roman (entendu à France-Inter Boomerang par Ian Mac Ewan un autre de mes écrivains préférés ; sortir une heure au moins une heure seulement des écrans réseaux par jour.et de leur torpeur..)... et pour une fois j'ai acheté le livre et je l'ai lu avant de rencontrer son auteure mais comment vous dire je l'ai lu d'une traite un peu comme on regarde fasciné un film d'horreur une série (The outsider-3 premiers épisodes disponibles sur OCS à l'heure américaine) tirée d'un roman de Stephen King ou une pièce au théâtre de Yasmina Reza, sans pouvoir s'en extraire... avoir même le recul après quelques jours... Donc il faut par contraste y réfléchir longtemps, le vieillir comme un bon vin, parce qu'il nous a surpris ; c'est un livre pour sortir les bobos de presque leurs cités interdites, alors certes ils y vivent bien, mais qu'apparemment... sans ma conseillère et cette occasion, j'aurais pu acheter ce livre en le feuilletant, pour l'éditeur, puis saisie par la modernité de l'écriture.
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