vendredi 21 février 2020

Spectacle des élèves de 2ème année sur les Tragiques grecs Sophocle Euripide dirigé par Frédéric Constant

Que d’émotions sur ce spectacle dirigé pourles élèves de 2 ème année de l'École professionnelle du Lucernaire et accompagné par leur professeur metteur en scène et acteur Frédéric Constant, sur les grandes tragédies grecques : Sophocle, Euripide... avec leurs héros comme Antigone, Médée, Clytemnestre, Electre attendez il y a quelques hommes aussi : Créon, Oreste, Hemon et leurs familles. Ils ont choisi les personnages, les passages et les éléments de mise en scène avec leur professeur, ils ont aussi choisi les musiques. Pour une scène ils en ont fait deux versions une avec 2 hommes une avec 2 femmes, c'est éclairant ce renversement... C’était un plaisir d’entendre ces textes de pièces qui sont parvenues jusqu'à nous à raison d’une sur 10. Elles réfléchissent sur l'homme, les dieux, le pouvoir et attestent de leur inégalité  entre hiérarchies de gouvernement et peuple : qu'est- ce que la démocratie ?  J’étais grâce à eux comme revenue à la base du Théâtre prête à débattre parler des heures durant, des personnages : des demi-dieux,  de la Cité, de leurs choix de leurs combats, suicides, vengeances. Contre quoi se sont-ils battus pour ordonner leurs vies ? L'inceste, les meurtres parricides, fratricides, les guerres, la peine de mort, le sacrifice humain en direction des dieux... Et cela a bien changé dans notre société mais on en sent comme le terreau et le besoin d'histoires à incarner pour en exposer l'inextricable, l'indicible et les transcender par la beauté, le sublime, toute la poésie, la transformation pour expier pardonner apprendre toujours à vivre et aussi à mourrir.
J'ai suite à ce spectacle, fouillé dans ma bibliothèque et j'ai lu sans m'arrêter les textes eux mêmes et je peux vous dire combien le théâtre doit être joué et incarné pour nous saisir davantage. Mais quand à la lecture seule des phrases comme celle de Phèdre à sa nourrice dans la pièce Hyppolyte m'ont saisie 
"Car lorsque le vice a pour lui la caution des gens respectables, il est bien clair que la canaille en fera une vertu"
cette pièce n'a pas été choisie par les élèves, qui sait parce qu'elle a été comme effacée par la Phèdre de Racine...
Mais revenons à cet exercice devenu spectacle au Paradis (petite salle du Lucernaire tout en haut, dans une proximité avec le public) avec pour l'ensemble des scènes, un décor dépouillé, des rideaux, une table, des chaises et leurs propres costumes contemporains donc avec leurs formes, leur couleur pour symbole et  du sang de théâtre. Ils étaient bien sûr par leur jeu ni dans une cuisine, ni dans un téléfilm mais sur un plateau de théâtre en prise avec l'imaginaire pur où l'on peut tout faire exister avec la lumière et l'intensité du jeu, le solennel d'un palais, quelques personnes qui après un bal viennent s'asseoir et écouter une discussion.
Je me suis même dit que pour moi ici et maintenant, que la réponse d'Ismène était pour moi plus proche de ma pensée, à mon âge dans la vie : "car il est insensé de tenter au delà de ses forces."
http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/SOPHOCLE_ANTIGONE.xml
Extraits d'Antigone de Sophocle 1ére scène et dernière scène


ISMÈNE.
Hélas ! Songe, ô soeur, que notre père est mort détesté et méprisé, et qu'ayant connu ses actions impies, il s'est arraché les deux yeux de sa propre main ; que celle qui portait le double nom de sa mère et de son épouse, s'affranchit de la vie à l'aide d'un lacet terrible ; et que nos deux frères enfin, en un même jour, se tuant eux-mêmes, les malheureux ! se sont donné la mort l'un l'autre. Maintenant que nous voici toutes deux seules, songe que nous devrons mourir plus lamentablement encore, si, contre la loi, nous méprisons la force et la puissance des maîtres. Il faut penser que nous sommes femmes, impuissantes à lutter contre des hommes, et que, soumises à ceux qui sont les plus forts, nous devons leur obéir, même en des choses plus dures. Pour moi, ayant prié les ombres souterraines de me pardonner, parce que je suis contrainte par la violence, je céderai à ceux qui possèdent la puissance, car il est insensé de tenter au delà de ses forces.
(...)
LE MESSAGER.
Un de nous entend de loin un cri perçant sortir de cette tombe privée d'honneurs funèbres, et, accourant, il l'annonce au maître Créon. Tandis que celui-ci approche, le bruit du gémissement se répand confusément autour de lui, et, en soupirant, il dit d'une voix lamentable : ? Ô malheureux que je suis ! L'ai-je donc pressenti ? Ce chemin ne me mène-t-il pas au plus grand malheur que j'aie encore subi ? La voix de mon fils a effleuré mon oreille. Allez promptement, serviteurs, et, parvenus au tombeau, ayant arraché la pierre qui le ferme, pénétrez dans l'antre, afin que je sache si j'ai entendu la voix de Hémon, ou si je suis trompé par les dieux. ? Nous faisons ce que le maître effrayé a ordonné et nous voyons la jeune fille pendue, ayant noué à son cou une corde faite de son linceul. Et lui tenait la vierge embrassée par le milieu du corps, pleurant la mort de sa fiancée envoyée dans le Hadès, et l'action de son père, et ses noces lamentables. Dès que Créon l'aperçoit, avec un profond soupir, il va jusqu'à lui, et, plein de sanglots, il l'appelle : ? Ô malheureux ! Qu'as-tu fait ? Quelle a été ta pensée ? Comment t'es-tu perdu ? Je t'en supplie, sors, mon fils ! ? Mais l'enfant, le regardant avec des yeux sombres, et comme ayant horreur de le voir, ne répond rien et tire l'épée à deux tranchants ; mais la fuite dérobe le père au coup. Alors le malheureux, furieux contre lui-même, se jette sur l'épée et se perce de la pointe au milieu des côtes. Et de ses bras languissants, encore maître de sa pensée, il embrasse la vierge, et, haletant, il expire en faisant jaillir un sang pourpré sur les pâles joues de la jeune fille. Ainsi il est couché mort auprès de sa fiancée morte, ayant accompli, le malheureux, ses noces fatales dans la demeure d'Hadès, enseignant aux hommes par son exemple que l'imprudence est le plus grand des maux.
Une autre version de cette fin dans le spectacle des textes extraits de Antigone :


Pour Antigone et le Choryphée :

« La sagesse, de loin, plus que tout,
Ouvre le chemin du bonheur ; aux dieux, il ne faut refuser rien de ce qu'on leur doit ; les grands mots valent de grands malheurs aux présomptueux et les ramènent avec l'âge à plus de mesure. »

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