dimanche 1 avril 2012

1ères critiques de Bohème d'Olivier Steiner dans le Magazine Littéraire et par Texto de Michel Fau son professeur de théâtre avec aussi Stéphane Auvray-Nauroy


La carte SIM du tendre



Bohème, Olivier Steiner, éd. Gallimard, 224 p., 19 €.

Par Vincent Landel

L’un met en scène, à Los Angeles, Tristan et Iseult, l'autre vend de l'huile d'olive dans l'île Saint-Louis. Entre l'artiste, marié et père, et Tarik Essaïdi, alias Léon, jeune gay cultivé qui cherche « la purification dans la dépravation », se noue un dialogue d'un nouveau genre : une correspondance à base de SMS et de mails. Le « rebeu » a glissé dans la poche du maître, après un concert au Prado, un mot ambigu avec son numéro de téléphone.
Bohème est le récit de leur commerce numérique. La complicité initiale vire au jeu de séduction, puis au désir déclaré, enfin à la passion, d'autant plus intense qu'elle reste latente.
Quand il n'écrit pas à son amant virtuel, Léon visite les saunas gays de la rue des Dames, surfe sur Facebook et les sites porno, dévore Proust, Duras et George du Maurier, se goinfre d'antidépresseurs, tandis que son interlocuteur, lassé de son épouse, se captive pour son Tristan. Ils tiennent tous deux que « le grand mystère, ce n'est pas le destin ou le passé, c'est l'imminence, les dix minutes qui suivent».

Une fois endurés les « c'est pas trop cliché, ce que je dis ? » et autres « vous voyez ? », et une fois admis — la littérature devra s'y faire – le recours permanent au « contact » électronique, le lecteur partage peu à peu la fièvre de ces deux « clandestins de l'amour » qui se caressent par touches de clavier interposées et « se réinventent en s'écrivant » dans des messages où l'indécence la plus crue le dispute à l'exigence la plus pure. L'un en duc de Nemours bisexuel, l'autre en princesse de Clèves homo et gigolo combinent une Mme de La Fayette post-romantique, « hardcore & soft »... C'est d'une audace du tonnerre, qui n’exclut pas la finesse d'analyse des grands romans épistolaires du XVIIe siècle. Et d'une puissance rare, quand l'auteur fait aller crescendo le désir, embrasé par la musique de Wagner qui souffle en bourrasque et porte la douleur de deux êtres qui connaissent trop les chemins balisés de la cristallisation pour la risquer à l'épreuve du sexe et préfèrent « se shooter au lyrisme ».

Léon ira assister à la première de Tristan - point d'orgue du roman-, tout en mitraillant de textes, dans un état second, son amant spirituel, qu'il n'approchera pas. Un rendez-vous est pris, bientôt, dans un hôtel, à Trouville, mais que serait le plus haut amour s'il s'accomplissait ? Pendant cette attente exaltée, le roman gonfle d'un lyrisme à couper le souffle, entre extases érotiques et extases orchestrales, sur un registre qui épouse le classique et le moderne, concilie Dalida et l'opéra. Jusqu'au suicide frôlé, conçu comme « meurtre de l'autre », dans des pages où Olivier Steiner, vrai petit Rimbaud high-tech, dont c'est le premier et sidérant roman, laisse échapper des accents bouleversants. Un écrivain de 36 ans qui fait sauter les frontières morales, sexuelles et artistiques à l'heure du
phone et du piètre « post-modernisme ». avec un tel culot, c’est trop rare pour ne pas être surligné. Fulgurant !


Olivier Steiner a été élève au Cours Florent de Michel Fau et Stéphane Auvray-Nauroy.

Michel Fau lui a écrit à propos de son roman :
"Aurelia Steiner, je viens de refermer ton roman troublant & effrayant (comme toi). La grande scène du suicide est un vertige. En écrivant ce roman tu es plus vivant que jamais ! Signé Michel Fau Vera Baxter la bourgeoise."
Aurélia, entre autres... long poème, roman de Gérard de Nerval, qui s'est suicidé pendu à un bec de gaz

Vera Baxter vit terrée dans une villa de Thionville-sur-Mer. Elle qui n'a aimé que son mari Jean se confie à une ancienne maîtresse de ce dernier. Elle lui raconte comment il a payé très cher un journaliste pour qu'il devienne son amant, lui qui était si volage. Vera en a beaucoup souffert, songeant...


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