Les routiers mélomanes : écrit par Jean Yanne (extrait)
Bébert : Eh, t'endors pas, Frédo, on a
encore de la route à faire.
Frédo : T'en fais pas, j'ai fait la pause-café.
Je peux tenir le choc, jusqu'à
Montélimar.
Bébert : On verra bien. Tiens, en
attendant, mets "route de nuit", ça nous
fera passer le temps.
Radio : Et, amis routiers, souvenez-vous
que les camions Souchebir sont les seuls
camions équipés de sièges Louis XVl à
pieds galbés, camions Souchebir, un vrai
plaisir! Et maintenant, amis routiers, un
peu de musique. Nous allons écouter le
premier mouvement du quatuor numéro six
en si bémol majeur opus 18 de Ludwig van
Beethoven.
Bébert : la la la..sol la...sol la...la la...
Tu diras, ce que tu veux, Frédo, mais dans
cet allégro de Beethoven, eh bien on sent
encore vachement, l'influence de Mozart!
Frédo : Faut dire que c'est la période
charnière de l'évolution beethovénienne
Bébert : Je suis d'accord avec toi, Frédo,
mais avoue que c'est plus sensible dans
l'allégro que dans l'adadgio, c'est en
filigrane, quoi!
Frédo : Ben par le fait, c'est sa deuxième
manière, à Beethoven.Dans le premier
thème, il fait un large exposé, alors
forcément, dans l'allégro ma non troppo
quand le premier violon et le violoncelle, ils
attaquent à l'unisson, on sent que ça va
s'épanouir en contrepoint
Bébert : c'est vrai ce que tu dis, Frédo!
Frédo : Tu sais comme le disait Delacroix
"dans le Beethoven des quatuors on
respire déjà la mélancolie qui trahit un feu
intérieur"
Il a pas fini de faire du slalom avec son
scooter, celui-là!
Bébert : Ah, les deux roues, faut se les
goinfrer.
Frédo : Ah! c'est pas vrai!
Tiens, écoute le pianissimo, si c'est
enlevé..
Radio : Nous interrompons, ce quatuor,
amis routiers, pour vous rappeler que
Beethoven ne connaissait pas la gamme, la
gamme des camions Souchebir bien
entendu. Et souvenez-vous, camion
Souchebir un vrai plaisir!
Bébert : Y commencent à nous bassiner
avec leur publicité
Frédo : T'as raison, ils ont coupé au
moment de la montée chromatique le plus
beau passage!
Bébert : Ben, je pense bien, c'est le
passage en la bémol mineur! deux
altérations à la clé.
Frédo : Exactement.
Bébert : Enfin, c'est comme ça, c'est
comme ça!
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