Récital emphatique
On le savait très inspiré par
le monde du music-hall. Avec son Récital
emphatique, Michel Fau rend un hommage tendrement moqueur aux grandes divas
lyriques et aux tragédiennes d'un autre âge. L’acteur et metteur en scène y
est, comme souvent, irrésistible.
ENTRETIEN
Michel Fau : « Ce
spectacle, c'est une entreprise de réhabilitation ! »
Rappels : D'où est venu le projet de ce Récital emphatique ?
Au départ, c'était presque
une blague entre potes. On m'a proposé de faire une Carte Blanche aux Bouffes du Nord en décembre dernier: on me
donnait quinze jours pendant lesquels je pouvais jouer ce que je voulais. Comme
la programmation du théâtre est désormais très orientée vers la musique, je me
suis amusé à mettre sur pied ce récital un peu grotesque. Mais je n'imaginais
pas du tout qu'il puisse rencontrer un tel succès auprès du public.
Ce personnage de diva faisait pourtant déjà partie de votre univers...
Il apparaissait déjà dans une
séquence de mon précédent spectacle (L'Impardonnable
revue pathétique et dégradante de Monsieur Fau). Là, je voulais vraiment
faire un hommage aux divas d'opéras et aux tragédiennes. Je voulais qu'il y ait
à la fois du chant, du théâtre et de la danse. Et je voulais des figures de
femmes sulfureuses. Je voulais que ça sente un peu le scandale.
C'est un hommage tout de même un peu cruel...
Moqueur, oui. C'est une
parodie bien sûr. Mais surtout parce ce que, n'étant ni chanteur ni danseur, je
n'avais pas vraiment d'autre moyen de rendre hommage à ces artistes qui me
fascinent.
Il y a donc aussi une part d'autodérision?
Oui, parce que ça parle aussi
de l'absurdité du métier de comédien: pourquoi est-ce qu'on se met dans ces
états? On n'est jamais vraiment très loin d'être un peu pathétique. C'est un concentré
de tous les défauts, de tous les tics, de tous les cauchemars des artistes.
C'est une mise en abyme qui ne doit pas être toujours évidente pour vous ?
Non, mais je prends ce
spectacle de façon très solennelle. Pour moi, c'est un peu comme une cérémonie
que je prends très au sérieux. Certains pensent que c'est une pure blague, mais
non, je vois ça comme une cérémonie où je convoque les fantômes des grandes
artistes disparues.
Au théâtre, comme à l'opéra,
j'ai toujours aimé les choses dont on ne sait pas si c'est de bon goût ou pas
du tout, si on a le droit de les aimer ou non. Souvent, quand j'étais petit,
j'adorais des choses qui étaient tout ce qu'on me disait de ne pas aimer.
C'était un peu honteux, mais aujourd'hui je m'en fous. Je n'ai plus de
complexes à adorer Maria Pâcome ou Sophie Desmarets, De la même façon, je
trouve parfois très belles la déclamation, l'éloquence, l'emphase qui ont
totalement disparu aujourd'hui. Ce spectacle, c'est une entreprise de
réhabilitation!
Tout le spectacle repose sur des danses à contretemps et sur une voix
souvent fausse, pourtant tout, dans ce jeu de massacre, est fait avec une
extrême précision...
Contrairement à ce qu'on
pourrait croire, pour faire le clown, comme ça, en abordant tous les styles,
j'ai dû énormément bosser. J'ai travaillé avec des spécialistes du chant et de
la déclamation baroque pour arriver à comprendre les détails de chaque style.
J'ai abordé ça très sérieusement.
Votre spectacle arrive à réunir dans le rire des publics très différents,
depuis le mélomane pour qui l'art lyrique est sacré jusqu'aux plus béotiens des
spectateurs en la matière. Comment expliquez-vous cela ?
Peut-être le public très
passionné d'opéra reconnaît-il les grandes figures dont je me
suis inspiré et qui sont des
artistes que j'admire vraiment? Il y a peut-être cette dimension de connivence
dans la mise en abyme. Mais, ce que j'ai découvert là,
c'est que ce spectacle peut
aussi amuser un public moins connaisseur. C'est une surprise très agréable.
Il y a aussi des figures un peu plus proches de nous et moins flamboyantes,
comme certaines stars de variétés. Vous avez la même fascination pour elles
?
Non, bien sûr. Mais je
voulais jouer sur le décalage: chanter très sérieusement des choses sans
importance. C'est aussi l'histoire éternelle des chanteuses d'opéra qui veulent
chanter de la variété ou du jazz. En général, c'est assez terrible évidemment,
parce que ce n'est pas leur métier. C'est un peu comme si on demandait à
Francis Cabrel de chanter du Wagner...
Propos recueillis par David
Roux
SYNOPSIS
La diva apparaît drapée dans
une longue robe à volants. Avant d'entamer son récital, elle esquisse quelques
pas de danse avec une légèreté de pachyderme et la grâce bondissante d'une
gazelle obèse. Aucune passion dans son regard, plutôt la lassitude d'une
dépressive sous anxiolytiques puissants : Michel Fau n'a pas encore émis le
moindre son que sa Castafiore d'opérette déclenche déjà les rires. Et le
meilleur est encore à venir, dès les premières mesures de son récital : une
interprétation de Samson etDalila de
Camille Saint-Saëns. Pas une seule note de ce sommet du répertoire lyrique
n'échappe au massacre de la cantatrice fatiguée. Et pourtant, même les plus
mélomanes des spectateurs, ceux pour qui l'art lyrique est une religion sacrée,
ne peuvent résister à l'hilarité.
Beaucoup sont là après avoir
découvert Michel Fau dans sa brève apparition à la cérémonie des Molières 2011
où quelques minutes d'une parodie grotesque de Caria Bruni avaient non
seulement réveillé une assistance ensommeillée mais révélé au grand public un
talent unique et déjanté, On retrouve,
dans son Récital emphatique, ce
mélange flamboyant de dérision et de caricature cruelle. En un peu plus d'une
heure et quart, Michel Fau passe en revue un éventail très large : sa version
du Summertime de Gershwin est tout
aussi irrésistible que ses variations autour du grand monologue de Phèdre. Avec un humour incisif et, mine
de rien, un sens extrêmement précis du rythme, il esquinte toutes les sortes de
divas : grandes cantatrices, tragédiennes emphatiques et chanteuses de jazz,
mais aussi les petites starlettes de variétés. Rien n'échappe à son regard,
mais ce jeu de massacre est, tout entier, imprégné de la tendresse de Michel
Fau pour l'univers du music-hall, ses excès magnifiques et dérisoires.
David Roux
Récital Emphatique
Jusqu'au au 30 juin 2012
du mardi au samedi à 21h matinée le samedi à 18h
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