Odile Quirot sur Bibliobs
"Elle aura servi de fusible: L'éviction de Catherine Hiegel - Madame le Doyen de la Comédie Française et l'une de ses meilleures comédiennes - témoigne d'un malaise profond qui oppose une partie de la troupe à son Administratice, Muriel Mayette.
L’annonce est tombée comme un couperet : Catherine Hiegel, Madame le Doyen de la Comédie Française, Sociétaire de la maison depuis 1976, a été évincée de la Maison de Molière par ses pairs, au terme du fameux comité qui, en toute légalité, décide chaque année du destin des membres de la troupe, et c’est une singularité, cruelle, du statut de la Comédie Française.
Le premier sentiment qui domine est celui de l’injustice : Catherine Hiegel est l’une des plus grandes comédiennes du Français, et on était toujours heureux, et jamais déçu, de savoir qu’elle était de la distribution. Elle vient de signer un des triomphes de la saison en cours, « L’Avare » de Molière, avec dans le rôle d'Harpagon Denis Podalydès, un spectacle qui sera retransmis sur France Télévision pour les fêtes.
Mais visiblement Madame Le Doyen a servi de fusible au malaise profond qui règne dans la Maison entre une partie de la troupe et l’Administratrice de la Comédie Française, Muriel Mayette. Et ce malaise remonte, pour partie, à la fameuse affaire de la MC93 de Bobigny, où sans jamais consulter l’actuel directeur de ce grand théâtre de banlieue (Patrick Sommier), il fut présenté comme un fait acquis, entériné par Muriel Mayette, que la MC93 deviendrait la seconde salle de la Comédie Française.
C’est l’une des explications plausibles, il doit y avoir d’autres, secrètes, car, hormis Catherine Hiegel, qui a accepté de nous parler, c’est silence en ligne depuis mardi place Colette.
« Tu es une grande actrice, un vrai metteur en scène, mais nous ne te souhaitons pas comme Doyen » : voici, raconte Catherine Hiégel, la seule explication qu’elle ait entendue au terme du comité de fin d’année. « Mon éviction a eu lieu à la majorité des voix, cinq pour, une abstention, même si Muriel Mayette a mis dans la balance les deux voix dont elle pouvait disposer pour mon maintien dans la troupe. Ca fait très mal, mais j’ai plié bagage, joué le soir même, et , même si je ne suis plus membre de la troupe à compter du 31 décembre 2009, je finirai la saison ».
Bien que nommée Sociétaire Honoraire, ce qui lui permet de revenir jouer dans la maison, Catherine Hiegel dit avoir décidé de tourner la page de ses années Comédie Française. Et elle tempère élégamment : « Je ne veux pas créer un trouble à l’intérieur du trouble. J’espère que le sacrifice de ma présence ramènera la sérénité dans la troupe qui traverse une crise ». Elle n’en dira pas plus, elle convient simplement avoir eu, c’est vrai, « un moment d’instabilité » au moment de l’affaire de la MC93 de Bobigny, et avoir été partagée, un temps, entre la position de la troupe, et celle de Muriel Mayette, dont elle est une des proches.
Isabelle Gardien, Michel Robin, Pierre Vial ( ces deux comédiens étant âgés de plus de quatre-vingt ans) ont été radiés de la troupe lors du même comité où siègent actuellement six des comédiens donc, soit Claude Mathieu, Véronique Vella, Andrzej Seweryn, Eric Genovèse, Florence Viala et Alexandre Pavloff.
Les choses en sont là, mais ne vont pas y rester, tant l’éviction de Catherine Hiegel témoigne d’un malaise à la Comédie Française, et c’est un euphémisme. Car à notre connaissance, les choix, la politique artistique de Muriel Mayette ne font pas l’unanimité , tant s’en faut, au sein de la troupe.
Pour conclure provisoirement, et c’est pure coïncidence de calendrier, un mot bref sur la récente création de la salle Richelieu : « Les Joyeuses Commères de Windsor » de William Shakespeare dans une mise en scène de l’espagnol Andrés Lima. C’est un médiocre spectacle, n’était la beauté des costumes, des éclairages, la qualité de certains comédiens, dont dans le rôle de Madame Pétule, une Catherine Hiégel épatante de ce comique fin et un peu terrien qui sied aux « Commères » , mais fait totalement défaut à ce spectacle où le rideau se lève sur un foutoir de cabaret ringard malgré lui et se baisse sur une féerie qui n’est enchantée que par la richesse de ses moyens.
On vous parlera lundi prochain (promis, on rattrape notre retard sur ce blog !) du dernier ( et très réussi) spectacle théâtral de l’édition 2009 du Festival d’Automne à Paris : « le Chemin Solitaire » de Schnitzler, par le groupe TG Stan (Bastille, jusqu’au 19 déc) . Et puis du Festival « Reims Scènes d’Europe », d’où nous revenons, et qui se poursuit jusqu’au 19 décembre. Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne de Berlin y signe deux pièces allemandes en écho, dont la teneur et la qualité, est passionnante: « Susn » d’Herbert Achternbusch, une pièce écrite et datée dans les années 70 en Bavière, et « Der Stein »(la Pierre), une pièce d’aujourd’hui, mais sur le passé, lointain ou récent, d’une sorte de « Cerisaie », une demeure et ses habitants , entre 1935 et 1993. Elle est signée de Marius Von Mayenburg, Bernard Sobel vient de la mettre en scène en France. A suivre, donc.
et pour les voir entre les leurs murs de la Comédie Française, étrange sérail, tenu par Muriel Mayette
Isabelle Gardien
La Grande Magie
Théâtre
Auteur : Edouardo de Filippo , Edouardo de Filippo
Metteur en scène : Dan Jemmet
Avec Denis Podalydès , Michel FAVORY , Isabelle GARDIEN , Cécile BRUNE , Alain LENGLET , Coraly ZAHONERO , Jérôme Pouly , Loïc CORBERY , Hervé PIERRE , Claude Mathieu , Judith Chemla
Durée : 1h50min
Dans les jardins d'un hôtel de luxe, le magicien Otto fait disparaître une femme, contre de l'argent, afin qu'elle retrouve son amant pour un quart d'heure. Mais l'absence va durer quatre ans..
Comédie-Française - salle Richelieu Paris
2, rue de Richelieu
75001 Paris
Metro: Palais-Royal.
Tel : 08 25 10 16 80
Site :
du 07/10/2009 au 17/01/2010
samedi: 20h30, 14h00
jeudi, lundi, vendredi: 14h00
mardi, dimanche: 20h30
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et puis l'Avare
L’Avare" de Molière par Catherine Hiegel & avec Denis Podalydès à la Comédie Française
"Au lever du rideau mordoré de la Salle Richelieu, l’unique décor de Goury, dédié à l’intégralité de la mise en scène de L’Avare par Catherine Hiegel, s’impose d’emblée avec une flagrance tautologique : « Eureka, mais c’est bien sûr !... ».
En effet, dans un entretien avec Fabienne Darge paru dans Le Monde daté du 11 septembre 09, la Doyenne de La Comédie Française explique que c’est la découverte d’une photo d’Eugène Atget représentant l’entresol d’un hôtel particulier du XVIIème qui leur a inspiré la création de cette scénographie où prédomine la cage d’un ample escalier de marbre menant aux étages supérieurs et inférieurs, respectivement appartements et caves.
En s’ouvrant face au public sis à l’orchestre et ainsi placé en point de vue de contre-plongée éminemment cinématographique, les majestueuses marches vont convier Denis Podalydès à mener en revue toutes les facettes du vice chronique, plus que jamais à la mode, en incarnant les ravages monomiaques du pouvoir de l’Argent.
A la tête de la troupe du Français, tel un pourfendeur des obstacles matériels et humains qui pourraient l’empêcher de jouir de la possession de son trésor en extension incessante, Harpagon gambade de long en large sur les marches de la prospérité, tel un jeune homme déniant le nombre des années, car l’avarice, de toutes évidences, n’a pas d’âge.
Tout grisé par les fruits de ses prêts abusifs et de l’usure escomptée, l’ignominieux vieillard est néanmoins obsédé par une cassette de dix mille écus d’or qu’il ne parviendra jamais à sécuriser.
Ce sont donc ses propres enfants et sa domesticité qui feront les frais de son inquiétude grandissante au point de les contraindre à une autodéfense dans la tromperie et le chantage.
A juste titre, Catherine Hiegel juge cette pièce de Molière tout à la fois, amorale et immorale et c’est, précisément, ce qui prévaut dans la force contemporaine de sa création laissant une impression métaphorique de danse hystérique sur les pentes d’un volcan en éveil alors que se déverserait, insidieusement, la lave calamiteuse."
Dessin © Cat.S - Theothea.com
L’AVARE - **** Theothea.com - de Molière - mise en scène : Catherine Hiegel - avec Dominique Constanza, Christian Blanc, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Pierre Louis-Calixte, Serge Bagdassarian, Marie-Sophie Ferdane, Benjamin Jungers, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Camille Blouet, Christophe Dumas, Florent Gouëlou & Renaud Triffault - Comédie Française
et puis mes 2 grands frères grands pairs du Théâtre Pierre Vial et Michel Robin
cet article est en chantier, car figurez-vous je fais partie de ces femmes qui aiment à s'occuper en majeure partie de la maison l'antre le refuge avec odeurs et couleurs, cuisine et ménage...
On réapprend à 2 on partage on délègue... comme ils aiment à dire dans les organisations d'entreprises.... sans forcément se séparer.
Je rêve... Non, je réclame, je reste sentinelle ici et là, avec douceur, lenteur et patience et aussi quelques coups de gueule.
Bravo et chapeau bas pour l'élégance Madame Hiègel.
1 commentaire:
Oui Madame Nathalie,
Je cherchais ces quelques mots sur ces autres comédiens du Français, remerciés, comme Mle Hiegel.
Et notamment l'éloge de Mlle Gardien Isabelle. Une comédienne trop peu, trop mal utilisée...
Une comédienne présente, dont le sérieux, la rigueur, la modestie, la discrétion n'ont pas été reconnus.
Pierre Vial, Michel Robin dont les carrières, quant à eux, n'ont plus à faire leurs preuves... Chapeau bas Messieurs...
Et vous, Mle Hiegel, je vous salue avec respect aussi.
Laure
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