J'ai retrouvé les textes, les intentions, les respirations à la lecture de tous les rôles ; me reviennent les expressions des visages de mes camarades de scène et les images défilent dans ma tête je ris toute seule.... Je jouais le rôle d'Olivia et j'ai écrit le dernier texte, celui du chapeau.
Je crois que j'éprouve une certaine nostalgie de cette époque où je m'imaginais avoir frôlé le succès. Et puis manger, le thème fera toujours recette, cela aurait qui sait pu être le Knock de Jules Romains, de la Cie P. Person, Knock que remontait Jouvet (émission à podcaster l'histoire de Renoir Auguste enfant- et un livre à acheter Témoignages sur le théâtre de Jouvet) quand les caisses étaient vides, aux périodes de vaches maigres.
à chaque fois que j'entends un nouveau slogan, ou une nouvelle info et depuis cette période ça abonde, encore plus, sur le Bien Manger, un livre : Régime Duncan ou "manger bouger", 20 mn de jogging par jour, minimum, je me positionne en journaliste glaneuse, j'ai envie de noter prendre des idées pour remettre notre Manger au goût du jour.
http://nathpasse.blogspot.fr/2009/11/bashung-gainsbourg-et-gallotta-nathalie.html#!/2009/11/bashung-gainsbourg-et-gallotta-nathalie.html
MANGER a été écrit à plusieurs mains... Élisabeth GENTET-RAVASCO à la base et d'autres textes (Duras, Sartre, anonymes...) et des improvisations des comédiens retranscrites pour la création des différentes moutures et mises en scène par Philippe Person assisté de Sophie Balazard
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Extraits
Tous les personnages sont à table, et comme tous les convives d'un grand banquet,
ils discutent avec leurs vis à vis (le public),
Sont présents (première table) Arielle, Étienne, (deuxième table) Olivia, (troisième
table) Nadège, La femme, L'homme.
L'HOMME:
Ginseng, pas gingembre. Ginseng !
ÉTIENNE :
Moi, moi, j'aime ce qui est gras, mais très gras hein, une côte de bœuf bien grasse ou alors un pot au feu très gras, avec les yeux et tout, ou alors un croissant aux amandes.
NADÈGE:
One apple a day, keeps the doctor away.
LA FEMME:
Les chiens et les chats, ils mangent comme nous, sauf qu'ils ne boivent pas d'alcool.
ÉTIENNE :
Dans le cochon tout est bon.
NADÈGE:
On ne trouve plus les petites violettes de nos grands-mères, les petites violettes en sucre, plus du tout.
L'HOMME:
Non mais c'est pas vrai, les avocats tu les manges le soir et tu te réveille plus tôt le matin.
OLIVIA:
Qu'est-ce qu'on peut entendre comme conneries ! Un bon confit de canard, avec la peau bien grillée, des petites pommes de terre sarladaises, avec de l'ail et du persil et une salade verte.
LA FEMME :
Bah ! les pieds paquets c'est une horreur.
ARIELLE :
Un repas sans dessert, c'est comme un enfant sans mère.
NADÈGE:
Si un jour vous avez l'occasion de manger du piranha confit, n'hésitez pas.
OLIVIA:
Le vin c'est aussi un médicament.
L'HOMME :
Le ketchup c'est pas américain, c'est hollandais.
LA FEMME:
Nice c'est la seule ville qui n'a pas voulu des restos du cœur... Ils ont des restos pour chiens.
ÉTIENNE :
Précisément, précisément, j'ai connu un type qui se masturbait exclusivement avec des côtelettes.
OLIVIA :
Dis-moi qui tu manges Je te dirais qui tu es.
ÉTIENNE :
Non, je vous raconte n'importe quoi. Je suis désolé, j'avais oublié le problème des os, c'était avec des escalopes, des escalopes.
NADÈGE:
J’ai arrêté les artichauts, à cause des poils.
ARIELLE:
Exactement, les moules je suis vaccinée
OLIVIA:
Le tourin c'est de l'ail avec de la mie de pain et du blanc d'œuf ! C'est un mystère tellement que c'est bon.
ÉTIENNE :
(écroulé de rire) Alors le mec il arrive fou de rage.... "Comment ! Comment ! Comment !" et
l'autre lui répond: "A la coque".
LA FEMME:
La couleur des aliments, c'est très important. Mol je connais un enfant qui ne mange que des aliments blancs : de la purée, du lait. de la Chantilly de la...
NADÈGE:
Non, non, non. on n'a pas le droit de manger plus de sept œufs par semaine.
ARIELLE:
Oui mais alors pas de myrtilles hein ! parce que les renards viennent pisser sur les myrtilles et on attrape des maladies
ÉTIENNE :
(toujours écroulé de rire) A la coque !
L'HOMME:
Une maison sans fruit est une maison sans vie.
NADÈGE:
Eh oui, fruits de mer, santé de fer
ARIELLE :
Le dessert en fin de repas? C'est une réminiscence de la tétée. Oui oui, en fin de tétée il y a du sucre dans le lait de la mère.(phrase qui n'a pas été gardée dans aucune des versions, j'ai demandé confirmation à Philippe Person)
OLIVIA :
(s'énervant) On ne trouve plus de bon pain.
Tous les personnages murmurent et discutent avec leurs "vis à vis" On perçoit quelques bribes.
ÉTIENNE :
Le gigot de sept heures cuit sept heures, c'est évident...
NADÈGE :
Le cassi(s) ou cassis...
L'HOMME :
Non, mais ça, c'est de la tomate belge.
ARIELLE :
À ce prix là, c'est du surgelé.
OLIVIA :
À l'ancienne.
LA FEMME :
La viande, c'est sexuel.
ÉTIENNE :
Bah, en cocotte.
NADÈGE :
Une bonne soupe aux encornets, une soupe aux yeux.
ARIELLE :
Sushi avec riz, sashimi sans riz, ou le contraire.
OLIVIA :
Sous emballage, ça fermente, c'est une horreur.
L'HOMME :
Aujourd'hui, ça n'a plus de goût.
LA FEMME :
Sans sel !
Olivia se met à rire, puis tous tournent la tête "un serveur" vient d'arriver avec "la suite"
TOUS :
Ahhhhh !!!!
OLIVIA:
Elle sort sa balance, et la pose devant elle
(à la balance) T’es belle.
(elle prend du pain) Cette semaine, j'ai le droit à 40 grammes de pain par jour.
Elle pèse, ôte un tout petit bout de pain qu'elle met devant la balance, puis coupe en deux le pain qu'elle a pesé.
Elle pose les deux morceaux devant elle.
Ça c'est pour le midi ; ça c’est pour le soir (elle intervertit les deux morceaux) Oh non celui-là pour le soir, pour le midi je préfère le croûton. Déjà quand j’étais petite, ma mère elle me le donnait, le croûton
Elle compte avec ses doigts sur la table, puis mécaniquement prend une miette de pain tout en comptant, puis une autre, puis un bout de pain, sans se rendre compte qu'elle le mange
Alors. 260 calories - Mmmmm ! ça fait 1200 par jour, il m'en reste combien ? 1096. Ouais, ça fait pas beaucoup. Pour ce midi, une tranche de rôti et puis une salade de tomates. Oh j'en ai marre des salades de tomates. Après du fromage blanc à 0%. Et ce soir ah non pas encore les concombres !...(elle s'aperçoit qu'en même temps qu'elle réfléchissait, elle a mangé des miettes du pain qu'elle triturait) (temps de culpabilisation puis elle se récupère). Tant pis je le mange en apéritif ! Ça se digère mieux, na. Il est bon. Il est bien grillé, (elle se rend compte qu'il n'y a plus beaucoup de pain) Je mange tout là. voilà ! (elle met tout ce qui reste dans sa bouche et mange avec un plaisir certain) (la bouche pleine) II faut mastiquer le pain. C'est un sucre lent. (elle mange) C'est bon. C'est ça qui est important, mastiquer le pain.
Une fois qu'elle a la bouche vide, elle se rend compte qu'une fois encore elle n'a pas tenu son régime
J'ai tout mangé. Je suis nulle.
Elle range sa balance et découvre le petit bout qui avait été mis de côté. Elle le regarde et l'avale.
La femme se lève "en dérangeant" son mari. II hésite à la suivre puis se rassied.
Étienne vient s'installer à la table d'Olivia, devant l'assiette qu'elle lui avait préparée.
Elle le regarde manger en salivant
(...)
p 1 à 4
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LA FEMME:
Qui c'est qui va manger sa bonne purée. Hum c'est bon
ça la purée. Tu sais y-a des bonnes vitamines dans la purée. Et puis j'ai mis
du bon lait de la vache qui donne plein de force au bébé. (elle reçoit un peu de purée) Ça oui de la force, (elle rit un peu sadiquement) Tu voulais
tout mettre par terre hein, mais Maman a fait une purée bien épaisse qui ne
peut pas tomber de l'assiette. Elle n'est pas bête Maman, (elle change d'attitude) Allez mon bébé encore une bouchée pour
Papa, et puis une pour Grand Mère. Et puis une pour Grand Père. Si, si une
dernière pour Mamie-lunette. Tu sais quoi mon petit ange, les cuillères pour
Maman ça sera le bon dessert. Que tu associes toujours ta Maman aux bons
desserts, (elle change d'attitude) Mais
enfin pourquoi tu ne manges pas. La nourriture de Maman n'est pas bonne, c'est
ça, hein ! Des heures de cuisine et voilà ce que tu en fais. Pourquoi m'en
veux-tu à ce point ? (elle change
d'attitude) Comment vas-tu grandir et devenir intelligent si tu ne manges
pas, y'a des protéines dans ce foie d'agneau. Tu ne te rends donc pas compte. (Elle change d'attitude) Je vais le dire
à Papa et il fera les gros yeux. (Elle
change d'attitude, très maman branché psy) Après tout tu es responsable de
ton corps de ce qui y entre et de ce qui en sort. C'est toi qui sais. Je ne
rentrerai pas en conflit avec toi sur ce sujet, (elle change d'attitude) Allez mange mon petit amour et tu verras
comme tout le monde sera fier de toi. On va tous applaudir Papa, grand frère,
Maman et même on téléphonera à Grand Mère et personne ne pourra dire que Maman
n'est pas une bonne mère. (Elle fait le
clown) Qui c'est qui veut ploum pompon, qui c'est qui veut la cuillère de
miam miam. Ploum pompon, attention l'avion va entrer dans la bouche. Tut tut,
je voudrais rentrer dans la bouche de monsieur Bébé, ploum pompon, c'est du bon
manger qu'a fabriqué pour toi ta maman. Si tu manges bien je t'achèterai un
jouet qui fait plein de musique. Et puis des bonbons, (elle change d'attitude) -elle donne la cuillère mais en regardant la
télé ou en téléphonant à une copine, sans vraiment regarder son bébé- (on
entend la télé) (elle change d'attitude) Ne mange pas si vite, mon bébé. T'as
vu tout ce que tu as déjà ingurgité, c'est pas possible tu vas devenir obèse,
c'est à mol que tu en voudras quand tu seras grand, (elle change d'attitude) (Elle essaie de forcer la bouche du bébé)
Tu vas l'ouvrir oui ta bouche, il faut que tu manges, je t'assure, il le faut. (Elle change
d'attitude) Tu veux que je fasse cuire autre chose ? (Elle s'énerve) Mais si je vais te faire cuire autre chose, tu ne
crois quand même pas que Je vais te mettre au lit le ventre vide. Non, ne crie
pas. Ne crie pas. Maman pleure à cause de toi. (Elle s'assoit en pleurant)
p 18
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OLIVIA :
Pour un petit régime ponctuel, par exemple une fête la
semaine prochaine, il n'y a qu'une seule solution : l'ananas. Ananas le matin, ananas le midi, ananas le soir et comme ça 4 - 5 kilos pfutt... envolés.
ÉTIENNE :
(A toute vitesse) C'est pourtant pas compliqué, vous calculez votre RCQ, Ration Calorique Quotidienne. Donc RCQ ça fait T moins 50. Ou 30 si on
est un homme, multiplié par 225 moins A, sur le coefficient d'activité
bien sûr. Alors "T" c'est la taille, moins 50 c'est 50, 225 c'est...
225, moins A... "A" comme l’âge, "sur le coefficient d'activité" c'est
entre 10 et 16 selon l’activité.
Alors ça fait...
OLIVIA :
(qui a calculé à toute vitesse] 1359.
LES AUTRES :
Ohhhhh!
(...)
NADÈGE:
Tous les soirs un comprimé de ver
solitaire et on n'en parle plus.
OLIVIA :
L'œuf dur
c'est très très calorique. Mais comme c'est très très difficile à digérer, vous pouvez en manger autant que vous voulez, ça compte zéro.
ARIELLE :
La grande cuisine, c'est toujours léger.
OLIVIA :
(amoureuse} Welghwatchers c'est une amicale. On se pèse ensemble, on
pèse les aliments
ensemble, on se voit deux à trois fois par semaine, c'est bien !
NADÈGE:
Y a aussi l'épilation définitive. Mais ça n'a rien à voir.
OLIVIA :
Alors ils ont trouvé (maintenant) un moyen de maigrir en dormant.
Il faut prendre des comprimés, juste avant de se coucher, il faut se mettre tout
nu dans son lit parce qu'à ce moment là, la graisse ne se défend pas, elle n'est pas comprimée par les
petits élastiques des vêtements... non, mais tu sais !
ÉTIENNE :
C'est pas compliqué, il n'y a qu'une solution : le Jeûne de vingt et un jours. Le Jeûne, pas le jeune!
NADÈGE;
Et les biscottes, ça fait circuler le sang, les
biscottes.
OLIVIA :
(ignorant les autres) Alors je me suis réveillée... et j'ai continué le rêve, les yeux grands ouverts...
C'est idiot de dire les yeux grands ouverts, quand on
se ferme au monde mais je me suis rappelée, je me suis rappelée comment les
autres l’avaient regardé, les yeux exorbités -encore les yeux... le regard...
le jugement- les yeux exorbités devant le spectacle de cet homme amaigri, fatigué, humilié. Et moi je
pensais que j'aurai voulu être à sa place… Otage, c'est ce qu'il y a de mieux pour faire un régime, non ?
Mon impossibilité à tenir mes engagements ne nuirait plus à personne. Ils m'obligeraient.
Ils me donneraient du pain de l'eau et je maigrirai... comme ça sans volonté. C'est horrible, je ne
pense plus qu'à ça. Je ne fais plus que ça. C'est une obsession. Quand je passe
devant un kiosque à journaux, à tous les coups il y a un magasine
qui parle de régime. Je sais que c'est de la merde, mais je l'achète.
J'ai écrit à tous ces trucs ridicules qui disent qu'on peut maigrir sans faire d'effort. Je les ai tous fait. Ma mère déjà disait, tu m’as tout fait. Mais à part faire le yoyo sur ma balance, je
n’arrive à rien.
À quoi ça sert ? Moi, qu'aime tant manger.
La femme et l'homme arrivent d'un
pas décidé, dès qu'ils les voient, les autres se mettent en rang, la femme
s'installe à une table. L'homme est à ses côtés, debout, comme à la tribune.
L'HOMME
(d'après les Mots de Jean-Paul Sartre)
Pour une fois. tu as raison, mon grand camarade : l'appétit je ne sais pas
ce que c'est. Si tu avais vu les phosphatines de mon enfance, j'en laissais la
moitié : quel gaspillage ! Alors on m'ouvrait la bouche, on me disait: une
cuillerée pour papa, une cuillerée pour maman, une cuillerée pour la tante Anna. Et
on m'enfonçait la cuiller jusqu'au fond de la gorge. Et je grandissais,
flgure-tol. Mais Je ne grossissais pas. C'est le moment où on m'a fait boire du
sang frais aux abattoirs, parce que j'étais pâlot ; du coup je n'ai plus touché
à la viande. Mon père disait chaque soir : "Cet enfant n'a pas
faim..." Chaque soir tu vols ça d'ici: "Mange, Hugo. mange. Tu vas te
rendre malade." On m'a fait prendre de l’huile de foie de morue, ça c'est
le comble du luxe : une drogue pour te donner faim pendant que les autres, dans
la rue, se seraient vendus pour un bifteck, je les voyais passer de ma fenêtre
avec leur pancarte : "Donnez-nous du pain." Et j'allais m'asseoir à
table. Mange. Hugo. mange. Une cuillerée pour le gardien qui est en chômage,
une cuillerée pour la vieille qui ramasse les épluchures dans la poubelle, une
cuillerée pour la famille du charpentier qui s'est cassé la jambe. J'ai quitté
la maison. Je suis entré au Parti et c'était pour entendre la même chanson:
"Tu n'as jamais eu faim, Hugo, de quoi que tu te mêles ? Qu'est-ce que tu
peux comprendre ? Tu n'as jamais eu faim." Eh bien, non, je n'ai jamais eu
faim. Jamais ! Jamais ! Jamais ! Tu pourras peut-être me dire, toi, ce qu'il
faut que je fasse pour que vous cessiez tous de me le reprocher.
Tout te monde applaudit, l'homme et la femme
sortent. Les autres suivent, sauf
Olivia.
Arielle va s'installer la tête dans
son réfrigérateur Olivia tourne autour
des tables, comme quelqu'un qui
prépare un grand repas chez elle.
OLIVIA :
(elle coupe un canard avec un sécateur) J'appelle quelqu'un ou Je sers moi même ? Quand je sers au moins je peux
me lever, me dégourdir la tête. J'ai rien à leur dire. Je n'ai rien à vous dire.
De toute façon vous n'avez pas envie de m'entendre ! Je suis juste la femme. Oh
le morceau ! (elle s'énerve sur un morceau dur à découper) (elle rit)
Combien je te parie qu'arrivé au dessert, il y en a une qui va faire son cinéma,
"oh non, c'était tellement, tellement côpieux. Il faut que je surveille
ma..." et puis là elle va s'arrêter d'un coup. Considérer mon tour de
taille et sera très gênée d'avoir osé parler de ses deux kilos de trop en face
de moi. Je la mettrai à l'aise en riant "Et c'est à moi que vous dites
çâ" (temps) Ou alors je ne dirai
rien et tout le monde sera très gêné. Moi genre bouleversé, J'ai pas mon
pareil. J'iral chercher les coupes de Champagne comme pour cacher mes larmes,
instant dramatique ! Mais la pétasse du jour trouvera un truc nul à sortir pour
changer la conversation et on m'oubliera. (elle
"achève" le canard en coupant la carcasse par le milieu) Ouh
Pétasse ! Charpie ! Harpie ! Viande morte ! (elle
finit, presque en pleurs en découpant de plus en plus violemment te canard) Je suis sûre que je méritais
mieux.
Olivia étonnée de son accès de
colère, s'assoit en essayant de se reprendre.
Nadège arrive sur scène, elle "répète" un extrait du livre de
Sainte Thérèse sur la joie
qu'elle a connu en pratiquant le Jeûne de Pâques. Elle n'arrive pas à jouer
l'extralt
Elle lâche son livre.
NADEGE :
Quand j'étals petite. Je croyais que les bonnes sœurs étaient des saintes.
Je croyais que ma mère était la plus belle femme du monde et mon père le plus
intelligent. Je croyais qu'il suffisait d'être bon pour donner le bonheur, qu'il
suffisait de tendre la main pour ouvrir le chemin. Je croyais que les gens qui
avaient du talent, n'avaient que du talent. Je croyais que les pauvres
n'existaient que pour qu'on puisse les aider. Je croyais que le malheur était
un poème et que la souffrance était lyrique. C'est idiot non, quand j'étais
petite, je croyais que les bonnes sœurs étaient des saintes. Quand j'étais
petite, mon Papa me disait toujours je vais te manger, te manger et ça me
faisait rire. Je me sauvais en riant, j'allais me réfugier dans les jupes de ma
mère qui faisait semblant d'avoir peur, elle-aussi, du méchant loup et mon père
arrivait,
il me tirait par la taille, me faisait voler et faisait semblant de me dévorer
toute crue. Et je riais, je riais.(soudain
sérieuse) Il aurait mieux fait de me manger.
p 19 à 22**************************************************************************************************
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ÉTIENNE :
Bouffe-cul, pense y Bouffe-cul
!
Etienne sort d'un côté, Arielle de l'autre.
Une musique très boite de nuit envahit /'espace. Olivia et Nadège dansent sur leurs chaises.
La musique devient plus "musique de foire" Un bonimenteur vêtu d'une
immense cape fait son apparition.
L'HOMME:
Allez, allez jeunesse. Ça va
commencer Roulez jeunesse.
Une femme le suit, elle va exécuter un striptease
(très très moyen et très soft, ambiance kermesse minable), sans aucun plaisir,
désabusée, elle fait son boulot, un point c'est tout. Durant tout le
striptease, le bonimenteur commente à sa façon l'effeuillage des vêtements.
Nadège qui n'aime pas du tout cette ambiance sort
pendant le "numéro" Olivia regarde fascinée.
L’HOMME : (texte médical)
De deux à huit minutes après
l'arrêt du cœur, le tissu nerveux, et en particulier l'encéphale dégénère
rapidement. Les muscles se relâchent ainsi que les sphincters, provoquant l'excrétion
spontanée de l'urine et des matières fécales. Le corps encore tiède et mou
d'une pâleur cireuse. Au bout de cinq à six heures après la mort, apparaissent
des taches rouges, sombres ou violacées.
Puis c'est la fin de la rigidité cadavérique. Le corps commence à se putréfier
et à sentir mauvais. Plus tard, le corps se déshydrate, la peau se dessèche
et devient semblable à du parchemin qui serait tendu sur les os. Les cheveux,
les poils, les ongles, qui ont continué à pousser quelque temps, finissent par
tomber. Persistent juste des touffes de poils parsemées. A l'intérieur du corps,
certains organes conservent encore leur forme anatomique avant que de se
réduire en une bouillie qui remplit, provisoirement, le crâne, le thorax, l'abdomen.
Le foie disparaît vers la troisième semaine, le cœur et l'utérus entre le
cinquième et le sixième mois. Les graisses se rassemblent en stalactites qui
pendent longs et mous, sur les bords du cercueil. Au bout d'un an environ, le
cadavre n'est plus qu'un squelette décharné auquel tiennent encore, ça et là,
quelques bribes de ligaments, de tendons, de restes de gros vaisseaux. La
désunion des os demande elle, de quatre à cinq ans.
La femme a fini son strip-tease, elle récupère sa jupe
et son chemisier et sort sans saluer, suivie du bonimenteur.
Olivia sort à leur suite.
Étienne entre sur scène, il s'assoit à une table,
seul son verre à ta main, tel un "philosophe de fin de soirée"
ÉTIENNE : (d’après Brillat-Savarin -1825)
Les femmes sont gourmandes.
Le penchant du beau sexe pour la gourmandise a quelque chose qui tient de l'instinct,
car la gourmandise est favorable à la beauté. Une suite d'observations exactes
et rigoureuses a démontré qu'un régime succulent, délicat et soigné, repousse
longtemps et bien loin les apparences extérieures de la vieillesse. Les peintres
et les sculpteurs sont bien pénétrés de cette vérité, car jamais ils ne représentent
ceux qui font abstinence sans leur donner la pâleur de la maladie, la maigreur
de la misère et les rides de la décrépitude. Enfin, la gourmandise, quand elle est
partagée, a l'influence la plus marquée sur le bonheur qu'on peut trouver dans l'union
conjugale. Deux époux gourmands ont au moins une fois par jour, une occasion de
se réunir : car, même ceux qui font lit à part (et il y en a un grand nombre) mangent
au moins à la même table. Ils ont un sujet de conversation toujours renaissant,
ils parlent non seulement de ce qu'ils mangent, mais encore de ce qu'ils ont mangé,
de ce qu'ils mangeront, de ce qu'ils ont observé chez les autres, des plats à
la mode, des inventions nouvelles, etc... Et on sait que les causeries
familières, « chit chat » en anglais, sont pleines de charmes.
Olivia entre sur scène, elle se précipite vers Étienne, ils se retrouvent, comme un "vieux" couple en fin de soirée,
un slow et ils se mettent à danser mais sans grande conviction. Arielle arrive
et danse, elle aussi, seule devant son réfrigérateur L'homme et la femme arrivent
enlacés, ils dansent eux aussi sur le slow. Nadège, qui est revenue, les
regarde, elle reste appuyée contre un mur.
LA FEMME : (d’après Marguerite Duras) (ce texte est magnifique, il m'a tous les jours bouleversée, j'adorais l'entendre sur scène par ma camarade)
(dansant)
On croit savoir la faire, elle paraît si simple, et trop souvent on la néglige, il faut qu'elle cuise entre quinze et vingt minutes et non pas deux heures -
toutes les femmes françaises font trop cuire les légumes et les soupes. Il vaut
mieux mettre les poireaux lorsque les pommes de terre bouillent : la soupe
restera verte et beaucoup plus parfumée. Deux poireaux moyens suffisent pour un
kilo de pomme de terre. On la sert soit sans rien, soit avec du beurre frais ou
de la crème fraîche. On peut aussi y ajouter des croûtons au moment de servir :
on l’appellera alors d'un autre nom, on inventera lequel : de cette façon les
enfants la mangeront plus volontiers que si on l'affuble du nom de soupe aux
poireaux pommes de terre. Il faut du temps, des années, pour retrouver la
saveur de cette soupe, imposée aux enfants sous divers prétextes (la soupe fait
grandir, rend gentil, etc.). Rien, dans la cuisine française, ne rejoint la
simplicité, la nécessité de la soupe aux poireaux. Elle a dû être inventée dans
une contrée occidentale un soir d'hiver, par une femme encore jeune de la bourgeoisie
locale qui, ce soir-là, tenait les sauces grasses en horreur - et plus encore
sans doute - mais le savait-elle ? Le corps avale cette soupe à grandes
lampées, s'en nettoie, s'en dépure, verdure première, les muscles s'en
abreuvent. Dans les maisons, son odeur se répand très vite, très fort, vulgaire
comme le manger pauvre, le travail des femmes, le coucher des bêtes, le vomi
des nouveau-nés. On peut ne vouloir rien faire et puis, faire ça, oui, cette
soupe là : entre ces deux vouloir, une marge très étroite, toujours la même :
suicide.
A la fin du slow, seul le couple de "la soupe aux poireaux" continue
de danser (sans musique), Etienne et sa femme s'assoient mais loin l'un de
l'autre. Arielle est assise par terre devant son réfrigérateur, Nadège est toujours
appuyée contre le mur.
NADÈGE :
Elle tape à petit coups contre le mur comme du morse,
elle colle son oreille contre le mur,
écoute, recommence à taper Tes là? Je
ne t'entends pas ! Rapproche-toi. n'aies pas peur Si tu colles bien ton
oreille, ça marche, (elle retape quelques
petits coups) Je reviens de la pesée et ils ont dit que j'avais grossi. Je
suis presque au poids qu'ils veulent, (temps) J'ai trouvé un truc, tu ne vas
pas aux toilettes le plus longtemps possible avant la pesée. T'auras qu'à
essayer demain, (elle colle son oreille
contre le mur] C'est toi qui a tapé, là ? Ça fait combien de temps que tu
es là ? Fais gaffe tu sais, je les ai entendu dans le couloir ils parlaient à
tes parents, ils parlaient de perfusion et de sonde. Ta mère pleurait, elle
disait que tu vas mourir temps )Fais
comme moi, mange un peu pour leur faire plaisir et après dehors, tu feras ce
que tu veux. Pourquoi tu réponds pas ? (temps) Hier j'ai vu le psy je lui ai
dit que c'était un con, ça lui a plu, t'auras qu'à lui dire la même chose,
peut-être qu'on pourra se voir Est-ce que tu as refait le même rêve que l'autre
nuit. tu sais quand tu étais descendu au cœur de la terre et qu'il y avait
toutes ces femmes et ces enfants qui pleuraient ? Pourquol tu réponds pas ?
C'est à cause des infirmières, elles font dit que j'étais méchante ? Elles
disent ça de nous toutes, (elle colle son
oreille contre le mur) Deux
coups, deux petits coups contre le mur c'est pourtant pas si dur Pourquoi tu ne
réponds pas ? (elle se précipite vers la
porte de sa chambre et hurle) Pourquoi elle ne répond pas, laissez-moi sortir
je veux savoir pourquoi elle ne répond pas. Apportez-moi tout ce que vous
voulez, je le mangerai. Je prendrais tout ce que vous voudrez, même des pilules
qui font grossir si vous le voulez. Mais laissez-moi sortir Je vous en prie
laissez-moi sortir d'icl.
ARIELLE:
lIs appellent régulièrement,
ils ont peur on dirait. Peur de quoi ? De moi ou d'eux même (comme si elle était au boulot). Eh ! Vous
avez vu le slogan! Génial non Y'a plus qu'à maquetter la vidéo pour starter
tout ça et roule Raoul. Ils vont s'inquiéter c'est sûr, je vais les appeler tout
à l'heure, je dirai je pars en vacances, je vous rappelle quand je reviens, je
ne leur laisserai pas le temps de protester, je raccrocherai et je mangerai...
Comment ça voler ?! Vous avez de ces mots ! Votre quoi ? Vidéo ! Vous osez appeler
ça une vidéo ! Regardez-moi ces images ! Ignobles ! Appelez-mol le chef Op du
magasin ! (elle crie) Je veux voir le
responsable du magasin ! Immédiatement ! Vous pensez à quelle couleur ?
Précisez la couleur ! Et là vous pensez à quoi, un souvenir vite, un mot, une
idée, vite. Qu'ils en bouffent tous. Qu'ils en rêvent tous. Mais où est passé
le budget Bertholdi ! Voyons, dans le frigo ou dans le bac à sable du square ?
Un budget pareil, (elle jette tout ce qu'il
y a dans son frigo (bouffe et emballages) pour chercher le budget, s'écroule
par terre, allongée sur les détritus) Laissez-moi encore deux ou trois
jours, après on verra. Mais je vous préviens, il faudra tout faire. [Le premier
qui retrouve le budget Bertholdi je lui offre un carambar Non deux. Non trois.
Non un paquet, un paquet entier Non un mais un gros. Je vous préviens, il
faudra tout faire.] (ce dernier passage
du Carambar ne fut pas gardé, je n’ai pas eu besoin de demander confirmation à
Philippe Person)
OLIVIA:Elle se pèse, note sur une calculette son poids, regarde les boites de médicaments, lit la notice explicative, reprend sa calculette
Alors 80 que divise 250 mg ça fait ? (elle regarde sur sa calculette)
(Elle sort les cachets un par un et les pèse tandis qu'elle parle). C'était au tout début de notre rencontre, peut-être la deux ou troisième fois que je le voyais. J'avais tout préparé, tout étudié, la jupe, le manteau, la coiffure et même le chapeau. Un superbe borsalino noir avec la raie au milieu, (elle rit). Je ne peux pas penser à cette histoire sans éclater de rire, (elle se reprend). On avait rendez-vous au Pont Neuf. Tout allait bien. Je ne m'étais pas trompée de côté du pont et il m'avait reconnue. J'ai toujours eu peur qu'on ne me reconnaisse pas. On est parti. Mais tout d'un coup il s'est mis à pleuvoir mais pleuvoir comme pas possible. Les autres s'abritaient sous les porches ou les abris bus, lui continuait, alors moi je le suivais. C'est ça, je le suivais côte à côte. J'étais gelée, transie, dégoulinante mais qu'est-ce que j'étais heureuse ! Un moment quand même, il m'a proposé d'aller prendre un café. J'ai accepté (elle rit au souvenir de ce qui va suivre) On est allé au comptoir, dans la glace je me suis vue. J'avais sauvegardé le maquillage grâce au chapeau. J'étais contente d'avoir mis ce chapeau, il m'a regardé en souriant. J'ai commandé un café. Je crois qu'il était en train de m’expliquer des trucs sur les parapluies, quand, (elle éclate à nouveau de rire) en me baissant pour boire, plouf, une douche qui dégringole sur le comptoir dans mon café et dans sa bière, (elle rit) Je regarde à nouveau le comptoir et, plouf, encore une douche, (elle éclate de rire) C'était mon chapeau. La raie au milieu, qui avait fait réservoir ! Et à chaque fois que je baissais la tête, plouf ! le comptoir, sa bière et mon café arrosés, (elle rit) (temps) S'il avait osé rire ce jour là, plutôt que de me regarder gêné...(elle recommence à rire) Je baisse la tête et plouf ! partout sur le comptoir (elle avale tous les cachets).
FIN
p 25 à 27
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