samedi 24 novembre 2012

Némésis Philip ROTH


Le Monde  : Némésis, "malheur et châtiment", Philip Roth, nous donne à percevoir les aléas de ceux qui cherchent (comme moi) des explications à tout, il fait le portrait des victimes non pas du devoir, mais des victimes du pourquoi ? On ressent par son personnage, Mr Kantor qui est un "martyr du pourquoi" donc, le vertige dans lequel  sa vie s'engouffre à chercher des réponses, en cas de drame, de tragédie, de catastrophe qui précipite, dans ce récit, en premier les enfants dont il est le gardien, l'animateur de leur terrain de jeu. Et nous lecteurs sommes sur le fil entre voyeurisme, compassion, identification, alors que l'on sent qu'il faudrait se tenir à l'écart : rester œil extérieur, mais le peut-on, est-ce humain... nous sommes faits de ce bois : l'empathie.
Parce que nous tous, qui formons un pays comme l'Amérique, nous sommes sous influence de notre milieu, d'admirations et bon an mal an, nous avons adhéré à une certaine "philosophie" qui avec l'âge, lors des évènements dramatiques éprouvés, perd tout fondement, évènements comme les guerres les catastrophes les épidémies. Mais alors pourquoi nos anciens quelquefois regrettent cette période où aucun humain n'a plus sa place, sa liberté, sa civilisation, sa dignité ? Mais c'est encore du domaine du pourquoi ? et si on changeait de question... comment se fait-il : mais c'est un dérivé du pourquoi ? alors établir des listes, des aménagements... vous savez-quoi, dans un premier temps vous ne lâchez plus le roman de ce Monsieur Philip, car là au moins c'est sûr; il y aura une fin. Mais c'est ambivalent car vous restez en suspends. Je n'ai pas envie que ce soit fini, alors je m'en tiens à le lire lentement. 

Un article de Pierre Assouline sur Blogs le monde 
 DÜRER
Gheorghe Tattarescu



BD



Extraits du Monde

"Au bout de tout ce temps, il était soudain venu à l'esprit de Mr Cantor que Dieu ne se contentait pas de laisser la polio se déchaîner dans le district de Weequahic, mais que, vingt-trois ans plus tôt, Dieu avait également permis que sa mère, deux ans seulement après avoir terminé sa scolarité, et plus jeune qu'il ne l'était aujourd'hui, meure en couches. Il n'avait encore jamais pensé à sa mort sous cet angle. Auparavant, à cause des soins que lui avaient prodigués ses grands-parents, il lui avait toujours semblé que perdre sa mère à la naissance était quelque chose qui faisait partie de sa destinée, et que le fait d'être élevé par ses grands-parents était la conséquence naturelle de cette mort. De même, le fait que son père ait été joueur et escroc faisait partie de sa destinée à lui et il n'aurait pu en être autrement. Mais maintenant qu'il n'était plus un enfant, il était capable de comprendre que si les choses ne pouvaient pas être autres que ce qu'elles étaient, c'était à cause de Dieu. Si ce n'était à cause de Dieu, de la nature de Dieu, elles seraient autres.
Il ne pouvait pas faire comprendre une telle idée à sa grand-mère, qui n'était pas plus apte à ce genre de réflexion que ne l'avait été son grand père (...)"
Némésis, page105-106

de Nathpass

"Quand on quittait Alan, on avait le sourire, on avait le cœur joyeux, et en plus on avait appris quelque chose. Comment est-ce qu'il s'y prenait? Comment cet enfant faisait-à tout ce qu'il faisait pour nous autres adultes? Quel était le grand secret d'Alan? C'était de vivre chaque jour de sa vie en observant ce qu'il y a de merveilleux en toute chose et en se réjouissant de tout, que ce soit son milk-shake après i’école, ou ses poissons tropicaux, ou les sports dans lesquels il excellait, ou qu'il s'agisse de contribuer à l'effort de guerre en cultivant son potager de la victoire, ou de ce qu'il avait appris en classe ce jour-là. Alan a accumulé dans ses douze années plus d'enthousiasme et de vitalité que la plupart des gens au cours de toute une vie. Et Alan a donné plus de joie aux autres que la plupart des gens au cours de toute une vie. La vie d'Alan est terminée... »

Là, il lui fallut à nouveau s'interrompre et, lorsqu'il reprit, ce fût d'une voix rauque, et au bord des larmes.

«La vie d'Alan est terminée, répéta-t-il, mais, dans notre chagrin, nous devons nous rappeler que tant qu'il l'a vécue, ce fut une vie illimitée. Chaque journée, pour Alan, était illimitée, à cause de sa curiosité. Chaque journée, pour Alan, était illimitée, à cause de son caractère enjoué. Pendant sa vie entière il a été un enfant heureux, et tout ce que faisait cet enfant, c'était en s'y donnant à fond. Reconnaissons qu'il y a des sorts pires. »

Après le service, Mr Cantor se tint en bas des marches de la synagogue pour présenter ses respects aux membres de la famille d'Alan et remercier son oncle pour ce qu'il avait dit. Qui aurait imaginé, en le voyant dans le drugstore, en blouse blanche, doser les cachets pour une ordonnance, que Doc Michaels pouvait être un orateur aussi éloquent, surtout lorsque l'on voyait les membres de l'assemblée…."
Némésis, page 60


Quatre fois pendant la prière, devant la tombe de cet enfant, l'assistance en deuil répéta «Omein.» Ce n'est que lorsque le cortège funèbre se fut éloigné de l'amoncellement des tombes et eut pris la sortie qui donnait sur McClellan Street qu'il se rappela soudain les visites qu'il faisait, quand il était petit, au cimetière juif de Grove Street où étaient enterrés sa mère et maintenant son grand-père, et où sa grand-mère et lui-même seraient enterrés à leur tour.
Enfant, ses grands-parents l’avaient emmené chaque année visiter la tombe de sa mère pour célébrer son anniversaire au mois de mai, même s'il ne parvint jamais, dès sa première visite et lors des suivantes, à croire qu'elle était enterrée là. Debout entre ses grands-parents en larmes, il avait toujours eu le sentiment qu'il participait à un jeu où l'on faisait semblant qu'elle soit là. Le cimetière était l'endroit où il avait le plus le sentiment qu'on lui racontait des histoires en lui disant qu'il avait eu une mère. Et pourtant, tout en sachant que cette visite annuelle était la chose la plus bizarre qu'on attendît de lui, il ne refusait jamais d'y aller. Si cela faisait partie de ce qu'un bon fils devait à une mère qui n'était liée à aucun de ses souvenirs, eh bien il s'y pliait, quand bien même c'eût été un cérémonial qui sonnait creux.
Chaque fois que, devant la tombe, il essayait de susciter une pensée qui fût en accord avec les circonstances, il se rappelait l'histoire que sa grand-mère lui avait racontée sur sa mère et les poissons. De toutes ses histoires édifiantes — qui toutes tendaient à rappeler à quel point Doris était une élève douée, et comme elle savait se rendre utile dans la maison, et comment, enfant, elle adorait s'asseoir derrière la caisse du magasin qui, à chaque somme encaissée, faisait dring, comme il le faisait, lui, quand il était petit —» cette histoire était celle qui lui était restée dans la tête. L'événement mémorable avait eu lieu par un après-midi de printemps, bien avant la mort de Doris et sa propre naissance. Pour préparer la fête de la Pâque, sa grand-mère allait toujours jusqu'à la poissonnerie d'Avon Avenue pour choisir deux carpes vivantes dans le vivier du poissonnier, elle les rapportait à la maison dans un seau et les gardait en vie dans la bassine en zinc dont se servait la famille pour prendre des bains. Elle remplissait la bassine d'eau et y laissait les poissons jusqu'à ce que le moment fût venu de leur couper la tête et la queue, de les écailler et de les faire cuire pour faire de la carpe farcie. Un jour, quand la mère de Mr Cantor avait cinq ans, elle s'était élancée dans l’escalier en rentrant du jardin d'enfants, elle avait découvert les poissons qui nageaient dans la bassine en zinc et, après s'être rapidement déshabillée, elle était entrée dans la bassine pour jouer avec les poissons. C'est là que la trouva la grand-mère de Mr Cantor quand elle monta du magasin lui préparer son goûter. Elles n'avaient jamais dit à son grand-père ce qu'avait fait la petite fille, de peur qu'il la punisse. Même quand sa grand-mère raconta l'histoire au petit garçon — il était alors lui-même au jardin d'enfants —, elle lui demanda de garder le secret pour ne pas troubler son grand-père qui, dans les années qui suivirent la mort de sa tille bien-aimée, ne pouvait atténuer la douleur de l'avoir perdue qu'en ne parlant jamais d'elle.
Il pouvait paraître bizarre à Mr Cantor de songer à cette histoire devant la tombe de sa mère, mais à quoi d'autre de mémorable pouvait-il se raccrocher?
 Némésis, page 68-69

"La peur nous avilit. Atténuer la peur, c'est votre job, et le mien."

Némésis, page 90
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et je vous offre pour Noël et pour la suite annoncée comme difficile : 2013 
une sorte de vœu pieu(x) dans le sens efficace mais désintéressé : "Ne vous battez pas contre vous-même. Il y a déjà suffisamment de cruauté dans ce monde. N'aggravez-pas les choses en vous prenant pour bouc émissaire."
à ces mots j'ai eu comme un pieu qui m'est sorti du coeur car si vous saviez combien les victimaires sont plus oppressants dans le travail, dans le théâtre... que les arrogants, car alors que faire à part faire comme eux, si vous les traitez de victimaires, faux-jetons, rabats-joie, arrogants contrariés.... vous allez rapidement devenir le bouc émissaire.... car croyez-les, ou il vous en cuira, c'est eux qui ont le plus souffert.....

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