vous allez me dire ils n'ont pas besoin de pub...
eux je m'en fous je me fous de tout et surtout pas de cet acteur....
j'y vais avec mon ami et 2 autres amis qui aiment tant Ostende dans un peu moins de 15 JRS
« L'immense Piccoli », immense et pathétique « Minetti »
Par Jean-Pierre Thibaudat | Journaliste | 17/01/2009 | 12H04
"Portrait de l’artiste en vieil homme". C’est le sous-titre que Thomas Bernhard donne à sa pièce "Minetti", nom d’un célèbre acteur allemand du XXe siècle. Et c’est ainsi que la joue Michel Piccoli qui, né en 1925, a, comme on dit, l’âge du rôle.
Un vieil hôtel d'Ostende
Thomas Bernhard n’était pas un proche de l’acteur allemand Bernhard Minetti, il ne le rencontra que brièvement ("trois heures en tout"). Il l’admirait comme acteur. C’est lui qui avait créé sa pièce "La Force de l’Habitude". Alors il lui avait offert cet écrin baptisé de son nom "Minetti", pièce créée par Minetti lui-même en 1977 (dans une mise en scène de Claus Peymann) avant que Klaus Gruber ne le dirige dans un mémorable "Faust". La pièce "Minetti" n’est pas plus fidèle à l’acteur Minetti que ne l’est le texte qu’a consacré Valère Novarina à Louis de Funès.
Le Minetti de Bernhard entre dans le hall d’un vieil hôtel d’Ostende, le jour de la Saint-Sylvestre. Il a rendez vous avec de directeur du théâtre de Flensburg pour jouer le roi Lear. Cela fait trente ans qu’il n’a pas joué le rôle titre de la pièce de Shakespeare, trente ans qu’il n’est pas monté sur une scène. Il le dit à une femme ivre et seule (Evelyne Didi), il le redira à une jeune fille sage (Julie-Marie Parmentier) qui écoute son transistor en attendant son fiancé.
Minetti soliloque mieux à deux. Il ressasse sa vie, ses rancoeœurs, ses remords, une page sombre de sa vie et surtout ce rôle de Lear qu’il joua dès l’âge de 18 ans et qui le poursuit de ses répliques (en langue originale).
Du roi Lear au vieux Minetti
Michel Piccoli a, lui aussi, joué Lear, en janvier 2006 au théâtre de l’Odéon, dans une mise en scène d’André Engel. Ce dernier lui avait proposé le rôle quinze ans plus tôt. Piccoli, trop pris par le cinéma sans doute, avait différé l’offre. Il a fini par jouer le vieux Lear, un peu tard peut-être, avec un grand succès (le spectacle a été repris deux saisons de suite). La tentation était trop forte. Engel qui a déjà monté plusieurs pièces de Thomas Bernhard (à commencer par un "Réformateur" avec Serge Merlin) a proposé à Piccoli cette pièce où il est tant question de Lear. Le rôle est moins écrasant que celui du vieux roi, mais Minetti, une fois qu’il est entré en scène, n’en sort quasiment plus. Pour l’essentiel, le spectacle repose sur ses épaules.
Le coffre et les épaules
Celles de Piccoli sont légèrement voûtées. Michel Piccoli -"l’immense Michel Piccoli"- en vieil acteur âgé qu’il est, entre en scène avec tous les rôles de sa vie, synchrone avec ce "portrait de l’artiste en vieil homme" qu’est "Minetti". On le regarde murmurer ces mots d’un personnage de théâtre qui se trouve être un acteur, et c’est comme un léger crépitement familier, une voix amie, un feu de cheminée qui nous réchauffe. On est content d’être là, de suivre les pas de sa haute silhouette qui n’ont plus la vivacité de naguère, mais tout de même. C’est un vieil acteur magnifique.
Et puis, osons le dire même s’il nous en coûte, cela se gâte. Le débit se ralentit, perd de son relief malgré quelques coups de reins salutaires, cela se grippe. C’est presque imperceptible, mais cela va de mal en pis La mémoire -ce muscle et ce démon qui obsède l’acteur et plus encore l’acteur vieillissant-, n’est pas pleinement au rendez vous.
La voix du souffleur
La fatigue? L’hiver? L’usure du temps? Qu’importe. La mémoire, cette traîtresse, fait des siennes. Alors l’acteur, qui a trois quarts de siècle de métier dans son grand coffre, se lève, s’approche d’un rideau, d’une fenêtre et l’air de rien ("tiens, il ne neige plus") écoute la voix du souffleur. Et ça repart avant de se gripper derechef. Et le souffleur de remettre ça. La peur, on le devine, habite cette voix qui ouvre sur des gouffres.
Piccoli, l’autre soir, en fit même l’aveu en ajoutant une phrase au texte de Thomas Bernhard: "L’art se dégrade facilement mon enfant/ quand l’artiste faiblit/ se laisse détourner/ faiblit ne fût-ce qu’un instant", dit Minetti, et Piccoli d’ajouter: "et ne sait pas son texte". Il est à lui-même son fantôme.
Dans la salle, comme l’histoire de l’acteur Minetti et celle de l’acteur Piccoli ne sont pas sans points communs (l’âge, Lear, l’aura), beaucoup spectateurs n’y voient que du feu et c’est tant mieux. D’autres souffrent avec lui de le voir chercher son texte et cela fait mal. On voudrait tellement écrire combien "l’immense Piccoli" est magnifique. Il l’est. Mais il est tout autant pathétique.
Le masque d'Ensor
Le coût de production du spectacle est important et une fois la machine à produire lancée, difficile de l’arrêter. Il y a les cinq acteurs et encore plus de figurants qui entourent Piccoli. Il y a l’imposant décor de Nicki Riéti (décorateur attitré d’Engel) d’un académisme accablant qui, même s’il se veut ironique, ajoute à la pesanteur (un tel décor aurait fait se tordre de rire -ou de honte- le même Rieti il y a trente ans).
Il y a encore bon nombre d’autres collaborateurs dont le fidèle "dramaturge" Dominique Müller qui co-signe la version scénique avec Engel. Les deux compères ont supprimé l’épilogue quasi muet où Bernhard, entre Lear et Godot, entraîne son personnage au bord de la mer. Là, guidé par un infirme, ayant revêtu le masque de Lear fait par l’artiste Ensor –natif d’Ostende- dont Minetti parle tout au long de la pièce, il reste immobile jusqu’à ce que la neige le recouvre.
Dans la version d’Engel-Müller, le masque du personnage n’apparaît pas. Les spectateurs peuvent penser que le masque d’Ensor est imaginaire. L’acteur Piccoli s’avance nu, son visage est son propre masque. A la fin, Minetti-Piccoli demeure seul, de dos, dans le hall de l’hôtel, près de sa valise où il a rassemblé les coupures de presse de sa vie. Et l’on entend la voix rayée de nuit de Tom Waits, chantant un air qui, lui, fait écho à un ancien spectacle d’Engel, comme un vieux 33 tours.
Une table, un texte, un acteur
Longtemps l’immense Alain Cuny resta sans remonter sur une scène. Ce n’est pas qu’il ne le souhaitait pas jouer, mais sa mémoire ne suivait pas. Et puis un jour Cuny eut l’idée lumineuse de s’asseoir à une table dressée sur une scène et de lire des textes aimés comme ceux d’Antonin Artaud. C’était impressionnant, magistral
En sortant du Théâtre de la colline, c’est à cela que l’on rêvait. Que l’on foute en l’air ce décor, tout ce cirque autour du vieil acteur, qu’il soit seul assis à une table, le texte devant lui, qu’il lise magnifiquement "Minetti" avec une voix débarrassée de la peur du par cœur, que l’on retrouve, tel qu’en lui-même, "l’immense Michel Piccoli".
► Minetti Théâtre de la colline - jusqu’au 6 février - mar 19h30, mer, jeu, ven, sam 20h30, dim 15h30 - 13 à 27€ - Tél.: 01 44 62 52 52 - puis tournée jusqu’en mai: Reims, Genève, Berlin, Villeurbanne, Grenoble, Lille, Lausanne, Toulouse.
Photo: Michel Piccoli dans 'Minetti' (Richard Schroeder).
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