Joëlle Gayot
« Double féminin
Une émotion ambivalente que l’on retrouve, mais avec plus de rugosité et de drôlerie effrontée, face à Lune, texte que l’auteur met lui-même en scène au 100, établissement culturel et solidaire, à Paris. Cette fois c’est une femme qui s’exprime. Jouée par la vive, brusque (au bon sens du terme) et facétieuse Catherine Pietri, l’héroïne rembobine le fil du passé sur la trace des évènements, anecdotiques et
Dans une scénographie réduite à l’essentiel (une table, une chaise), enveloppée dans une large robe blanche, ce double féminin du dramaturge transforme le plateau en terrain de labour. Les mots sont les coups de pelles qui déterrent les souvenirs. Ceux qui comptent pour rien et ceux qui pèsent lourd dans les méandres de son existence. Le probable suicide d’une mère surmédicamentée, la vie à la campagne, le vent dans les arbres, les siestes, les repas, l’envie d’écrire, les réunions de famille, ces dernières suscitant un moment d’anthologie théâtrale à se tordre de rire.
Philippe Minyana entraîne Catherine Pietri dans une approche organique de son texte. Elle ralentit, accélère, laisse traîner les voyelles ou taper les consonnes, elle ne s’attarde jamais dans un sentiment, brise l’émotion qu’elle vient de susciter pour la raviver au détour de la phrase suivante. Elle fait corps avec la langue, laquelle est une offrande à son jeu. Un enchantement que ce regain de Philippe Minyana dans l’automne parisien.
Catherine Pietri, dirigée par Philippe Minyana. Photo Fabienne Rappeneau
« C'est un texte poignant sur la vie et la mort de sa mère, comme Philippe Minyana en a déjà écrit de superbes.
Entre désinvolture et blessure, comédie et tragédie. Chez lui, le passé n'est jamais passé. Il possède le rare secret de faire cohabiter les vivants et les morts, et d'éterniser l'instant du théâtre, l'infini présent du théâtre.
Seule en scène, une femme en longue robe blanche se souvient (Catherine Pietri, ravageuse). Elle évoque les violences, jusqu'alors tues, de son histoire, les revisite avec un humour moqueur, chante, montre des photos, fait le clown. Riche de mille facettes de jeu. Minyana, qui la met aussi en scène, fait vibrer le quotidien d'un rythme infernal. Il a l'art du proche et du familier, dans leur beauté comme dans leur horreur. Grâce à son verbe, toute existence devient légende. - F.P.
De et par Philippe Minyana. Durée: 1h10. Jusqu'au 11 oct., 20h (ven.), 18h (sam.), 100 ECS,
100, rue de Charenton, 12°, 01 46 28 80 94. (10-20 €). »
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