samedi 27 août 2011

Sean Penn, la tête de l'emploi


Article du Monde Magazine du 20 Août 2011
Propos recueillis pas Samuel Blumenfeld

Sean Penn a toujours pris sa coupe de cheveux très au sérieux.
D'abord celle, élégamment négligée, qu'il arbore dans la vie, les cheveux en arrière, foisonnants, avec des épis. Et, plus encore, les différentes créations capillaires adoptées dans ses films. Quand il a regardé sa toison brune dans This Must Be the Place, de Paolo Sorrentino (sortie le 24 août), une coiffure démodée, en vogue dans les années 1980, touffue, stridente, résultat d'une improbable implosion survenue à la base du cuir chevelu, et inspirée de celle du chanteur de Thé Cure, Robert Smith, l'acteur s'est, une fois encore, senti dans la peau d'un apprenti sorcier. Son cœur battait la chamade. Avec cette peur, jamais apaisée, de sembler ridicule. Quelques heures avant la projection officielle de This Must Be the Place au Festival de Cannes, Sean Penn se posait une seule et même question : allait-il s'aimer à l'écran ?
Paolo Sorrentino lui avait glissé avant le tournage qu'il souhaitait lire sur le visage de son comédien «la contradiction d'un homme mûr qui conserve son aspect d'adolescent». Une façon élégante de décrire l'étrange syndrome dont est atteint le personnage du film, Cheyenne, une ancienne gloire du rock cloîtrée dans son château irlandais - retraite d'où il contemple sa gloire passée et surveille les cours de la Bourse. Sean Penn a laissé Paolo Sorrentino lui appliquer - . rouge à lèvres et du mascara. L'acteur a adopté les costumes d'une rock star, à commencer par les talons hauts et d'étranges bottines à lacets. Mais, comme d'habitude, il a revendiqué le choix de la coiffure. « Avec Paolo, se souvient Sean Penn, nous avons longtemps discuté des différences liées à la dépression, en particulier son impact sur l'aspect physique. Lui avait des idées visuelles très précises sur mon physique. Moi, j'en avais sur mes cheveux. Ma coiffure, grotesque et imposante, est l'expression de cette dépression. »

Le malaise de Sean Penn, à l'écran s'entend, passe le plus souvent par la tignasse, véritable jardin secret par lequel transitent tous ses personnages. Les deux mentors de Sean Penn, Marlon Brando - que le comédien avait songé un temps à diriger, dans les années 1990, dans une adaptation de L'Automne du patriarche, de Gabriel Garcia Marquez - et Jack Nicholson - vedette de deux des quatre films mis en scène par Sean Penn, Crossing Guard et The Pledge -, ont offert le même conseil à l'acteur lorsqu'il n'était qu'un débutant : accepter l'humiliation. «Il faut passer outre le regard du public, lui avait répété Brando, ne pas craindre d'apparaître ridicule. »

Sean Penn croyait à ses débuts qu'une paire de bottes suffirait à faire de lui un acteur. C'était après avoir rencontré Anthony Zerbe, un second rôle célèbre dans le cinéma américain des années 1970. Si l'on excepte les parents de Sean Penn, tous les deux comédiens - Léo Penn, rapidement passé à la mise en scène, et Eileen Ryan, retirée des écrans pour s'occuper du foyer familial -, il s'agissait du premier acteur avec lequel le jeune homme engageait une conversation. C'était au lycée, à Los Angeles, à l'occasion d'une journée d'orientation. «Il portait des bottes assez impressionnantes, avec une grande fermeture éclair sur le côté. J'en ai conclu qu'un acteur digne de ce nom devait posséder de telles bottes. J'ai acheté un modèle équivalent, que je portais à l'occasion de mon premier film en super-8. J'ai commencé à partir de cette époque à regarder de plus près le travail des comédiens au cinéma, et celui-ci passait chez ceux que j'admirais par un objet, un signe extérieur. »

BLOND CRÉPU OU EN BROSSE


Depuis, l'identification à un personnage fonctionne souvent chez Penn sur ce principe. Son jeu se révèle le contraire de la méthode de l’Actor's Studio, qui est, elle, plus organique. L'acteur doit puiser en lui-même pour trouver les émotions et les affects d'un personnage. Chez la star de This Must Be the Place, une manière de se mouvoir, une inflexion de la voix, un habit, un objet, le plus souvent une manière de se coiffer, permettent de construire une interprétation. Il sera ensuite temps de bâtir son personnage de l'intérieur.
Avant cela, il lui faut toujours une coiffure. Il y avait celle, longue et blonde, du surfeur débile de Fast Times at Ridgemont High, d'Amy Heckerling, le film qui l'avait révélé au public américain. Ou l'impeccable mise en plis du criminel condamné à la peine capitale dans La
Dernière Marche, de Tim Robbins. La coiffure trop parfaite de Sean Penn contrastait avec le chaos intérieur de son personnage. L'acteur s'était aussi ajouté un bouc et une série de tatouages sur les bras, dont il a conservé une partie.

Il y a encore les cheveux crépus de Dave Kleinfeld, l'avocat véreux qui trahissait son client, un ancien mafieux incarné par Al Pacino décidé à rester dans le droit chemin après sa sortie de prison, dans L'Impasse, de Brian De Palma. Penn s'était isolé en bibliothèque pour consulter des revues de droit, à la recherche de visages d'avocats, et ne trouvait rien de satisfaisant. La lumière est venue par hasard, en feuilletant un ancien numéro du magazine Life. Dans un coin de page figurait une photo minuscule d'un étudiant en droit. Ce fut un coup de foudre. Il savait que le gamin deviendrait son modèle. «Je me suis tout de suite dit : "Putain, je vais arpenter ainsi les rues de New York quatre mois durant ? " Je ressemblais à Bozo le clown avec mes cheveux roux et cette coupe afro. Je portais une casquette dès la journée de tournage terminée pour ne pas avoir l'air con. »
Plus récemment, la coupe de premier de la classe de Sean Penn, cheveux raides, mèche sur le côté pour Harvey Milk, de Gus Van Sant, la biographie filmée du premier conseiller municipal ouvertement gay de la ville de San Francisco, assassiné dans son bureau de la mairie en 1978, marquait une nouvelle étape sur le chemin capillaire de Facteur. Penn avait éprouvé toutes les peines à incarner le militant homosexuel, rôle pour lequel il allait récolter, en 2009, son deuxième Oscar, après celui pour Mystic River de Clint Eastwood. L'acteur, marqué par son hypermasculinité, ne trouvait pas la clé qui lui permettrait de briser son image machiste. «Harvey MiIk m'intéressait au plus haut point. Son combat pour les droits civiques de la communauté homosexuelle trouvait une convergence avec mon engagement politique. Mais la dimension politique ne suffisait pas. Il fallait que la sexualité du personnage soit patente sans devenir caricaturale. Comment allais-je trouver cette part de lui en moi ? Il y a eu des moments où je me disais que je n'allais jamais y arriver. J'espérais, mais sans certitude. » Les choses se sont mises en place grâce aux nombreuses images documentaires consacrées à Harvey Milk. Penn a remarqué la spécificité de sa coupe de cheveux et trouvé une porte d'entrée. «Je suis arrivé sur le plateau avec la bonne mise en plis. C'était bon. J'étais Harvey Milk. »

Peu d'acteurs ont montré, dès le début de leur carrière, un talent aussi évident, comme si tout semblait calé d'entrée. Il y a un plaisir particulier dans cette perspective à revoir les premiers films de Sean Penn, dans les années 1980, tel Taps, d'Harold Becker, avec Tom Cruise, ou Comme un chien enragé, de James Foley. Le jeune acteur y déploie déjà une folie et une intensité rares. Il est tout aussi impressionnant de constater à quel point Penn se révèle d'emblée conscient de son extraordinaire talent et prêt à le déployer sans craindre de manquer d'expérience. « Qui a fait le "printemps arabe" ? Des jeunes gens qui ont faim. C'est un symbole très fort. C'est pareil pour la comédie, ce sont des gamins qui ont faim - MarIon Brando à son époque - qui font le cinéma. J'avais cet état d'esprit dès mes débuts. Je ne souscris pas au dogme de l'expérience.Croire qu’il suffît de se reposer sur la seule expérience vous amènera à faire de la merde. »

SUR LES TRACES DE JAMES DEAN

À ses débuts, Penn était regardé comme une version moderne de James Dean, même s'il affirmait son malaise existentiel de manière plus physique que son prédécesseur. Comme un chien enragé, formidable film qui marchait sur les traces d'À l'est d'Eden, fit beaucoup pour fixer l’image de Penn. À la mère indigne du film de Kazan succédait un père mafieux, tout aussi toxique, un chef de bande dans l'Amérique rurale qui retrouvait sur le tard son fils, incarné par Penn, rintégrait à ses activités criminelles pour, plus tard, au nom de la loi du silence, tenter de l'éliminer.
Le scénario, signé Nicholas Kazan, le fils d'Elia Kazan, accentuait la filiation avec ce cinéma des années 1950, et offrait à Penn la position avantageuse d'héritier de Brando, Montgomery Clift et James Dean. Les cheveux de Penn, légèrement décolorés, avec des mèches blondes, et son tee-shirt à manches courtes, moulant, mettant en valeur sa musculature, visaient justement, de l'aveu même du metteur en scène, James Foley, à rapprocher le jeune acteur de l’érotisme ambigu véhiculé par James Dean.

HÉRITAGE PATERNEL

A l'époque de Comme un chien enragé, Sean Penn devait encore affronter le scepticisme de son père. Léo Penn s'est montré, plus longtemps que d'autres, rétif à la vocation de son fils. Ce recul ne devait rien à un éventuel manque de talent de Sean Penn. Il tenait davantage à un itinéraire personnel douloureux, rendu compliqué par le maccarthysme au début des années 1950.
Léo Penn était l'un des acteurs les plus prometteurs de sa génération, mais sa carrière fut littéralement tuée dans l'œuf par la liste noire. Au lieu de devenir une vedette, il resta cantonné à des rôles secondaires à la télévision et se tourna vers la réalisation. Sean Penn a pour la première fois pris conscience de l'héritage paternel sur le tournage de Judgment in Berlin, en 1988. Le film était réalisé par Léo Penn, à Berlin-Ouest, sur les lieux mêmes où un juge américain avait dû décider, quelques années plus tôt, en Allemagne fédérale, si le détournement d'un avion est-allemand vers la partie ouest de Factuelle capitale allemande était justifié. Sean Penn incarnait un des passagers est-allemands de l’avion venu témoigner en faveur du jeune homme qui avait décidé de détourner l'avion pour fuir le communisme. Ce fut la première et dernière fois que Léo et Sean Penn travaillèrent ensemble.

« Mon père avait largement dépassé la soixantaine, et il est mort exactement dix ans après le tournage. Il avait tenu à m'emmener dans un quartier de la ville allemande où il restait des immeubles endommagés durant la guerre par les bombardements. C'était un dimanche après-midi, il faisait très beau, des gamins jouaient avec leur mère dans un parc à côté. Mon père est devenu très mélancolique : 'Tétais à bord d'un des avions américains qui a lâché des bombes sur Berlin, et je peux t'assurer qu'il ne devait plus rester personne à 400 mètres à la ronde."» Il ne cherchait pas à donner un point de vue, juste à m'expliquer qu'il avait tué des gens.
Nous sommes allés dans un bar le même soir. Mon père était un homme très calme, très serein. Là, il a aperçu un Allemand de sa génération, et s'est avancé en me poussant avec son bras. "Où étais-tu nom de Dieu ?",lui a-t-il demandé. Je savais ce qu'il voulait dire, voilà un juif américain qui regardait un Allemand et se demandait : "Etais-tu, oui ou non, un nazi pendant la guerre ? Si c'est le cas, que faisais-tu lorsque les nazis ont exterminé les juifs ? "Je n'ai plus jamais regardé mon père de la même manière. »
  

Retraite anticipée

 

L'influence du père sur son fils est tangible dans l’engagement politique et humanitaire de Penn, comme récemment à Haïti après le tremblement de terre. Elle se fait aussi sentir à l’écran. «Mon père venait de la scène, il s'était formé au théâtre. Gamin, les conversations à table, même si je ne les écoutais pas, tournaient autour de son métier, et les choses m'entraient dans la tête sans que je m'en rende compte. Chez nous, l'art de la comédie était porté très haut, considéré à sa juste valeur, et c'est dans cet état d'esprit que j'ai commencé dans ce métier. Personne ne voulait plus profiter de la vie que mon père et quand, dans son engagement politique, il nous disait que certaines choses importent plus que d'autres, cela signifiait qu'elles se révélaient indispensables pour un acteur. J'ai intégré cette donnée très tôt. Mon père ne mettait pas en avant le dogme de l'expérience, Il privilégiait le vécu, indispensable pour un acteur digne de ce nom. »

Cette leçon paternelle prend tout son sens quand on constate la réticence de Penn à exercer son talent de comédien depuis qu'il est passé derrière la caméra, en 1991, avec The Indian Runner. Dans la foulée, il avait d'abord décidé de prendre sa retraite de comédien, avançant comme explication le désir de vivre sa vie. Ce qui n'est pas la même chose que mener une carrière. « Mon passage a la mise en scène était guidé par un principe de plaisir. Je voulais observer un grand acteur, Jack Nicholson, et le regarder livrer une interprétation mémorable.
C'est ce que j'ai fait dans mes deux films, Crossing Guard et The Pledge. Je tenais à en être le témoin privilégié. Vous n 'avez pas idée de ce que cela me coûte d'entrer dans la peau d'un personnage. Si vous voulez faire les choses comme il faut, vous devez mettre votre vie entre parenthèses. Quand j'ai fini de travailler, je reprends le cours de mon existence.
Sans quoi, je n'aurais plus rien à raconter. Le carriérisme m'emmerde. Autant devenir une espèce de top-modèle, ce que deviennent beaucoup de comédiens, d'ailleurs. Je sais que si je ne m'intéresse pas à ce qui se passe dans le monde, je n'irai pas loin. » Le tournage de La Dernière Marche terminé, Sean Penn s'était rasé la tête, avait pris sa voiture et disparu plusieurs semaines. «Je sais à peine où je suis allé, mais je devais respirer. Et j'ai respiré. »

Jusque dans les années 1990, Sean Penn restait un Irish working class hero, une icône de la classe populaire irlandaise, auquel le prédestinaient son prénom, son physique, ses rôles et son image publique.
L'acteur défrayant la chronique à la fin des années 1980, passant par la prison après avoir tabassé un photographe, apparaissait comme la version hollywoodienne du hooligan irlandais alcoolique.
Comme beaucoup d'histoires de tabloïd, cette image était un cliché. Son rôle d'avocat juif dans L'Impasse, de Brian De Palma, qui marquait son retour sur les écrans après une retraite de deux ans, semblait le placer sur une tout autre planète. Dans un monde où Penn apparaissait étranger, complètement à contre-emploi. Le comédien devenait un autre. En fait, non. Il était un peu plus lui-même, de manière nette et plus précise.

PEUR SUR LES PLATEAUX


Sean Penn est le fruit d'une triple origine : irlandaise et italienne du côté de sa mère, juive lituanienne par son père. This Must Be the Place apparaît à ce jour, avec L'Impasse, comme l'unique film qui soit parvenu à mettre en scène le métissage de l'acteur. La structure atypique mise au point par Paolo Sorrentino tomberait à plat avec n'importe quel autre comédien. Mais le film était taillé sur mesure. « Sean Penn aurait refusé de faire le film, assure Paolo Sorrentino j’abandonnais l'affaire. C'était Penn ou personne. »

La première partie de This Must Be the Place se tient dans l'espace clos de la demeure dublinoise de Cheyenne, une ex-rock star irritable qu'incarne Sean Penn. Suite à la mort de son père, Cheyenne part aux Etats-Unis, faisant halte dans le quartier juif orthodoxe de Brooklyn où sa famille est originaire. Commence alors une longue traque pour trouver celui qui fut le tortionnaire de son père dans les camps de la mort. L'odyssée sur le continent américain de Cheyenne, version glam rock de Simon Wiesenthal, ressemblerait à une aberration de l'esprit si Sean Penn n'était pas Cheyenne.

Longtemps, l'acteur a fait peur sur les plateaux. Littéralement peur. Rien à voir avec la rondeur et la douceur de son père sur un tournage ou dans la vie. Penn pouvait déstabiliser ses partenaires, voire les faire fuir. Christopher Walken, pas tout à fait l'acteur le plus rassurant du monde ni le moins intense, racontait que dans leurs scènes de face à face pour Comme un chien enragé, Penn le terrifiait. Sur le plateau d'Outrages, de Brian De Palma, Michael J. Fox estimait n’avoir jamais rencontré Sean Penn, mais seulement son personnage, le sergent Meserve. Michael J. Fox incarnait un soldat qui, en pleine guerre du Vietnam, refusait de participer au viol collectif d'une jeune Vietnamienne, s’opposant au reste de sa troupe. Il dénonçait son sergeant auprès de ses supérieurs. Penn tenait absolument reproduire hors du plateau le conflit qui se nouait devant la caméra. Il n'adressa pas la parole à Michael J. Fox durant le tournage, demandant que ce dernier soit mis en quarantaine sans possibilité de parler avec ses partenaires.

Dans une scène où Penn demandait à un soldat d'achever la jeune Vietnamienne, l'acteur administrait tellement de gifles, et avec tant de force, à son partenaire que ça en devenait insupportable pour toute l'équipe. « Je n'aimerais pas diriger Sean dans un film où il incarnerait un tueur, assurait Brian De Palma, très grand admirateur de l'acteur. Je ne sais pas où ça nous mènerait. »

Sean Penn s'est aujourd'hui calmé. S'il devait maintenant distribuer des baffes à un comédien, ce serait uniquement sur ordre de son metteur en scène. Il est donc devenu un acteur plus docile et, à l'en croire, encore meilleur. Le changement s'est effectué par paliers. Jack Nicholson ne cessait de lui répéter qu'un grand acteur, contrairement à certains clichés, ne cherchait jamais à se mettre en travers du chemin du metteur en scène. Penn ne comprenait pas ce qu'il voulait dire, jusqu'au jour où la théorie de Nicholson est devenue une évidence.

Après avoir effectué le voyage aux antipodes pour tourner La Ligne rouge, de Terence Malick, Sean Penn a dû se plier à la méthode d'un metteur en scène avec lequel il rêvait de travailler. Le respect induisait une certaine soumission. « J'avais l'impression d'être un tube de couleur, placé sur une toile, par un peintre nommé Malick. C'était là une expérience extraordinaire. » L'aventure avec Malick s'est poursuivie sur The Tree of Life, Palme d'or à Cannes, où il incarne le fils de Brad Pitt. « Le tournage a été difficile. Je tolère des choses chez lui que je n'accepterais pas d'un autre. »

Quand il devait tourner, dans Mystic River, la scène où son personnage, ceinturé par un escadron de policiers, tente de s'approcher du corps de sa fille assassinée, Clint Eastwood avait prévenu, la veille, son comédien que six hommes seraient chargés de tempérer son explosivité. « Je croyais qu'il amènerait en réalité deux ou trois mecs, j'ai alors fait monter la sauce, pour lui assurer que même six bonhommes ne suffiraient pas à calmer mon ardeur. » Le lendemain, Penn trouvait quinze policiers autour de lui. «il n'y avait plus rien a faire, les mecs m'auraient piétiné, mais le sachant je pouvais donner libre cours à mon instinct, les mordre, ou leur donner un coup de tête. J'avais toute latitude pour me laisser aller. Je crois être assez bon dans cette scène. Sans l'intelligence d'Eastwood, cela n'aurait jamais été aussi probant. Sa principale influence est le jazz, et le jazz se fonde sur la spontanéité. Il recherche l'effet de la première prise, il faut tout donner dès le début, c'est ainsi, et je crois qu'il faut se plier à cette règle. C'était à moi de m'adapter. »
Avant d'arriver en Irlande sur le plateau de This Must Be the Place, Sean Penn se trouvait à Haïti. S'il n'était pas parvenu à terminer son travail humanitaire sur place, il n'aurait jamais pris l'avion pour Dublin. Mais il avait mené à bien sa tâche. Paolo Sorrentino lui a décrit son personnage. Le réalisateur italien avait pensé à tout. Aux maquillages. Aux costumes. Sean Penn a négocié la marge. Les cheveux, donc. C'était déjà cela de pris, s'est-il dit. Et ça fait toute la différence.

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