vendredi 18 avril 2025

Pierre Michon : J’écris l’Illiade, récit

J’écris l’Iliade excusez du peu… j’avais envie de dire : l’érotisme et le sexe dans la littérature à tout crin, prétexte au partage d’excitations, m’ont rarement convaincue à part… Kundera Duras Et surtout par la poésie : Apollinaire Aragon… etc j’arrête l’alphabet mais bien sûr sans omettre Charles Baudelaire que je lisais dans la cour de récréation…
Donc à ma meilleure amie j’ai envoyé ces réflexions 
Spontanées et répétées au téléphone à une autre amie… je parle de mes lectures pour tenter les lecteurs éventuels pour attirer « les autres » morts ou vivants…
je lis Pierre Michon, tu as bien du courage m’a dit la femme d’un amie qui a toujours beaucoup lu, j’ai dit à une autre amie en retraite :  j’attends la page 100 et/ou j’abandonne c’est un peu s’écouter écrire et d’ailleurs cela s’appelle « J'écris l’Iliade » : présomptueux récit… avec un dico sous le coude : trirème ? Sous le péplos ? L’hexamètre ? Mais j’aime bien noter mes livres avec des points d’interrogation et après je révise car j’ai dans d’autres récits rencontrer ces mots particulièrement l’Iliade, le théâtre antique, La guerre des Gaules au cours de latin… mais c’est si loin et le vocabulaire usuel est si étriqué. Faut se replonger dans la littérature grecque Car certains écrivains rudoient leur Lecteur  pour le rendre captif à la page 100 ou 80…et c’est le premier que je lis et un peu comme Yourcenar nul n’était censé ignorer ses autres livres…
Manque de chance j’ai toujours aimé cela lire, où ça me chante !?dans l’oeuvre au hasard ?  

Car il n’en demeure pas moins vrai cet homme là écrit bien enfermé dans « sa masure dans les bois ».
Et voilà P 81
J'INVENTE UN DIEU
à Hugues Pradier
Aucune métaphore plus appropriée n'ayant été trouvée pour traduire certaines nuances d'ordre émotionnel, j'affirme que les dieux existent.
POUND

Le 20 juin, je partis dans la montagne.
J'allai aux Cards, qui est un désert affreux dans les monts d'Ambazac. Où rugissent les lions, comme disent les vieilles cartes. J'y ai une masure dans les bois. C'est desservi par un chemin de terre au creux d'une vallée, sans horizon, clos. Dissimulé.
Nous étions aux mois clairs, et j'étais merveilleusement seul. J'allais mal. Les champs fleuris n'y pouvaient rien.
J'écoutais le bruit interminable de ma mort, je le gardais sous le casque ; je n'en laissais rien paraître. Je n'avais plus personne à aimer, ce qui s'appelle aimer, en ce monde.
J'avais besoin d'un nouveau protecteur. L'ange gardien ne faisait plus l'affaire. Je n'avais plus personne à qui faire croire que la littérature peut servir à quoi que ce soit….

P91 C'est, vers le I5 août, au début de l'après-midi, à l'heure où ma maîtresse vient souvent. Dans la chambre de derrière, nous commençons notre accouplement différé. Par la fenêtre étroite qui donne sur le chemin, au ras du sol, je vois passer une ombre. J'observe un moment, oui, quelqu'un passe et repasse. Un voyeur, dit Melissa.
L'ombre fait quelques mètres sur le chemin, hésite, revient.
Je sors. Je reconnais Robert Désenfant, pas vu depuis un siècle, un ami d'enfance; il travaille dans le 93 et vient aux vacances dans le hameau voisin. Il me paraît bizarre. Je l'accueille à bras ouverts (adieu, cavalcade désirée, Melissa en catimini met ses escarpins dans son sac, passe un jean et saute la fenêtre). Robert entre et s'assied, je lui verse un verre de vin. Je vois très vite qu'il a perdu la raison. Ses propos, anxieux, éperdus, s'efforçant au calme cependant, à la réflexion, me bouleversent : « Tu es mon frère? tu es mon frère, n'est-ce pas. Oui, je connais cette maison.
Albert ou André ? C'est par là ou par ici ? est-ce que c’est bien là ? Et ton frère, toi ? Oui, là, j'y allais. J'y suis allé.
C'est chez mon frère. Il est là-bas mon frère. Mon frète c'est bien toi. Ça doit être là-bas. » Le frère, la demeure, l'âtre, le questionnement sur l'identité, tous repères perdus; il lui reste les adverbes de lieu. J'ai la maladresse de lui parler de sa défunte mère, il éclate en sanglots. Il reprend ses litanies fraternelles.
Il est aussi peu compréhensible que la sibylle. C'est peur-être un envoyé de Barou ?(nom donné par l’auteur au Dieu neuf)
Sa « fraternité» m'avait troublé.
Ma belle était partie; j'avais besoin d'une voix humaine sensée. Des frères, des collègues. Des parleurs.
J'allai « Au Rendez-vous des Chasseurs », un bistrot qui borde la route au milieu de rien, à deux kilomètres.
Debout au bar, Roussy et Lucien; assis tout près et leur parlant, Victor. Leur conversation était languissante, je tombais bien, je les lançai sur Robert Désenfant. Victor dit qu'il avait un Alzheimer aigu, la forme rapide. Victor était le plus lettré des trois, le plus vieux aussi, il marchait à tout petits pas, il aimait les mots justes. Il ajouta : Robert en est au stade parlote. Il jacasse. Une pie.
Robert est foutu, dit Roussy, un robuste maçon qui avait une grande gueule, sarcastique, et était, ivre, d'une dureté effrayante. C'est le costume en sapin dans trois mois. Pour l'instant foutez-lui la paix. Il me prend pour son frangin, il me fait rigoler. Il parle comme un livre. La voix rugueuse de Lucien rasa le comptoir, il mesurait un mètre cinquante. C'était un débile léger qu'avait adopte à la DDASS une paysanne du coin, et elle l'avait gardé à son service; il pouvait avoir cinquante ans. Sa voix donc, comme sautée du zinc :
Voilà. Justement. M'appelle son frère. C'est quand il parle. Ça fait peur. Comme dans la radio. Ce qu'ils disent.
Que Lucien prenne la parole était un événement rare.
Il y eut un silence.
Roussy se mit à rire : c'est parce que tu ne comprends pas que ça te fait peur. Les dingues, on ne les comprend pas. Me désignant : C'est comme un livre de celui-là. Eh oui, tes bouquins sont aussi imbitables que ce que bredouille Robert.
Je lui dis encore une fois qu'il ne fallait pas acheter mes livres, dont je ne leur parlais jamais - mais ils en avaient connaissance par la presse locale. Je les prévenais depuis toujours que ma littérature, c'était « prise de tête et compagnie », juste pour épater les intellectuels et gagner quelques sous. Et qu'ils ne s'offusquent pas de l'air de supériorité que je m'y donne : si l'un de nous parle mieux qu'un autre, c'est juste qu'il est meilleur pour parler.
Me renier ne me coûte rien.
Alors tu racontes des craques? dit Victor. J'opinai : en quelque sorte, oui.
S'irritant à mesure, Roussy poursuivait : Oui, tu t'amuses, quoi? ça n'est pas sérieux? Même ton livre où tu parles des gens d'ici, les « petites gens » comme tu dis, mon salaud? juste pour montrer comme tu parles bien ? et personne ne peut dire si c'est vrai ? le diable n'y trouve pas ses petits.
Et ce ton que tu prends ! c'est comme si tu disais « mes frères », tu parles comme le curé, mais toi, personne ne te souffle le baratin. Tu n'as pas le bon Dieu pour te faire dégurgiter ce qu'il te raconte.
Victor posément laissa tomber ces mots dont la justesse me frappa: Tu n'as qu'à dire que ce qu'il y a dans ton livre, c'est le bon Dieu qui te l'a dit.
Je ne répondis pas.
Il reprit: D'ailleurs ton grand-père...
Je le coupai. Je lui dis que les morts, et mon grand-père en particulier, n'avaient rien à faire dans cette histoire.
Que d'ailleurs je n'écrivais plus. Roussy me lança : Qui a bu, boira.
J'avais pris mon bain de « frères », je partis. Je pensai à une prière, un vieil abracadabra de ma grand-mère : Sainte Barbe, sainte Fleur, qui portez la croix de Notre-Seigneur.
Je ne la dis pas. Je regardais le mont Joué devant moi.
Quand j'arrivai aux Cards, Melissa m'attendait dans sa Twingo. À tout prendre, je préférais un bain de sœur.
Nous le primes trop vite, elle craignait que son mari soit rentré du travail… » 


voilà je vais le lire donc plus avant cela m’a fait rire comment là il s’écoute écrire….Si justement.
Et là, j’ai un peu arrangé la photo des glycines du portail de local du coin de la rue Lecourbe avec notre rue de l’abbé Groult. Pas loin. Au coin de la rue où se rangent les autobus rue Charles Lecoq. Elle a été prise au crépuscule et la voilà maquillée plutôt en matin ensoleillé tout ça pour gommer les cernes du contre jour….

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