jeudi 11 novembre 2010

Le OFF toute l'année : LE LUCERNAIRE



Le off toute l’année : Le Lucernaire


La gestion originale et artisanale du Lucernaire donne encore leur chance aux petites compagnies.

On va au Lucernaire ? C'est ainsi qu'on dit. On ne va pas y voir Le Gorille (au Masque et la Plume à podcaster sur France-Inter) ou Les Misérables. Non, on va au Lucernaire, juste à côté du Luxembourg. Un lieu atypique qui comprend trois salles de cinéma et trois salles de théâtre pouvant accueillir trois cents spectateurs chaque soir, une librairie, un restaurant. On s'y bouscule, on s'empêtre entre le spectacle du Théâtre rouge,
à 18h30, et celui du Théâtre noir, à 20h30 ; on peste en montant au "Paradis", une vraie ruche
avec huit spectacles par soir. Ni abonnement ni saison : un bon texte, un ou deux bons acteurs, rarement plus. On n'y découvre pas un théâtre révolutionnaire : les spectacles (de 1h à 1h3o), sans vraie scénographie - ni la place ni le temps -, lassent un peu, mais les spectateurs aiment bien. Un peu comme dans le off à Avignon, on assiste à du théâtre simple, avec un rapport intime avec les acteurs. Grâce aux choix exigeants de l'équipe, ce serait même ici le "gratin du off". En 2004, après une gestion frauduleuse, la Drac lui supprime toute subvention.
Denis Pryen, propriétaire de L’Harmattan, rachète le Lucernaire , le rafraichit ; y met à sa tête Vincent Colin, metteur en scène, rodé à la direction d’un CDN, et Jean-Paul Chagnollaud, universitaire. « C’était un pari fou. L’image du lieu était épouvantable », dit-il. En septembre 2009, le metteur en scène Philippe Person prend la relève : "En cinq ans, la fréquentation a été doublée et la Mairie de Paris vient de nous accorder une subvention de 15.000 €." Quels mystères cachent la réussite de cette maison animée par vingt-huit salariés et quelques intermittents ? Ici, contrairement à Avignon, les salles ne sont pas louées mais prêtées, avec un ou deux régisseurs. Le Lucernaire prend un risque artistique en  ne demandant aucun minimum garanti. La recette est partagée en deux, grosso modo 50/50. Mais, affirme Brontis Jodorowsky, acteur metteur en scène du Gorille : "L'équipe est sympa, bosseuse et réglo. C'est dur mais, pas déplaisant. " Pour Laurence Février, qui y est en résidence.
"il y a urgence et danger de moi pour les petite compagnies. C’est ça ou rien. A Paris, aucun lieu ne les accueille dans ces conditions. » C'est une occasion exceptionnelle pour elles de rendre visible leur travail pendant au moins quarante jours, plus si le succès est au rendez-vous. Alors, miracle ? Certainement pas : les conditions de montage avant la
première sont terribles. Le soir chaque compagnie dispose d'à peine un quart d'heure pour investir le plateau après le spectacle précédent ; la moquette sur la scène, ce n'est pas génial. N'empêche, c'est fou, mais ça marche ! Ce lieu, qui accueille aussi bien jeunes artistes que talents plus confirmés, a su saisir quelque chose de l'air du temps : rapidité, réactivité, foisonnement. Du vivant.

Sylviane Bernard-Gresh

Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 6ème, 01-45-44-57-34.
(15-30 €).

Sur Télérama Sortir n°3174 du 10/11/2010

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