lundi 9 novembre 2020

La vie mensongère des adultes d’Elena Ferrante

Ce roman m’a tenue, m’a retenue et sortie de cette période dont on ne voit pas le bout, comme un peu l’adolescence. 
En même temps, je lisais Retour à Reims de Éric Petitbon... 
et c’était ce début d’article inachevé après le premier confinement. Au mois d’août ?! Article qui me tombait des mains qui sans images restait « brouillon » car j’avais tellement annoté pour ne rien vouloir en perdre ou à en extirper  du contexte. 

Traduit de l’italien par Elsa Damien. Les traducteurs sont pour moi des écrivains sacrément doués au moins autant que l’auteur exemple Baudelaire et Edgar Allan Poe, mais à part cet exemple qui pourrais je citer ? Pour le théâtre russe André Markowicz...pour Shakespeare le fils Hugo François-Victor.

Revenons à ce livre la vie mensongère des adultes Je l’ai acheté à la librairie point presse papeterie placée dans la galerie de l’Intermarché du Bugue : bourg auprès duquel habite ma Mère, j’aime cette librairie même si avant elle était située au centre ville, car ils évoluent en suivant les gens pour les lecteurs et n’ont pas d’attitude discriminante avec qui ce soit et l’on peut avec eux bien parler des livres, ils ont aussi un large choix..,.
Et puis après j’ai lu à la rentrée de septembre Chavirer(article déjà sur ce blog) 
Je n’aime pas les manipulations les formatages par lesquels on passe depuis la famille le voisinage puis l’école. Et je voudrais ici sur ce blog comme tracer le fil de mes influences au travers des lectures à différents moments ; la lecture que reste t-il ? après un ou deux voir trois mois si on ne note pas ?!
J’ai mis dans le livre de Elena Ferrante des signets.
Les goûts le bon et le mauvais goût... m’ont toujours interrogée même quand plus âgée adolescente,  je reprochais à mes parents tous leurs goûts et avant tout leurs opinions. 
Le temps à 66 ans,  la mémoire que j’ai toujours eue en pointillé et pour cette raison je suis lente je prends des notes recopie marque en marge les meilleurs passages, pour colmater les brèches de mon fil de pensée, de ma mémoire. Je le faisais pour me souvenir de mes textes au théâtre. 
J’ai même donné ma méthode à un ami qui lui ne prenait jamais de notes et maintenant il ne trouve plus facilement les traces de ses dernières lectures...
Se replonger dans le bain, retrouver ensuite les passages où j’ai laissé un signet, relire à voix haute et tout se remet en place les personnages quand c’est un roman. 

Ce livre m’a recueillie.
p 211-212
« Mais je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche. À peine me vit-elle qu’elle m’asséna un long monologue, agressif, douloureux et pathétique, qui me déboussola et m’intimida. Plus elle parlait, plus je me rendais compte que la restitution du bijou n’avait été qu’un prétexte. Vittoria m’avait prise en affection, elle avait cru que moi aussi je l’aimais, et elle avait voulu que je vienne essentiellement pour pouvoir me dire combien je l’avais déçue.
J’espérais que maintenant tu serais de mon côté -Elle parlait très fort dans un dialecte que j’avais du mal à comprendre, malgré mes efforts récents pour l’apprendre–, et qu’il te suffirait de voir quel genre de personnes sont vraiment ton père et ta mère pour comprendre qui je suis, moi, et quelle vie j’ai menée à cause de mon frère. Eh bien non je t’ai attendue tous les dimanches en vain. Un coup de fil aurait suffi, mais non, toi t’as rien compris, au contraire, t’as cru que c’était ma faute si ta famille s’est révélée être une famille de merde. Et pour finir, qu’est-ce que t’as fait ? Vise un peu ça, tu m’as écrit cette lettre, là–une lettre comme ça, à moi–, pour me faire lourdement ressentir que j’ai pas fait d’études, pour me faire lourdement sentir que tu sais écrire et pas moi. Ah t’es vraiment comme ton père, ou bien non, t’es pire, tu me respectes pas, tu ne sais pas voir qui je suis vraiment, t’as pas de sentiments. Donc le bracelet tu dois me le rendre, il était à feu ma mère, tu le mérites pas. Je me suis plantée, t’es pas de mon sang, t’es une étrangère. »

p 250-251
À cette époque, sans avoir décidé, mais comme si je renouais simplement avec une habitude, je me remis à travailler, bien que le lycée me semblait plus que jamais un lieu de bavardages idiots. J’obtins bientôt des résultats corrects et, en outre, je m’efforcai d’être plus disponible pour mes camarades de classe, au point que, le samedi soir, je commençai à sortir avec eux, tout en évitant d’établir des relations amicales. Naturellement, je ne parvins jamais à éliminer tout à fait mon ton hargneux, mes  pics d’agressivité ou mon mutisme hostile. Et pourtant j’avais l’impression de pouvoir m’améliorer. Parfois, je fixais des bols, des verres, des cuillères, un caillou dans la rue et même une feuille morte, et je m’émerveillait de leur forme, que celle-ci soit travaillée ou naturelle. J’observais certaines rues du Rione Alto, que je connaissais depuis que j’étais petite, comme si je les voyais pour la première fois : magasin, passants, immeubles de huit étages et balcons –des bandes blanches posé sur les murs ocre, vert ou bleu ciel. J’étais fasciné par les pierres de lave noir de la via cinq Jack homo des Capri, sur lesquelles j’avais marché mille fois, par les vieux bâtiment gris rose ou couleur rouille, par les jardins. Il m’arrivait la même chose avec les gens : professeurs, voisins, commerçants, inconnus dans les rues du Vomero. Je m’étonnais d’un geste, d’un regard, d’une expression du visage. C’était des moments où j’avais l’impression que tout contenait un sens caché, qu’il me revenait de découvrir. Mais cela ne durait pas. De temps à autre, malgré tous mes efforts, ce qu’il l’emportait  chez moi, c’était le sentiment d’en avoir marre de tout, c’était une tendance aux jugements cinglants et à une envie de querelles. Je ne veux pas être comme ça, pensais-je souvent lorsque je me trouvais entre veille et sommeil. Et pourtant voilà ce que j’étais, et réaliser que je ne parvenais à me manifester que de cette manière âpre et médisante m’inciterait parfois non pas à me corriger mais, avec un plaisir pervers, à me comporter de manière pire encore. Je me disais : si je ne suis pas aimable, très bien, alors qu’on ne m’aime pas ; de toute façon, personne ne sait ce que j’ai jour et nuit dans le cœur. Et je pensais à Roberto, mon refuge.

 p 292-293-294
Dialogue entre Roberto et Giovanna
–Un Dieu facile n’est pas un Dieu. Dieu est autre que nous. On ne communique pas avec lui, il est tellement au-dessus de nous qu’il ne peut pas être interrogé mais seulement invoqué. Quand il se manifeste, il le fait en silence à travers de précieux petits signaux qui sont muets et  proviennent de mots tout à fait ordinaires. En faire sa volonté, c’est baisser la tête et s’obliger à croire.
–J’ai assez d’obligations comme ça.
L’ironie réapparut  dans son regard, et je sentis avec joie que mon style rugueux l’intéressé.
–L’obligation envers Dieu, ça vaut la peine. Tu aimes la poésie ?
–Oui.
–Tu es en lis ?
–Ça m’arrive.
–La poésie est faite de mots, exactement comme la conversation que nous avons en ce moment. Mais quand le poète s’empare de nos mots banals et les libère du bavardage, voilà que ces mots, de l’intérieur, de leur banalité manifestent une énergie inattendue . Dieu se manifeste de la même manière.
–Un poète n’est pas Dieu, c’est juste quelqu’un comme nous qui en plus, sait écrire de la poésie.
–Mais cette écriture nous ouvre les yeux, elle nous émerveille.
–Parfois. 
–Dieu, pour moi c’est ça : une secousse dans une pièce sombre donc je ne trouve plus le sol, ni les parois, ni le plafond. Ce n’est pas une chose qui se discute, sur quoi on peut raisonner. C’est une question de foi. Si tu crois, ça marche. Autrement, non.
–Pourquoi devrais-je croire en une secousse ?
–Par esprit religieux.
–Je ne sais pas ce que c’est.
–Pense À une enquête, comme dans les romans policiers, mais où le mystère reste un mystère. L’esprit religieux, c’est chat : une secousse qui te pousse en avant, toujours plus en avant, pour dévoiler ce qu’il reste voilé.
–Et je ne comprends pas.
–Les mystères ça ne se comprend pas.
–Les mystères sans solution me font peur. Moi je me suis identifiée aux trois femmes qui vont au sépulcre, ne trouvent plus le corps de Jésus et s’enfuient.
–C’est la vie qui devrait te faire fuir, quand elle est obtus.
–La vie me fait fuir quand elle est souffrance.
–Tu veux dire que tu te contentes des choses comme elles sont ?
–Je veux dire que personne ne devrait être crucifié, en particulier par la volonté de son père. Ça ne se passe pas comme ça.
–J’ai une change ne te plaît pas il faut la changer.
– changer aussi la création ?
–Bien sûr nous sommes là pour ça.
–Et Dieu ?
–Dieu aussi, s’il le faut.
–Attention, tu blasphèmes.
L’espace d’un instant, je l’impression que Roberto avait saisi l’intensité de mes efforts pour lui tenir tête, et que ses yeux ont brillé d’émotion. Il dit :
–si le Blachevelle me permet ne serait-ce qu’un petit pas en avant, je blasphème.
–Vraiment ?
–Oui j’aime Dieu et je serai capable de tout, même de l’offenser, pour m’approcher de lui. C’est pourquoi je te conseille de ne pas envoyer tout valdinguer : attends un peu, l’histoire des Évangiles en dit plus que ce que tu lui as trouvé pour le moment.
–Il y a tant d’autres livres à lire. Les Évangiles, je les ai seulement lus parce que tu en as parlé, ce jour là, à l’église, et que ça m’a intrigué.
–Relis-les. Ils parlent de Passion et de croix, c’est-à-dire de souffrance. La chose  qui te déboussole le plus.
–C’est le silence qui me déboussole.
–Toi aussi, tu as été silencieuse pendant une bonne demi-heure. Mais ensuite, tu vois, tu as parlé. 

p 301
Le temps de mon adolescence est long, fais de gros blocs gris ponctués brusquement de reflets verts, rouges ou violets. Les blocs n’ont pas d’heures, de jours, de mois ni d’années, et les saisons sont incertaines, il fait chaud et froid, il pleut et le soleil brille. Les bosses non plus n’ont pas de temporalité bien définie, leur couleur compte davantage que toute tentative de datation. D’ailleurs la durée même de la teinte et que prennent certaines émotions n’a pas d’importance, celle qui écrit le sais bien. Dès que l’on cherche à mettre des mots dessus, la lenteur se transforme en tourbillon, et les couleurs se mélangent comme des fruits différents dans un robot mixeur. Non seulement « le temps passa » devient une formule vide, mais même des indications comme « un après-midi », « un matin  » ou « un soir » ne sont plus que des facilités.

p 304-305
Je dois dire qu’au début, je fus pleine d’anxiété. À chacune de nos rencontres, je me disais que j’avais peut-être été trop loin, que je cherchais à lui tenir tête –il avait presque 10 ans de plus que moi, j’allais au lycée et lui enseignait à l’université– avait été  une marque de prétention, et que je m’étais sans doute couverte de ridicule. Je me repassais mille fois dans la tête ce qu’il m’avait dit, ce que je lui avais répondu, et je ne tardais pas à avoir honte de chacune de mes paroles. Je prenais conscience de la légèreté futile avec laquelle j’avais liquidé des questions compliquées, Et je sentais croître en ma poitrine un malaise très semblable à celui que j’éprouvais, enfant, lorsque je faisais impulsivement quelque chose qui allait certainement déplaire à mes parents. À cet instant, je doutais d’avoir suscité une quelconque sympathie. Dans ma mémoire, son ironie changeait de nature et devenait explicitement de la moquerie. Je me rappelais avoir eu recours à un ton méprisant, je repensait à certains passages de notre conversation, quand j’avais tenté de faire mouche, et il me venait une sensation de froid et de nausée, comme si je voulais m’expulser de moi-même, comme si j’allais me vomir.
Cependant en réalité, il n’en allait pas ainsi. Chacun de ses rendez-vous me faisait progresser, les paroles de Roberto déclenchaient immédiatement en moi un besoin de de lectures et de connaissances. Mes  journées devinrent une course pour arriver à notre prochaine rencontre mieux préparer, avec des questions plus complexe sur le bout de la langue. Je commençais par fouiller dans les livres que mon père avait laissé à la maison, afin d’en trouver qui me permettait de mieux comprendre. Mais mieux comprendre quoi, qui ? Les Évangiles, le père, le fils, le Saint Esprit, la transcendance et le silence, l’embrouillamini de la foi et de l’absence de foi, la radicalité du Christ, les horreurs de l’inégalité, la violence toujours exercée sur les plus faibles, le monde sauvage et sans limites du système capitaliste, l’avènement de la robotique, la nécessité et l’urgence du communisme ? Roberto passait sans arrêt d’un sujet à l’autre, et avait toujours une vaste vision des choses. Il faisait tenir ensemble le ciel est la terre, il savait tout, il mêlait exemples tirés de la vie quotidienne, fictions, citations et théories, et moi j’essayais de le suivre, oscillant entre la certitude de passer pour la fille qui parle en faisant semblant de savoir et l’espoir d’avoir bientôt une nouvelle occasion de prouver que j’étais meilleure que ça.

p 312-313
Pourquoi dès qu’on creuse un peu, trouve-t-on le sexe dans toute chose, même les plus élevées ? Pourquoi un seul adjectif est-il insuffisant pour décrire le sexe, et pourquoi en faut-il tant -gênant, insipide, tragique, joyeux, agréable, rebutant–, et jamais un seul, mais tous à la fois ? Un grand amour sans sexe est-il possible ? Les pratiques sexuelles entre hommes et femmes peuvent-elles ne pas gâcher le besoin d’aimer en étant aimé en retour ? Je m’imaginais en train de poser ces questions et d’autres encore, d’un ton détaché et peut-être un peu solennel, surtout pour éviter que Giuliana et lui puissent penser que je voulais espionner leur vie privée. Mais je savais que je le ferais jamais. 

p 321
Je remontais lentement chez moi. Cette expression –ne plus rien y voir– ne voulait plus me quitter. Tout a l’air en ordre–bonjour, à bientôt, installez-vous, qu’est-ce que vous voulez boire, vous pouvez baisser un peu le son, merci, de rien. Et pourtant, un voile noir peut s’abattre à toute instant. C’est une brusque cécité, on ne sait plus mettre les choses à distance, mais on se cogne partout. Cela concernait-il seulement quelques personnes, ou bien n’importe qui pouvait-il en arriver à ne plus rien y voir, une fois une certaine limite dépassée ? Et était-on davantage dans le vrai lorsque l’on voyait toutes choses clairement, ou bien lorsque les sentiments les plus puissants et les plus intenses–la haine, l’amour–nous aveuglaient ?

*******************critique de Télérama 

Avec “La Vie mensongère des adultes”, Elena Ferrante provoque un dernier frisson littéraire avant 

Marine Landrot,

Publié le 06/06/20 mis à jour le 08/10/20

Dans La Vie mensongère des adulte, Elena Ferrante suit la vie d’une Napolitaine de 12 à 16 ans… Un subtile autoportrait ?

Dans La Vie mensongère des adulte, Elena Ferrante suit la vie d’une Napolitaine de 12 à 16 ans… Un subtile autoportrait ?

Photo: Mirjam Appelhof/VOZ'Image

De sa plume mordante, la grande et mystérieuse autrice plonge au cœur du cyclone intérieur qui secoue une adolescente. Un roman d’apprentissage brillant.

Giovanna se croyait belle, avec ses cheveux lumineux, mais soudain elle se sent laide, à en bouillir de honte. Elle portait des vêtements roses comme l’aurore, et voilà que la nuit noire envahit sa silhouette bourgeonnante. Elle avait des notes brillantissimes à l’école, et subitement c’est la dégringolade désinvolte. Turbulence de l’adolescence et entourloupe du destin, depuis L’Amie prodigieuse, on connaît de quel bois se chauffe Elena Ferrante, qui revient de très loin, de très haut, propulsée au firmament de la gloire littéraire, avec triomphe en librairie et série afférente, le tout au débotté comme de qualité, sans que jamais l’autrice montre son vrai visage, du sommet de sa tour d’ivoire à l’adresse tenue secrète.

La voilà de retour, intacte, souveraine, avec un brillant roman d’apprentissage dont l’arrivée en Italie a quasiment provoqué, en février dernier, des files d’attente dignes des nouvelles parutions de Haruki Murakami au Japon. Autant rassurer les inconditionnels, suite il y aura, si l’on en croit la dernière phrase engageante, qu’on peut lâcher sans rien divulgâcher : « Nous nous fîmes une promesse : nous deviendrions adultes comme aucune fille n’avait jamais réussi à le faire. »

Saisir le temps qui passe est l’aptitude première d’Elena Ferrante, qui déroule ici quatre années cruciales dans la vie d’une Napolitaine de 12 à 16 ans. Le récit fend l’air, sinueux et tranchant, tandis que sous l’admirable étude de caractère un autoportrait de l’autrice se dessine : « Je n’ai fait que glisser, et je glisse aujourd’hui encore à l’intérieur de ces lignes qui veulent me donner une histoire alors qu’en réalité je ne suis rien »,confesse l’héroïne, Giovanna, au début de ce livre prenant, consacré à sa mise en lumière pour que ce rien devienne plein. La jeune fille est éperonnée par des rencontres décisives qui la mènent à l’intérieur d’elle-même, dans un mélange de sourde douleur et d’ivresse virevoltante.

Giovanna s’entiche d’abord d’une tante, brouillée avec ses parents depuis bien avant sa naissance, une sorte d’Anna Magnani libre et blessée, en couple avec la femme de son amant défunt, dotée du franc-parler propre aux êtres abîmés par la colère. Cette fée maléfique lui transmet le plus dangereux des pouvoirs, celui de l’intransigeance envers soi, capable de vous ronger jusqu’à vous faire disparaître, mais aussi propice à l’éveil absolu.

“Une ambiance de cimetières, de torrents et de chiens féroces…”

Elena Ferrante parle depuis le point de bascule entre les deux, debout sur la ligne de frontière, en poste d’observation. Elle a trouvé la place juste, dans l’œil du cyclone, au milieu du tourbillon des apparences et de la réalité, du bien et du mal, pour absorber l’énergie ambiante sans vaciller, et la redistribuer avec une grande intelligence. Tel est le secret de son écriture, précise, mordante, centrifuge, assez assurée pour faire des embardées dans l’imaginaire le plus halluciné, comme Giovanna, qui, pour épater ses amies, réinvente la vie de sa tante, « dans une ambiance de cimetières, de torrents et de chiens féroces, de flammes de raffineries et de squelettes de bâtiments abandonnés ».

Quand se déroule l’histoire ? Rares sont les indices qui le révèlent, mais l’ambiance fin de règne du XXe siècle est palpable. Pas de téléphone portable ni d’Internet, des femmes en tailleur et collier de perlouses, des adolescentes en tee-shirt échancré. La libération des mœurs a visiblement tenté d’avoir lieu, dans les années 1970, mais une quinzaine d’années plus tard, le naturel pincé est revenu au galop, avec son cortège d’hypocrisies et de cachotteries. La cruauté le dispute à la vulnérabilité, le patriarcat tire ses dernières cartouches, la peau dure des conventions se ramollit, les coups font tous mal. Sur ce terrain miné, une jeune fille fleurit, décidée à interroger en priorité son consentement. Face aux sollicitations des hommes, des amies, de la famille, de l’école, elle apprend à soulever au fond d’elle « la pierre sous laquelle est cachée une vie élémentaire ». La seule vie qui vaille, celle qui nourrit les romans palpitants.

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