vendredi 2 février 2024

Edmont oncle Georges Georges Edmont

Voilà ça faisait longtemps que je ne m’étais pas laissée piéger par ce putain de machin à éditer avant de poster, de FB… ah ça va mieux en le disant !
Il a disparu mon article d’une page format Smartphone … c’est presque poétique comme la trace des absents sur nos écrans 

C’est vertigineux quand on va au théâtre la sortie l’absence de toute cette vie embrassée après un spectacle 

J’aurais du faire des selfies avec ceux que je connaissais : @nicolasmartel @jeanmichelrabeux @georgesedmont 
Et surtout mais c’est ce soir la dernière et c’était déjà complet 23 places au maxi la jauge est petite 
Et nous spectateurs après, il ne nous reste rien de cette étreinte sans contrainte !?
C’est le premier spectacle aussi désarmant et désarmé qui nous relie complètement les uns les autres. Normalement en appartement on ne s’y sent pas si bien entouré (j’ai déjà vu d’autres spectacles) 
d’art d’aimer et de délicatesse avec rappel des périodes où tout semblait perdu : Guerre la 2 eme et les années « Sidamour sida mort » comme chantait Barbara 
Pourquoi j’ai perdu l’article que j’essayais de publier sur FB parce qu’entre temps j’ai lu tout le petit livre : Georges d’une traite et FB chez ces gens-là on n’attend pas on compte ….comme chantait Jacques Brel….donc c’est avec Nicolas Martel toujours aussi fondant, dans le rôle de son double à Georges son double jeune car on reste toujours jeune quand on aime aimer et Georges Edmont dans le rôle muet de celui qui s’asseoit et regarde de l’intérieur et qui basta n’a plus les mots mais il chante et justement quand on est redevenu muet comme à son adolescence et encore longtemps après on sourit.
Mais il chante et quelles chansons : l’amour nous fait faire des folies….
Leur complicité à eux deux acteurs est palpable on respire ou pas, au même rythme.
À la mise en scène Jean-Michel Rabeux est assisté de Santiago Montequin un gage d’élégance, je l’ai déjà vu jouer. Et s’il devient metteur en scène il reprendra la flamme…..sa flamme intérieure… Flamme comme une mer intérieure quel travail à tous mature, comme un bon vin 




ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Georges, une vie de pédé. On peut le dire ce vilain, ce sale mot homophobe, un crachat porté ici haut, en sautoir par Georges. Car c’est sa vie à lui, Georges. Une vie de pédé qui commence par le désamour d’une mère bonniche. Georges, un bâtard chié et de père inconnu. Ça commence d’ailleurs comme ça ce formidable et délicat récit, par la mort de la mère qui vous délivre et si l’on chiale c’est de joie, d’être enfin libre à 36 ans. On ne tue pas sa mère, mais c’est tout comme. Georges raconte sa vie. Ces premiers émois homosexuels. Sans rien y comprendre. Est-ce normal ? Sa réussite professionnelle, à 20 ans plus jeune sommelier de France à La Tour d’argent, et l’apprentissage de l’hypocrisie qui va avec. Le sourire qu’on affiche en toute circonstance. Le sourire vrai-faux comme un rictus. Mentir, se mentir. Comme dans la vie, puisqu’être pédé t’oblige à te planquer, nous sommes dans les années cinquante ne l’oublions pas. Amours furtives, amours d’un soir, amours de square… Le dégoût de soi. L’hôpital psychiatrique, je suis pédé, suis-je malade docteur ? La famille encore, la mort de la mère donc, la recherche du père. Se trouver un demi-frère, une demi-belle-sœur, empuantis de crasse, de violence et de bêtise. Alors au sortir de cette rencontre catastrophique, le corps qui vous lâche, la pluie qui vous nettoie mais il suffit de la poigne d’un camionneur pour naître, enfin. « Je suis Georges Edmont ».  Aller sur la tombe du père inconnu, au carré des indigents, et régler ses comptes, en « un geste à la con » qui délie les liens, déchirer son acte de naissance. Les années 80, Jérôme le grand amour et le SIDA. La mort collée aux basques, défiée, à qui le tour, quand mon tour ? C’est comme ça aussi qu’on est pédé, par le sang contaminé. Jérôme est mort, Georges aussi. Enfin le croyait-il. Mais il suffit d’un sourire, sur un trottoir un jour de juillet 2000, pour revivre, vaille que vivre. Sans rien oublier, jamais. « C’est des bouffes la vie, les pédés ». Georges est un phénix.

Voilà, c’est la traversée d’une vie, une vie de pédé. On songe à Didier Eribon, à Annie Ernaux. L’invention de soi qui ne va pas sans ce foutu sentiment de honte, de déclassement social et sexuel, qui ne vous lâche pas mais ne vous empêche pas d’avancer, quand même. Question de survie. L’humour en plus, cet humour cinglant de pédé lucide qui cautérise les écorchures toujours à vif, la difficulté d’être, la violence homophobe, familiale ou sociale. Gorges a 80 ans aujourd’hui et il est là qui nous reçoit dans son appartement, rue de Jarente. Lui et son double, Nicolas Martel. Qui est Georges, plus jeune. Et ces deux-là qui n’en font qu’un dialoguent, monologuent, ce qui est du pareil au même. Nous racontent cette vie singulière, cette traversée tragi-comique, oui ça peut être drôle une vie de pédé. Et il ne faut pas manquer d’observer le visage de Gorges le vieux, sculpté par les ans, écouter le récit de sa vie… des ombres y passent qui en disent fort long. Georges le jeune mène le récit, Georges le vieux précise quelques détails. On y chante aussi. Complices, ils ne font qu’un, oui, que scelle un baiser final, poings sérrés, qui vous foudroie, où la vieillesse apaisée, espére-t-on, de Georges se réconcilie avec sa jeunesse tourmentée. Tous deux sont formidables, un jeu dépouillé de toutes scories théâtrales pour atteindre une franche épure qui brouille la frontière entre théâtre et réalité. C’est autobiographique mais la vie est un théâtre aussi. Jean Michel Rabeux, qui les connaît bien tous deux, compagnons théâtraux au long cours, met cela en scène avec simplicité, avec la même pudeur et délicatesse que ce récit tout en retenue. Et parce que dans cette pièce où nous sommes conviés, au milieu de cet élégant appartement dépouillé, la proximité devient vite intimité, le ton tient de la confidence, du secret partagé autour d’un excellent verre de blanc ou de rouge, au choix. C’est bouleversant de vérité chuchotée.

 

Georges, de Georges Edmont

Mise en scène de Jean-Michel Rabeux

Assisté de Santiago Montequin

Avec : Georges Edmont et Nicolas Martel

 

du 22 janvier au 2 février 2024 

du Lundi au vendredi à 20h30

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