mercredi 29 décembre 2010

Jean-Pierre Marielle : Le Grand N'importe quoi, enfin un livre......

c'est très bien le Grand N'importe quoi de JPM


une épure que du maigre, un abécédaire

il recommande

Peau d'ours d'Henri Calet

qui a été lu par Delon chez Taddeï et ce livre est INDISPONIBLE, les éditeurs concurrents sont des idiots...

 à ARTISTES il donne la définition :
Explorateurs, poètes, ce sont les acteurs qui nous emmènent visiter des contrées inconnues, nous dévoilent le monde tel qu'on ne l'imaginait pas, ouvrent des portes dont on ne soupçonnait pas même l'existence. Il faut voir et entendre autrement et autre chose que les évidences. Serge Reggiani en était. Jean Gabin en dépit de son imposant talent, non.

 à CONSERVATOIRE
Il* nous a appris que la sincérité l'emporte sur tout , et que l'on construit son personnage à partir de l'absence de toute explication, depuis un trou , dont il ne fallut pas nécessairement chercher à s'extraire. Il m'avait prédit de nombreux emplois de maniaques et de dépressifs.

*Georges Le Roy qui avait été élève de Sarah Bernhardt 

à Alain CORNEAU à propos de Tous les matins du monde 
Je pense souvent à ce tournage, il était de ceux qui rendent ce métier digne d'être fait. 
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Gérard Depardieu et moi sommes de deux mondes qu'on aurait pu croire irréconciliables : il est un grand lyrique fou, je serais plutôt un acteur de composition. Pourtant nous nous entendîmes à merveille. Nos rôles et nos personnalités s'entremêlaient, et, si nous étions fidèles aux répliques, je ne savais pas très bien, qui de son personnage ou de Gérard, s'adressait à moi et auquel je répondais. J'aimais beaucoup ce trouble. J'ai une tendresse infinie pour cet homme et une admiration transie pour l'acteur. 


à DEVISE


Ne jamais faire d'effort, ou le moins possible, ne m'a pas empêché d'arriver là où je suis (où ? Je n'en sais rien, mais j'y suis bien).
L'effort est le contraire de l'art : il faut travailler, certes, mais, s'il faut se forcer, ce métier n'est pas pour vous. Là où il y a de l'effort, il n'y a pas d'amour.


à DIEU


À l'église, je ne prie pas, je visite.
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Je crois cependant à une présence détachée de toute croyance organisée. Je suis attaché à la nature, aux arbres, j'y vois et entends une trace de mes origines et l'esquisse de mon sort post mortem : j'entre dans une forêt comme le fidèle plonge un doigt dans le bénitier. Je pourrais passer des journées entières dans les arbres comme disait Duras...


à DIRECTEUR (D'ACTEURS)


Il y a des directeurs de conscience et de banque, mais pas d'acteurs. Tout ce que peut indiquer un cinéaste après vous avoir engagé, ce qui témoigne déjà de sa confiance, c'est le chemin du studio. Et encore, un stagiaire dévolu à cette fonction fait très bien l'affaire.
Je suis toujours à l'écoute. Mais si je ne me sens pas en accord avec ce que le metteur en scène veut m'imposer, je résiste - je ne pense pas que l'artiste si l'on veut bien considérer qu'un acteur peut en être un de temps en temps, doive obéir sans barguigner*- en me murant dans le silence. S'entendre expliquer point par point ce qu'il faut faire, avant même de présenter ce que l'on avait imaginé, pour guider le comédien comme s'il était un enfant myope sans lunettes, est non seulement castrateur, mais méprisant. Dans un mauvais jour, je peux leur répondre que, s'ils sont aussi sûrs de leur fait, rien ne les empêche de jouer à ma place. Le conflit est toutefois préférable à l'attitude de metteurs en scène arrivés par hasard, parce qu'il y avait de la lumière et du chauffage.
Je crois aux répétitions pour une pièce de théâtre où il faut par le travail quotidien avec ses partenaires éliminer tout le superflu pour accéder à un certain naturel ou à une stylisation parfaite mais au cinéma je les juge inutiles, dangereuses, tant elles mécanisent le jeu, l'inhibent par toutes les couches d'indications. L'invention et l'imagination sont alors brisées net.
 Je me contente d'être ponctuel, aimable, de suivre un régime équilibré en protéines et d'être raisonnable en toutes choses. Des metteurs en scène comme Bernard Murat ou Patrice Leconte ont pour immense qualité d'aimer passionnément les acteurs, ils les laissent alors libres d'aborder un rôle comme ils l'entendent, quitte à leur suggérer, oh ! bien poliment, qu'ils font fausse route.
Bernard m'a dirigé aussi bien dans du Guitry, du Pinter que du Carrière : il a vite compris qu'il fallait d'abord me laisser donner naissance au personnage, avant de l'habiller de ses indications. Murat sait aussi que le texte fait un spectacle c'est l'acteur qui donne au texte sa présence scénique.  
Je dois le meilleur conseil reçu sur un tournage à Laurent Heynemann pour Les mois d'Avril sont meurtriers. Je ne savais pas trop quoi faire de ce personnage, que j'aimais terriblement pourtant. Je m'ouvris à lui de mes doutes : "Ne fais rien " fut sa réponse. J'ai laissé le rôle venir à moi, et les choses se sont faites le plus naturellement du monde. Morale de l'histoire : il n'est pas vraiment nécessaire de faire des efforts lorsqu'on est perdu.



DROMADAIRES

Avec ses quatre dromadaires
Don Pédro d'Alpharoubeira
Courut le monde et l'admira
Il fit ce que je voudrais faire
Si j'avais quatre dromadaires 

Appollinaire a écrit ces vers que je chéris.

*barguigner : hésiter tergiverser.... (quel joli mot Merci JPM, je suis actrice du même bateau et l'on est de moins en moins nombreux.... )
 

EMILFORK (DANIEL)


Il est mort inconnu, ce qui me désole : immense acteur, toujours surprenant, d'une poésie infinie, il était digne de jouer Shakespeare, ou Beckett, enfin, un grand auteur. Sa réserve, presque douloureuse, m'attendrissait. Il est, hélas, la preuve que le talent n'est pas toujours récompensé dans un métier aussi aveugle que cruellement arraché aux apparences.


INTELLIGENCE (DU TEXTE)


Il faut le lire deux fois - la première pour soi, la seconde en pensant à la scène, en sentant les moments où imprimer une pression particulière, devenir la faille où l'identité de l'acteur doit s'infiltrer. Il y a mille façons de dire un texte, mais aucune qui s'apprenne.


MIDI (APRÈS)

C'est mon moment favori. Il est vrai que je vis peu le matin, que je mets à profit pour dormir, je préfère que les journées commencent sans moi, les attraper en route comme un train au démarrage. Je suis davantage du soir ou de la nuit. J'aime les fins de journée, cet instant de transition entre deux états, quand le soleil envisage de se coucher : la lumière décline, s'adoucit, ses ombres se dessinent, les bruits changent, des animaux se réveillent. De même, j'aime le thé lorsqu'il n'est plus chaud mais pas encore froid - bref, je le bois quand il a un goût d'après-midi.

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