En revenant de voir La Petite Douleur que je vous conseille toujours aussi fortement.
Pinter ce n'est pas aussi vertigineux que Thomas Bernhard mais une fois acceptée la désensibilisation obligatoire, ce sont des auteurs qui rendent plus intelligents, lucides voir désespérés.
C'est très difficile de parler de cette pièce : La Petite Douleur, elle m'a renvoyée à l'impunité qu'ont certaines personnes qui méprisent les immigrés de l'Est, ce sont les derniers arrivés.
Et de ces gens très intelligents riches et élégants : anglais qui ont la folie de se payer le monde.
Tuer faire souffrir achever un insecte dans un pot de marmelade n'est amusant qu'un temps...
Dans cette pièce les acteurs sont aussi capables de travailler dans le détail et la rupture de jeu.
Ils sont exceptionnels dans ce qui s'appelait avant "la diction", pas un mot dans les monologues n'est évincé. C'est un travail de miniatures persanes que la mise en scène : beau et essentiel ; les deux protagonistes de départ dans ce théâtre, avec des miroirs sans tain, une théière d'argent, une tasse grise, des costumes gris et des chaussures si fines pour la femme qu'elles soulignent la beauté de sa jambe. Truffaut n'est pas loin un couple très beau qui prend le petit déjeuner dehors...
Mais voilà les miroirs suspendus du fond de scène vont nous refléter, nous décomposer jusqu'à la perte du sens et à la violence sans garde-fou.
Je voudrais saluer les comédiens et tout particulièrement celui qui joue le personnage muet toute la pièce. Sa présence d'abord comme l'hologramme de son visage dans le miroir devient fascinante. Il parait ensuite comme un personnage de conte, le roi des neiges, ou le petit vendeur d'allumettes, ou un pauvre et puis non, un noble russe blanc exilé... un personnage de Tchékov.
J'adore Tchekov et Woody Allen, c'est comme cela. Qu'est-ce que cela vient faire ici ?
juste en passant je vous cite cette phrase de Woody Allen : "Si Dieu existe, j'espère qu'il a une bonne excuse."
Une amie qui était là, m'a parlé des Belges à voir au Théâtre de la Bastille, des Belges que je ne connais pas ! eh ! non, vous pouvez essayer d'y aller mais c'est complet jusqu'à la fin. Au théâtre en général même quand c'est complet, si vous y allez une heure avant vous pouvez récupérer quelques places sur liste d'attente après qu'ils aient répertoriés les annulations. J'ai vu comme cela bien des pièces mais là je n'en ai plus le courage.
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d'après l'article de LA TRIBUNE
Terribles drames minuscules
L'auteur autrichien Thomas Bernhard était considéré comme scandaleux et provocateur par ses compatriotes. Ses courts récits pointent des gens qui ne contiennent pas leur racisme. Un trio d'acteurs du groupe tg.STAN théâtralise cinq des "Dramascules" de l'auteur. Un peu haché mais saignant.
C'est un sacré fouillis sur la scène du Théâtre de la Bastille (Paris). Des planches, une télé, des rangées de cintres, des panneaux ou encore des enseignes, le tout enchevêtré au milieu de ce qui ressemble à une piste de cirque sur laquelle un chapiteau va vite s'écrouler. Les comédiens du groupe belge tg.STAN, Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo et Damiaan De Shrijver - des habitués du Festival d'Automne à Paris et du théâtre de la Bastille - s'engagent sans trop d'équilibre dans des changements de costumes avant de faire entendre des textes courts de Thomas Bernhard, l'auteur autrichien au verbe rageur mort en 1989 (*), dans un spectacle titré ""Sauve qui peut" pas mal comme titre".
Dans l'oeuvre du "scandaleux et provocateur" Bernhard - il dérangeait par ses invectives à l'encontre de ses compatriotes et de ses voisins allemands qu'il accusait de "contourner" leur passé nazi -, le trio belge a précisément choisi cinq "dramascules", ces chroniques ou drames minuscules de la vie ordinaire qui, sous des dialogues façon "le temps n'est plus comme avant" ou "l'voisin n'a pas d'chance", sont d'une méchanceté, d'un racisme ou d'un cynisme terrible.
Dans "Glaces, Un mort, Match, Acquittement, Le mois de Marie", récits repris ici par tg.STAN, Thomas Bernhard appuie sur ce qui fait le terreau des peurs du monde: l'autre, cet étranger fondamental synonyme de danger. Que ce soit dans "Match" (pendant que son mari reste scotché devant la télé pour un match de foot, la femme s'engage dans un soliloque délirant bourré de peurs et de haine), dans "Le mois de Marie" (deux bigotes parlent près d'un cimetière où l'on enterre un M. Geissrathner mort dans un accident avec un cycliste turc...) ou encore dans "Un Mort" (deux femmes sortant de l'église croient voir un mort dans un rouleau de papiers jeté sur la bas-côté du chemin... en fait des affiches nazies égarées par le mari de l'une des deux pour une campagne politique !!).
Les trois comédiens ne manquent pas d'irrespect pour rendre la violence de la parole de Bernhard. Surtout quand, en fin de partie, ils font entendre la "Marche de Radetzky", célèbre marche de Johann Strauss "bissée" à chaque concert du nouvel an par les Viennois mais aussi symbole de la chute de l'empire austro-hongrois, dans le roman de Joseph Roth. Mais ils poussent parfois trop dans le détail et la rupture de jeu, encombrés qu'ils sont par le fatras qui les entoure, pour emporter une totale adhésion.
""Sauve qui peut" pas mal comme titre" jusqu'au 20 janvier à Paris (01 43 57 42 14). A Toulouse (1-2 février) au théâtre Garonne, à Aix-en-Provence (4-5 février) au théâtre A. Vitez, à Lyon (du 11 au 15 février) au Point du Jour, à Strasbourg (13-14-15 mars) au Maillon et à Genève (du 17 au 21 mars) au théâtre St-Gervais.
(*) A lire le Quarto (Gallimard, 952 pages, 25 euros) titré "Récits 1971-1982" et riche de textes autobiographiques ("L'Origine", "Le Souffle"...) accompagnés d'un ensemble biographique remarquable, notamment un entretien avec André Müller.
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