dimanche 28 janvier 2007
Un film qui bat dans mes veines
« De battre mon coeur s'est arrêté » Ce film a un titre qui mérite le détour. Il est de l'étoffe des rêves et des cauchemars que l'on se fait de chacun. Comment se défroisser d’un héritage ? Mais avant d’aller sur les pas de ce jeune homme, ceux de Tom interprété par Romain Duris, je me dois de poser cette question.
Qu'entend t-on par une critique de cinéma, c'est sur le film qu'on s'est fait d'un film, ou sur les images véritables, générique y compris, qu'on a regardées tout le seul temps du film, les yeux grands ouverts dans une salle de cinéma ?
Ce film, depuis sa sortie, a été largement récompensé. Il a aussi fait l’objet de verdicts, tels que film français, bien entendu, par opposition aux seuls films américains, film à histoire, c’est déjà ça ! mais histoire invraisemblable.
Je pense que c'est forcément un compromis des deux, de fiction et de réalisme : un film…
Un remake d’un remake : « Fingers » de James Toback avec Harvey Keitel inspiré de « Tirez sur le pianiste… » de François Truffaut avec Charles Aznavour Débat aussi vain : l’histoire vraie que l’époque pour les films d’époque ou dits « à costumes ».
Mais comme il y a des livres qui vous donnent l’impression de grandir, il y a des films qui vous redonnent espoir ; deux me viennent immédiatement à la tête et au cœur, ce film d’Audiard et celui de Tommy Lee Jones : « Trois enterrements » avec l’excellent jeune homme Barry Pepper . Comment changer ? quand il n’y a rien ou plus rien d’autre que la violence, l’isolement, la dépendance qui refoulent qui culbutent toute expression, ouverture, effusion, intelligence d’autrui.
Qui peut juger de l’histoire d’un jeune ? Jeunes, les jeunes que nous avons tous été. Monsieur Jacques Audiard a de la mémoire. Il filme la trépidante vie : canevas d’erreurs et d’échecs patchwork de rencontres sans lendemains. Qui de l’agent imprésario de sa mère, qui de la femme de son collègue, qui de sa jeune professeur de piano vietnamienne (il ne partage avec elle que la musique, au début, c’est-à-dire ce qui passe sans les paroles) qui va déterminer sa vie ? l’accompagner, rester.
Je me souviens d'avoir regardé du coin de l'oeil l'ami de ma vie, voir et revoir ce film sur toutes ses diffusions cinéma en salle et sur Canal.
En effet rares sont les films où l'on se soucie du regard de l'autre sur l'objet composite qui ainsi renaît d'un désir conjugué à plusieurs degrés de mystère. Qu'as-tu vu toi ? Tu ne me le diras jamais... car on ne connaît pas les êtres auprès desquels on vit. On ne peut découvrir d’eux que les films qu’ils aiment.
Je sais que revenant du dehors on s'asseyait et on revoyait le film jusqu'au bout de notre soirée.
Je sais aussi que j'ai évité de peu la dispute d'avec des amis de l'extérieur, qui se retranchaient devant l'habituelle réticence : « je déteste cet acteur. »
Romain Duris est le film, il dérange tant mieux, les images traversées sans complaisance, à une vitesse onirique en accélérés, puis en ralentis, en plans larges extérieurs, en plans serrés à l’intérieur, dans les bars en gros plans sur les mains, sur les visages, sur la peau qui vibre : la musique des images… le précède, le suit, nous poursuit.
Ce beau jeune homme Romain Duris a une capacité à se remplir des rêves d’autrui, il en a démêlé de plusieurs mondes : Klapisch, Gatlif …Comme Jean-Pierre Léaud, Alain Delon, Helmut Berger, ce n’est pas toujours facile de s’affranchir de ses pères-pairs réalisateurs metteurs en scène,
À moins de faire le vide, et qui sait c’est une capacité de musicien, d’interprète par excellence, de passer d’un compositeur à un autre. Mais notons la qualité de toute la distribution avec le trop rare Niels Arestrup à la présence animale.
Et je trouve qu’il y a un hommage rendu aux assistants, car les créateurs créatifs sont si fragiles quand ils ne savent pas tout faire, qu’il vaut mieux qu’ils s’en tiennent à ce pourquoi ils sont faits ; un hommage rendu aux agents, accompagnateurs, assistants, imprésarios. Tom va devenir l’agent, l’organisateur de concerts de sa professeur, il épouse la femme et son art, il est enfin rendu à lui-même par cette femme ; elle a le talent et la beauté, il a la pugnacité, l’humilité, l’autorité, la connaissance des milieux et celle de la musique.
Les rêves de soi sont aussi parasites que les blocages.
Jacques Audiard est, comme tout le monde le sait, le fils de son père Michel Audiard .
Mais qui est le père du fils quand on sait que Michel l’immense dialoguiste scénariste, n’a pas réussi à devenir un grand réalisateur. Son fils pudique déclare à Berlin : «Autant pour sa période d’auteur je peux dire qu’il a écrit des choses importantes et formidables, autant pour ses films, franchement je n’aime pas du tout. Voilà…c’est peut-être pour ça que je peux faire des films. »
Plus je vis plus j’ai besoin de cinéma pour vivre et ce film est une tranche dorée de ma cinémathèque intérieure.
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