mercredi 12 novembre 2008

Je suis allée voir OTHELLO mis en scène par Éric VIGNER, À L'ODÉON, RÉVEILLONS-NOUS...





Je viens d'écouter une critique de la douairière de Télérama Madame Pascaud qui assène : N'allez-pas voir la pièce ( je l'ai vue pour vous) les comédiens n'arrivent pas à phraser le texte même Michel Fau, ils ne croient pas à ce qu'ils jouent, texte pris à contre pied, l'amour de deux hommes...
Et alors là, écoutez-là, c'est à mourir de rire, de déplaisir, si elle lit son texte, elle le lit mal, mais en plus elle parle comme si elle était lasse et peu amoureuse ... du théâtre.
Je la verrais très bien comme cela, imitation du chic anglais et réactionnaire pour faire genre. Elle n'a pas vu la même pièce que moi, ça pourquoi pas, mais où l'on arrive à des extrêmes, c'est quand elle dit que c'est une histoire d'amour entre deux hommes... elle superpose une autre version.
Elle s'est mise tellement près qu'elle a sombré.
Elle a vu la "beauté sépulcrale" et fatiguée elle a du s'endormir, ouvrir un peu les yeux, pour lire le dossier de presse.
Et non ce n'est pas le rêve qu'on se fait d'Othello, plaqué par une représentation intégrée au cinéma,
c'est le Maure, L'Étranger parvenu au pouvoir, amoureux désespérément de la Beauté incarnée en Desdémone, chevelure désirée.
C'est tout un jeu d'émotions qui se lisent invisibles sensuelles jusques aux cris, ces voix ont chacune leur résonance interne.
C'est une histoire d'amour qui à un moment n'a plus d'autre issue que de ne pas y croire, de ne plus croire en l'autre.
Comment accepter d'être aimé quand tout concoure pour qu'on ne s'aime pas en soi, depuis des générations... les blessures au passé collectif et individuel inconscient, ça se répare comment ?

Ce sont des comédiens tous excellents, beaux à tomber : de la Chevalerie, aux représentations de la science-fiction via : Matrix, Star Wars, le décor n'a ni endroit ni envers il est tantôt blanc tantôt noir, les héros n'existent pas quelle que soit l'enveloppe.
Qu'est-ce que le masque de l'honnêteté, quelles sont les machineries qui sous-tendent inexorablement les êtres... Pourquoi malgré tout ce qu'on sait, on en arrive à choisir l'impasse, la plus mauvaise des déchéances... Iago croit savoir agir maitriser toutes ses volontés mais il sombre aussi, il y perd la vie.
Qu'est-ce qui nous fait gravir toutes les marches et les redescendre...
- se retourner sur ses doutes, son passé...

J'ai enfin bien dormi cette nuit, ce théâtre là renouvelle les cordes les codes de notre inconscient.
Enfin, il n'est plus question des bons et des méchants.

Le décor il s'articule, se désarticule nous fait voir des électroniques des réseaux intégrés, des langages codés, des constructions, des dentelles, si difficiles à maitriser à reproduire, des jalousies derrière lesquelles on se cache, où l'on regarde
les praticables sont de grands escaliers qui vous font monter très haut avant que de redescendre très bas. Le plateau est d'un noir marbre, noir de caveau, pierre tombale tournante qui redonne une dimension qui n'en finit plus, en reflétant les silhouettes.
Les êtres sont au moins égaux au double...

Desdémone a peur de mourir puis pardonne, elle est, devient l'un des plus beaux rôles de femme du répertoire.
Et Iago, devrais-je le dire, vous connaissez mon admiration pour l'acteur, nous touche.
Eh ! oui les méchants, tels les Dark Vador, en sont arrivés là, mais avant ? mais aussi...

Le public rit reste suspendu aime et applaudit fort longuement, le public rassemblé ne boude pas toutes ces forces, ces énergies qui le parcourent, le laissent ouvert et curieux, sur enfin un texte dont on entend chaque mot et qui devient limpide talisman.

Sans affectation, le jeu est un peu distancié, chorégraphie des sons des accents...
Mais n'en déplaise à Madame Pascaud, Brecht Kantor et Grüber ont donné de nouvelles palettes au jeu de l'acteur.
Les costumes sont beaux de toutes les époques, ils allongent toutes les silhouettes au cadran du passé présent avenir et des origines européennes nordiques africaines.

Venise c'était un peu l'Amérique à une certaine époque de commerce et pas encore de libéralisme capitaliste, mais de là, à regretter que l'acteur ne soit pas noir. Non, il est Maure, arabe et envoutant. C'est aussi dans Shakespeare. De là à regretter Orson Welles maquillé au fard gras en "nègre" c'est consternant.

Il y a des paris difficiles comme faire ressortir la sensualité avec toutes les distances du théâtre.
La beauté est rarement sensuelle, et là justement cet "épousement" devient romantique.

Comment accepter que l'on vous aime, comment croire avec toutes les auto-critiques, la culpabilité, le cynisme, qu'on est aimable, qu'on est autre chose qu'une bête sauvage capable de tuer et/ou de s'anéantir aussi vite ?
Comment tout ce sombre destructeur de la passion amoureuse resurgit après avoir été vertigineux par le jouir le bon jusques aux profond des corps ensemble extasiés ?
Comment amorcer une descente d'émotions respectueuse, à l'écoute des êtres, des textes et des sous-textes ?

La distance peut-être sensuelle et alors qui sait ? Tout se délie en soi et en l'autre
après nous être avoué ou tu, nos doutes, le mystère reste espérance, à chaque jour...

Pourquoi j'aime le théâtre ? Parce qu'il ne m'abrutit pas, il me fait décoller vers d'autres sphères de conscience. L'inoubliable du théâtre me redonne envie d'aimer.
Merci à Monsieur Vigner et à ses comédiens et au Théâtre de L'Odéon, théâtre où l'on est bien accueilli, guidé vers les meilleures places si celles-ci ne sont pas occupées.
Je rappelle, j'y suis allée au dernier moment, à 7h - le quart, pour 8h, j'ai eu une place (les + chères sont à 30 €).
J'ai pris un thé au bar j'ai trainé à la Librairie, où l'on m'a laissé tout lire...
Je suis restée en joie les yeux écarquillés encore après 2h40 de spectacle.
Le théâtre plus que le cinéma me reconnecte à la tendresse pour le Cosmos.

Quel ennui serait la vie pour moi sans l'amour et le théâtre !

Et dans cet Othello il y a les 2 : l'amour et le théâtre.


Cet Othello est sublime, pour moi, les "goûts des autres" sont ennuyants, voir c'est aller voir, sans trop de mémoire. "Othello", "Hamlet" "Mesure pour Mesure" "Le Songe d'une nuit d'été" "Beaucoup de bruit pour rien" que je vous recommande encore plus aujourd'hui, au Lucernaire, avec cet abrutissement par la morosité).
Shakespeare est revenu en force sur tous les fronts les flancs, tout Shakespeare, qui sait c'est peut-être du à une recherche de compréhension de l'intime du pouvoir...
Alors que Shakespeare c'est avant tout le grand écart, les mouvements intrinsèques de la Machinerie du Temps. Les êtres y sont assez ordinaires. Ils nous touchent d'autant.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je viens de lire votre message . je suis aussi consternée que vous par la critique de F Pascaud et scandalisée que l'on puisse carrément "interdire" d'aller voir un spectacle pour des appréciations toutes contestables.
Comment peut on anéantir d'un trait de plume aussi venimeux des mois de travail, cela peut être si lourd de conséquences qu'on devrait y réfléchir à deux fois avant d'écrire de telles extrémités.
F pascaud aurait elle un esprit partisan pour n'avoir rien vu d'autre qu'un spectacle calamiteux.
J'ai comme vous aimé cette pièce et suis d'accord avec tout ce que vous en pensez.
C'était complet, le public n'a pas boudé son plaisir, et s'est levé en lançant des bravos.
On peut ne pas adhérer à un spectacle mais de là à le démolir aussi péremptoirement !....