dimanche 4 mars 2007

CENDRARS : Moravagine, Le Songe d'une Nuit d'Été par Jean-Michel Rabeux de SHAKESPEARE MC93 Bobigny, la dernière rose de Noël












Je vous avais prévenu, je ne vous laisserai pas, ne vous lâcherai pas. Le théâtre, ce n'est pas n'importe quelle promenade surtout quand ça se joue à Bobigny, quand c'est du Shakespeare, mais il faut quelquefois refaire son intérieur, se défaire de ses habitudes, de ses petits ménages, sortir au grand air et lâcher le petit écran et rentrer dans la troisième dimension... à toucher.
MAIS QU'EST-CE QUE J'AI CE MATIN EN OUVRANT MA BOUTIQUE ...
je vous conseille là un avant goût du "Songe" comme disent les faux amoureux, les habitués, les snobinards, les intellos : "nous on connaît Shakespeare", vous savez c'est un peu comme les gens qui vous dégoûtent de l'Opéra, l'art abstrait...
Le Songe d'une nuit d'ÉTÉ, regardez cette bande annonce, c'est une nuit où tout se passe, une grande nuit échangiste un conte avec des transformations et le battement de la chair qui désire, avec une femme, d'autres, des chimères, un âne... des clowns
et donc pressons-nous, il y a une prévente de places en ligne pour les premières représentations à 14 € la place sur le site : http://www.mc93.com/
J'inverse, je commence par Jean-Michel Rabeux et donc... et ce n'est pas lui qui m'en voudra car il l'a mis en scène dans : Emmène-moi au bout du monde, je termine par Blaise Cendrars. Car il est peu d'auteurs qui sont allés aussi loin, dans l'exploration des fonds souterrains de l'homme : Dostoievski, Céline...
Je fabrique du théâtre et à explorer les rôles et surtout à en lire, à en voir, à m'imaginer moi ou d'autres dans ces personnages de folie, démesure telle :
Médée
d'Euripide, de Heiner Müller ou de Pasolini/Lady Macbeth de Shakespeare/Marie Tudor de Victor Hugo/Phèdre de Racine/Hécube du même Euripide et la Princesse de Turandot : Opéra de Puccini ! (ah ! non je ne chante pas... je ne chante rien et encore moins l'Opéra... mais quels rôles de femmes...)
À explorer tous ces labyrinthes, qui sait ? on adopte une vie, sa vie, les siens et l'on sait faire la différence, à ne pas déclencher, se défouler sur ces proches, se venger, quoique...
Mais comme me disait un jeune comédien, apprenti comédien en phase d'abandon : "on est trop lisible, susceptible, sensible, exacerbé plus qu'avant et ce n'est pas facile..."
Je n'ai rien essayé pour le persuader de quoi ? C'est ainsi, se vivre, lutter contre soi et un peu s'apprivoiser, c'est une sorte de sport avec beaucoup de rires, avec enfin la capacité à s'exprimer... avec des débordements, des parler fort...
Revenons à Moravagine, c'est un personnage extrême, décadent, fou et archi-cruel, un Hors-là, c'est une fiction à l'écriture flamboyante qui se sort de toutes les imageries, sensibleries : c'est difficile et c'est dérangeant extrêmement, c'est la machine humaine décrite dans son paroxysme, c'est à mettre entre toutes les mains d'esprits avertis et à déglutir à petites doses.
Moravagine : quel voyage en enfer !
"L'amour n'a pas d'autre but, et comme l'amour est seul mobile de la nature, l'unique loi de l'univers est le masochisme. Destruction néant que cet écoulement intarissable des êtres ; souffrances, cruautés inutiles que cette diversité des formes, cette adaptation lente, pénible, illogique, absurde que l'évolution des êtres. Un être vivant ne s'adapte jamais à son milieu ou alors en s'adaptant, il meurt. La lutte pour la vie est la lutte pour la non-adaptation. Vivre c'est être différent. C'est pourquoi toutes les grandes espèces végétales et zoologiques sont monstrueuses. Et il en est de même au moral. L'homme et la femme ne sont pas faits pour s'entendre, s'aimer, se fondre et se confondre. Au contraire, ils se détestent et s'entre- déchirent ; et si, dans l'amour, la femme passe pour être l'éternelle victime, en réalité c'est l'homme qu'on tue et qu'on retue. Car le mâle c'est l'ennemi, un ennemi maladroit, gauche, par trop spécialisé. La femme est toute puissante, elle est mieux assise dans la vie, elle a plusieurs centres érotogènes, elle sait donc mieux souffrir, elle a plus de résistance, sa libido lui donne du poids, elle est la plus forte. L'homme est son esclave, il se rend, se vautre à ses pieds, abdique passivement. Il subit. La femme est masochiste. Le seul principe de vie est le masochisme et le masochisme un principe de mort. C'est pourquoi l'existence est idiote, imbécile, vaine, n'a aucune raison d'être et que la vie est inutile."
...
"Le sang veut du sang et ceux qui, comme nous, en ont beaucoup répandu, sortent du bain rouge comme blanchis par un acide. Tout en eux est flétri, mort. Les sentiments s'écaillent, tombent en poussière ; les sens vitrifiés ne peuvent plus jouir de rien et se cassent net à la moindre tentative. Intérieurement, chacun de nous était comme dévoré par un incendie et notre coeur n'était plus qu'une pincée de cendres. Notre âme était dévastée. Il y avait longtemps que nous ne croyions plus à rien, même pas à rien. Les nihilistes de 1880 étaient une secte mystique, des rêveurs, les routiniers du bonheur universel. Nous, nous étions aux antipodes de ces jobards et de leurs fumeuses théories. Nous étions des hommes d'action, des techniciens, des spécialistes, les pionniers d'une génération moderne vouée à la mort, les annonciateurs de la révolution mondiale, les précurseurs de la destruction universelle, des réalistes, des réalistes. Et la réalité n'existe pas. Quoi ? Détruire pour reconstruire ou détruire pour détruire? Ni l'un ni l'autre. Anges ou démons ? Non, permettez-moi de rire : des automates, tout simplement. Nous agissions comme une machine tourne à vide, jusqu'à épuisement, inutilement, inutilement, comme la vie, comme la mort, comme on rêve. Nous n'avions même plus le goût du malheur."

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique spectacle, beaucoup de prises de risques et un véritable engagement artistique. Un jeu tout en finesse, des corps qui se cherchent, vascillent, s'emprisonnent et se libèrent. Le texte de Shakespeare est exploré dans toute son intemporalité et ses sens cachés. Tout le mystère des relations humaines, de l'expression et du ressenti du corps, et l'infinité de possibles du théâtre existent sur scène de façon légère. L'humour et la poésie donnent forme à un contenu grave et trouble. Désopilant, de façon profonde et féroce; porteur de rêverie, de façon énigmatique et espiègle; enfin percutant, ce spectacle interpelle le spectateur et le renvoie au mystère de son être et aux difficultés d'appréhender son corps et à la relation à l'autre... A voir de toute urgence!!!

Anonyme a dit…

Rencontre avec Jean-Michel Rabeux et l'équipe artistique ce dimanche 11 et le dimanche 18 mars. Séance en matinée: 15h30 !!!!
Si vous venez à 10, pensez aux carnets !!! Plein tarif : 130€ les 10 places soit 13€ la place au lieu de 23€ -Moins de 26 ans et étudiants : 80€ les 10 places soit 8€ la place au lieu de 11€