mardi 27 janvier 2009

Yolande Moreau Portrait via le Monde...


Et cette phrase de Roger Blin... que Yolande dit bien aimer...
"Si je n'avais pas eu de mains, j'aurais joué du piano."
c'est une phrase à vous faire pleurer le matin, c'est une phrase pour arroser le jardin...
c'est une phrase qui me fait du bien...
Pour moi, elle sait tout faire comédienne clown tragique farce, c'est une joyeuse triste et humble et enjôleuse seulement quand vous êtes rendu au même état de grâce,
à la voir à l'applaudir
"si loin si proche" cette femme est un ange : "Non, je ne suis pas un ange !
-Si vous en avez toute la gouaille et la délicatesse...
si belle sensuelle forte et fragile...

et je suis tombée avec mes yeux, sur c't article...
Yolande Moreau, la géante aux yeux nus
LE MONDE | 26.01.09 | 17h02 • Mis à jour le 26.01.09 | 17h10

Il n'y a pas de sonnette, pas de chien non plus. Posée dans un village, à deux pas de Vernon et de Giverny, dans l'Eure, la maison lui ressemble : longue, lourde, un peu voûtée, avec des volets bleus qui éclairent. "Je n'ai jamais été un petit canon", dit-elle, en servant le café, gardé au chaud dans une bouteille Thermos. Tant mieux pour le cinéma. Et merci au théâtre.



PARCOURS
1953
Naissance à Bruxelles.

1982
"Sale affaire, du sexe et du crime", one-woman-show.

1984
Premier rôle au cinéma, dans un court métrage d'Agnès Varda.

1989
Joue dans "Lapin chasseur", de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff.

2004
Actrice et coréalisatrice (avec Gilles Porte) de "Quand la mer monte".

2008
"Séraphine", de Martin Provost, qui lui vaut d'être nommée pour le César de la meilleure actrice, et "Louise- Michel", de Benoît Delepine et Gustave Kervern.


Yolande Moreau, incroyablement délicate ou monstrueusement trash à la scène, est, à la ville, Mme Tout-le-Monde. Elle aime la soupe au potiron et porte un duffle-coat marron. Elle a un mari, des enfants et cinq petits-enfants. Elle parle sans façon de ses petits soucis de santé et des légumes de son jardin. Elle est nature, en somme. Est-ce pour cela qu'elle intimide ?

"Son corps, il suit ses yeux, il les suit en se marrant, et tout vient", résume Philippe Gaulier, son ancien professeur de théâtre, lui-même ancien élève de Jacques Lecoq, maître en art du mime et du clown. Peut-être qu'une des clés est là : le corps de Yolande Moreau sait se moquer de lui-même. C'est un corps de géante (1,75 m), tout en vallons et en couleurs, comme ceux des carnavals du nord de la France, qu'on voit dans Quand la mer monte. Elle y est à la fois actrice principale et réalisatrice (avec Gilles Porte). Ce film lui vaut, en 2004, le prix Louis-Delluc de la première oeuvre, puis, en 2005, le César du premier long métrage et celui de la meilleure comédienne. Le corps, la grande affaire ? "J'aime bien cette phrase de Roger Blin : "Si je n'avais pas eu de mains, j'aurais joué du piano"...", s'amuse-t-elle, en plissant les yeux.

Née à Bruxelles d'un père (wallon) négociant en bois et d'une mère (flamande) au foyer, la future Yolande des "Deschiens" - émission culte de la télévision sur Canal+, mise en scène et réalisée par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, au début des années 1990 - n'a pas fait long feu à l'école. Comme ses trois soeurs (elle est la deuxième de la fratrie), elle fait ses études secondaires dans une institution privée catholique. Les parents veulent que leurs filles soient "bien éduquées".

En ce qui concerne Yolande, le résultat dépasse les espérances. Elle claque la porte de son enfance, quittant école et famille à l'âge de 18 ans, sans passer ses humanités (l'équivalent du baccalauréat). Elle est cancre, oui. Mais du genre cultivé. Elle adore la poésie, dévore Rimbaud et Maeterlinck. Elle aime la musique aussi, commence le violon, puis apprend la guitare et prend même des cours de diction. Elle fait un peu de théâtre. La peinture moderne l'attire. A l'image des hippies de l'époque, elle rêve "d'une autre vie". Elle s'envole comme un papillon.

Sa nouvelle existence commence à Oignies, dans les Ardennes, où elle rejoint, au milieu des bois, une petite tribu de beatniks. Très vite, elle est enceinte. Catastrophe ? Pas du tout. La jeune Yolande, âgée de 20 ans, est peut-être un peu dingue, mais elle n'a pas la vocation d'une Cosette. La marge, oui. Pas la galère. En 1972, elle met au monde une petite Héloïse ; en 1973, un petit Nils. "Des gosses, à l'époque, j'en voulais plein", se souvient-elle.

En revanche, elle se sépare assez vite du père. "Je louais une maison pour pas cher à Linkebeek, au sud de Bruxelles. Avec mes deux enfants, on se chauffait au charbon, on avait un bout de jardin. Ce n'était pas triste. Aujourd'hui, c'est plus dur pour les jeunes", assure-t-elle. Pour vivre, elle fait "des petits boulots, des ménages, etc." Est-ce un hasard ? Son premier rôle notable au cinéma sera celui d'une bonne, dans un court métrage d'Agnès Varda, Sept pièces, s.d.b., cuisine, en 1984. Une bonne "traînante et révoltée... et très belge", se souvient la cinéaste, native elle-même du Plat Pays.

A la fin des années 1970, la roue tourne. Pendant trois ans, Yolande Moreau va travailler pour le Théâtre de la ville de Bruxelles, montant, avec le reste de la troupe, des spectacles pour les enfants des écoles. "On faisait tout nous-mêmes : les costumes, la musique, les éclairages... On écrivait les textes ou on les adaptait. On faisait des marionnettes, parfois", raconte la future auteure et comédienne d'Une sale affaire.

Faire tout soi-même, ne rien s'interdire : peut-être qu'une autre clé est là ? Dans le film sur Serge Gainsbourg, que le dessinateur Joann Sfar est actuellement en train de tourner, Yolande Moreau joue la chanteuse Fréhel, dont elle interprète La Coco.

Dans le film de Martin Provost, Séraphine, elle entre dans la peau d'une douce illuminée, domestique et peintre de talent. Dans Le Chat botté, dessin animé de Pascal Hérold, Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff (sortie le 1er avril), elle donne sa voix, tonnante et délurée, au personnage de la reine.

"Elle n'a pas l'accent belge. Son accent, c'est sa voix comme chez les grands acteurs", dit Macha Makeïeff. Quant au film Louise-Michel, il lui a permis, non seulement de manger du poulet cru à l'écran, mais aussi de rencontrer le dessinateur Pascal Rabaté, avec qui elle a fait, lors du dernier Festival de la bande dessinée, à Angoulême, un "concert de dessins". Yolande Moreau, la touche-à-tout ? "C'est une merveilleuse anarchiste", commente Philippe Gaulier. "Elle pourrait être Médée. En Belgique, ils ont plein de grands criminels...", ajoute-t-il.

Elle qui a déjà joué dans quarante films et une dizaine de pièces de théâtre a décidé, pour l'heure, d'écrire un nouveau scénario. En y mettant le temps et les doutes qu'il faudra. "Elle est lente dans la maturation, mais ce n'est pas un défaut. Ce n'est pas quelqu'un qui se disperse", dit d'elle un comédien qui la connaît bien, François Morel, autre héros des Deschiens. Aussi dense que sa cousine de scène, l'humoriste Zouc, dont le génie l'a "bouleversée", Yolande Moreau n'en a pas la noirceur absolue. "Elle est une actrice de proximité : les gens ont envie qu'elle soit leur voisine, leur copine", observe François Morel.

Si Martin Provost la compare à la comédienne Denise Gence, Agnès Varda, elle, pense à Simone Signoret. "Elles ont la même beauté, la même violence dans le visage et le regard, avec ces yeux perçants, extraordinaires", souligne la cinéaste. Mais Yolande Moreau a quelque chose en plus. Ou en moins. "C'est une modeste", relève Agnès Varda. Et souvent décalée, comme ces gens qu'elle raconte, d'un personnage à l'autre, "des gens assis au bord de la route, fragiles, dit-elle, et qui poussent comme des plantes".
Catherine Simon
Article paru dans l'édition du 27.01.09.

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