dimanche 13 mai 2007

Mr Py à L'Odéon : la saison 2007-2008


Olivier Py a annoncé sa programmation à L'Odéon et comme l'article du journal Le Monde est très intéressant l'interview aussi, je vous les laisse découvrir.
En tout premier, pour ceux qui n'ont pas vu Michel Fau dans Illusions comiques, le spectacle sera repris et fera l'ouverture de la Saison, du 20 au 30 septembre.

Odéon - Ateliers Berthier : la saison 2007-2008

Illusions comiques. Texte et mise en scène Olivier Py. Odéon, du 20 au 30 septembre.

Homme sans but. D'Arne Lygre, mise en scène de Claude Régy. Berthier, du 27 septembre au 10 novembre.

Les Précieuses ridicules, Tartuffe, Le Malade imaginaire. De Molière, mise en scène d'Eric Louis. Odéon, du 9 au 27 octobre.

Moby Dick. D'après Melville, mise en scène d'Antonio Latella. Odéon, du 7 au 11 novembre.

Le Banquet des cendres. D'après Giordano Bruno, mise en scène d'Antonio Latella. Odéon, du 14 au 18 novembre.

Maeterlinck. D'après Maeterlinck, mise en scène de Christoph Marthaler. Odéon, du 27 novembre au 4 décembre.

Krum. De Levin, mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Odéon, du 8 au 16 décembre.

La Petite Catherine de Heilbronn. De Kleist, mise en scène d'André Engel. Berthier, du 10 janvier au 23 février.

L'Ecole des femmes. De Molière, mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Odéon, du 24 janvier au 29 mars.

Pinocchio. D'après Collodi, mise en scène de Joël Pommerat. Berthier, du 8 au 22 mars.

Tournant autour de Galilée. De Jean-François Peyret. Berthier, du 27 mars au 18 avril.

Ivanov. De Tchekhov, mise en scène de Tamas Ascher. Berthier, du 22 au 31 mai.

L'Orestie. D'Eschyle, mise en scène d'Olivier Py. Odéon,
du 15 mai au 21 juin.

Olivier Py, directeur de l'Odéon-Théâtre de l'Europe
Olivier Py : "On ne peut pas demander au théâtre de résoudre la fracture sociale"
LE MONDE | 03.05.07 |
Vous n'étiez pas candidat à la direction de l'Odéon. Pourquoi le ministre vous a-t-il choisi ?

Il connaissait mes idées, mon attachement aux idéaux de la décentralisation. Ma conviction que ce rêve a un bel avenir, que l'enivrement virtuel et la globalisation ne remettent pas en cause notre geste : au contraire, cela le refonde autrement. Il a sans doute aussi été intéressé par mon attachement à un théâtre qui se fonde avant tout à partir du poème.

C'est votre ligne majeure ?

Ce que je disais il y a dix ans de manière corsaire, agressive - il faut que les poètes contemporains soient entendus -, je ne peux plus le dire de la même façon : il y a aujourd'hui beaucoup plus de productions à partir de textes contemporains. Nous avons maintenant besoin d'un travail sur le répertoire : on joue toujours les mêmes pièces alors que des parties entières du répertoire sont tombées dans l'obscurité. On monte plus Jean-Luc Lagarce (avec qui Py a travaillé plusieurs années) que Corneille, et Hugo semble interdit. Peut-être pourrai-je réparer cette injustice...

Que représente l'Odéon pour vous ?

Je n'y ai jamais joué. Mon histoire ne l'a pas croisé comme elle a croisé Nanterre ou le Festival d'Avignon. Mais le premier spectacle de théâtre qui m'ait marqué, c'est ici que je l'ai vu : L'Illusion comique, par Giorgio Strehler. Et j'ouvrirai ma première saison avec mes Illusions comiques... L'Odéon, c'est aussi le plus beau théâtre de Paris, la première maison de Molière, le premier lieu où l'on a vu des spectacles en langue étrangère sous-titrés. Mais c'est aussi le scandale des Paravents, de Genet, et l'histoire de Mai 68. Le patrimoine et la subversion. Si j'arrive à maintenir cette barre, je serai content.

Subvertir dans l'institution ?

Précisément. Il faut montrer qu'une politique culturelle ne produit pas une esthétique d'Etat. Le débat actuel sur le ministère de la culture montre que ce n'est pas passé dans le cortex cérébral de la France. L'institution doit être un lieu de liberté, de division, de confrontation politique. Pour cela, nous disposons de deux théâtres : la salle du Luxembourg et les Ateliers Berthier, à la périphérie de Paris.

Comment allez-vous articuler les deux salles ?

Elles sont complémentaires. La grande salle est sublime. Et Berthier me permet de ne pas renoncer à ma passion pour la décentralisation. La décentralisation, aujourd'hui, ce n'est plus la province, c'est la périphérie. Les grandes villes en région disposent toutes d'institutions culturelles. Les villes nouvelles, pas toujours. Les 3 kilomètres à faire pour atteindre la périphérie, c'est l'enjeu de demain. Il n'y a pas de problème de public à l'Odéon. Les salles sont pleines, les abonnements sont élevés. Mais ce public ne doit pas être exclusivement bourgeois.

Que faire ?

Appliquer les vieilles recettes : travailler avec les associations ; favoriser les liens avec les autres institutions culturelles ; diversifier les propositions, avec, par exemple, dès 2008, un spectacle pour jeune public ; transformer la communication ; baisser les tarifs ; aller au charbon, multiplier les rencontres. Quand on le fait, ça marche. Quel que soit le choix esthétique, Molière ou Arne Lygre (jeune auteur norvégien dont Claude Régy va monter la pièce, Homme sans but, en septembre, à Berthier).

Pouvez-vous définir esthétiquement votre saison ?

C'est une saison de théâtre. Je le dis car aujourd'hui, c'est loin d'être évident. Ensuite, elle n'est pas construite uniquement sur le souci des metteurs en scène mais aussi sur celui des poètes. Et ça le sera encore plus la saison suivante. Elle équilibre le texte contemporain et le répertoire. Enfin, c'est évidemment une saison européenne, puisque tel est le projet fondamental de cette maison. Tout cela en variant au maximum les esthétiques. J'aurais la terreur d'accueillir uniquement des artistes qui me ressemblent. Mais je vous rassure : personne ne me ressemble et nul ne songe à m'imiter.

Vous avez le sentiment que le théâtre est en crise ?

Pas du tout. Si je compare avec la fin des années 1980, quand j'ai commencé, je trouve la situation beaucoup plus saine, beaucoup plus claire. Notamment parce que nous avons fait le deuil du théâtre comme grand média, porteur de changements pour la société.

Qu'est-ce que cela implique ?

Les choses sont plus simples : on fait du théâtre. Du théâtre qui peut être politique, mais on ne fait pas de politique. Et paradoxalement, l'embrasement virtuel a conféré une aura à la chose théâtrale : aujourd'hui, aller au théâtre est en soi un acte engagé. Pour les jeunes générations, c'est un acte beaucoup plus fort, politique, sacral, que ça ne l'était pour les générations précédentes : c'est faire un geste vers la pensée, la culture, la conscience. Pour le public, le théâtre n'a pas d'autre légitimité que lui-même - cette légitimité ne provient pas de l'exercice politique, idéologique ou herméneutique, et pas non plus du divertissement.

Vous avez dit préférer, à la notion de "théâtre citoyen", celle de "théâtre populaire"
...

Cette idée d'utilité civique du théâtre me gêne. On ne peut pas demander au théâtre de résoudre la fracture sociale ou de réparer la couche d'ozone. En revanche, on peut faire ce que j'appellerais un théâtre de l'inquiétude, ou de l'impatience. Un théâtre qui se soucie du monde avec ses propres armes : l'actualité, c'est le vent dans les yeux d'Homère. Qu'on monte Arne Lygre ou Eschyle, on ne s'adresse pas qu'au citoyen, on s'adresse au mortel.

C'est très fondamental : si on perd cette idée, on va perdre le théâtre lui-même, on va perdre l'art. Ce mortel qui peut réfléchir sur les institutions démocratiques ou la place de l'étranger dans la société doit aussi méditer sur sa propre caducité, sur la vanité du pouvoir, sur des choses qui dépassent les faits de société. C'est ce que je veux dire quand je parle de théâtre populaire plus que de théâtre citoyen.

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