samedi 23 mai 2009

Atelier d'écriture...






comme c'est important de jouer pour ne pas se battre...
Jouer avec quelqu'un vous en apprendrez beaucoup plus sur lui qu'après des années de fréquentation.
Le rire est lien, à la peau, à la bouche, sans besoin de traductions quoique! À l'homme, pour l'homme, entre les hommes son œil et son oreille sont cryptées
je reviens sur mon blog recueil accueil ecueil brisures et brisants bruissant car je sais que je suis allée trop vite.
Il faut que j'aère que je présente avec images espaces fil.............................



Un petit bijou drôle et érudit mais peu pédant...
des jeux littéraires
de Monsieur Guy Chevalley
avec qui sur un article de ce blog j'ai bavardé un peu entre deux commentaires
à propos d'Illusions Comiques qui se jouait à Genève....

- hé il y a de - en - d'images sur ton blog...
- et alors ! J'y vais là... c'est le mot pour les mots...
Et puis c'est Dimanche alors je me dérègle je dérive et puis ce sont bientôt les résultats du Palmarès du Festival de Cannes
à la télévision à la radio...
Guy Chevalley
Atelier d’écriture, Guy Poitry : projet pour l’évaluation
Faculté des Lettres, Genève – Juin 2006

"Présentation du projet

J’ai choisi de réaliser une série de pastiches sur un mode dual. Le principe de base consiste à former des couples composés d’un auteur « classique » et d’un auteur contemporain.
L’exercice m’amusait beaucoup car, dans la mesure où la littérature contemporaine a
forcément, comme toute littérature, subi des influences diverses, il était intéressant de trouver quels auteurs pouvaient ressurgir dans des productions d’aujourd’hui. Je dois reconnaître toutefois que les couples se sont imposés à moi de manière essentiellement instinctive ; c’est après coup qu’il a fallu analyser avec plus de recul dans quelle mesure on pouvait tracer des parallèles d’un contemporain à un classique (ou vice versa).

Marie Nimier et Marcel Proust

J’ai associé Marie Nimier et Marcel Proust essentiellement à cause de leur rapport douloureux au père, que je décrirai ci-dessous. De plus, chez Proust comme chez Nimier, on trouve l’évocation d’un passé perdu ou en train de se perdre, phénomène qui engendre une certaine forme de mal-être que tous deux tentent de résoudre. J’ai enfin pris soin de choisir des scènes pouvant être transférées d’une époque à l’autre sans problème, évitant ainsi une incohérence temporelle.
Nimier a perdu son père quand elle était enfant. Celui-ci, écrivain de renom, n’a jamais montré d’affection à son égard et s’est tué en voiture avec une femme qui n’était pas son épouse… Dans son récit autobiographique La Reine du silence – dont le titre constituait le surnom donné par Roger Nimier à sa fille – la romancière évoque cette figure paternelle fantomatique et écrasante qui l’a murée dans le silence, jusqu’à ce que, après un parcours personnel troublé l’ayant mené jusqu’à la tentative de suicide, elle soit parvenue à écrire. De La Reine du silence, j’ai tiré une scène où Marie Nimier assiste à une vente aux enchères de quelques lettres et anciens exemplaires de romans de son père sans parvenir à se sentir
totalement intégrée à l’événement. Finalement, elle se trouve obligée de quitter la salle lorsqu’elle se met à saigner du nez.
Proust, lui aussi, évoque le manque d’affection paternelle dans Du côté de chez Swann, où le père se dessine comme l’adversaire qui se dresse entre la mère et son petit garçon, agacé par les sensibleries de ce dernier. La scène choisie se situe au début du roman, lorsque Marcel doit monter se mettre au lit sans pouvoir embrasser sa mère et qu’il lui envoie un message dans l’espoir de la faire venir à lui.

Pastiche de Marie Nimier
Réécriture d’un extrait de Marcel Proust
Du côté de chez Swann (Folio classique, pp. 27 – 30)

Je regarde ma mère. Je la regarde jusqu’à ne plus pouvoir, avant de ne plus pouvoir. Il y a du monde autour de nous. Mais je n’ai d’yeux que pour ma mère. Devant eux, les baisers sont interdits. J’imagine le baiser. L’emplacement de la joue. La tension des lèvres. Le léger bruit sec, comme un déclic. De la sophrologie en somme. Tu vois tout ce que tu veux faire. Avant de le faire. Tu es un peintre avec ses pinceaux, son décor, qui voit déjà le modèle, mais le modèle n’est pas encore modèle. Il est promesse et récompense. Il est tout près de l’être. Tout prêt. Et j’embrasse ma mère comme un prêtre embrasse un scapulaire.

Mais non. Mon grand-père s’interpose de sa voix d’homme.
- La petite a l’air fatiguée, elle devrait monter se coucher.
Lorsque mon père, lui faisant écho, ajoute :
- Oui, allons, va te coucher.
J’approche avec nonchalance de ma mère, avec le cœur qui bat.
- Mais non, voyons, laisse ta mère, vous vous êtes assez dit bonsoir comme cela. Allons, monte !
Imparable. Ma mère n’existe plus. Moi non plus. Le cœur ne bat plus. Il est posé sur le sol et il attend, comme un crapaud, son doux baiser qui était son dû. Mais rien ne vient, alors je l’emporte avec moi, pour monter l’escalier, comme on monte à l’échafaud. L’odeur du vernis de l’escalier m’emplit les narines autant que la cervelle. Je hais cette odeur. Le bois lisse du pommeau, les marches grinçantes, les marches trop grandes, passe encore. Mais surtout pas l’odeur. L’odeur est une frontière, un cap à franchir pour la petite fille. J’inspire et je vais
dormir. C’est un réflexe de Pavlov douloureux, trop conscient, qu’on m’impose.
L’automatisme fait grincer mes rouages. C’est un jeu d’allers sans retours. En haut, il y a ma chambre, mon tombeau, mon lit, mon cercueil, ma chemise de nuit, mon suaire : sainte que je suis, victime du martyre paternel. Allons, va te coucher, va te reposer. Et repose en paix. Ne fais pas de bruit. Ne bouge pas. Ne te manifeste pas. Fais-toi discrète. Tu n’existes plus, tu dors. Escamotée.
Puisqu’il faut dormir, je me couche avec une certaine résignation, avec la dernière fierté des opprimés. Je reste couchée, parce qu’il faut se coucher. J’obéis parce qu’il faut obéir à son père. J’accepte mon destin, un destin de reine silencieuse qui obéit.
Ou alors je désobéis. En silence. Mon cœur revient à la vie. A toute vitesse, j’écris un mot pour ma mère. Je lui demande de venir sous un impérieux motif impossible à exposer dans mon message. Je ne parle pas, j’écris. C’est de la subversion, de la rébellion. La reine du silence tient encore son rang, mais elle a trouvé un subterfuge de génie. Elle écrit à la reine mère. L’obstacle entre ma mère et moi, désormais, ce n’est plus mon père, c’est Françoise, la jeune fille au pair, qui s’occupe de moi. Parce que par un mystérieux pouvoir de la suggestion,je devine. Je pressens que Françoise ne veut pas descendre. Elle s’autocensure. Elle obéit à un
maître moins froid qu’un père mais tout aussi efficace, un code. Une éthique personnelle. Ou sociale. Une éthique d’adultes. Et parmi les règles du code, il y a celle-ci : on ne dérange pas les parents, on respecte les parents, même si ce n’est pas les siens. Autre règle : on ne dérange pas les invités. Françoise dispose d’au moins deux bonnes raisons de me dire non. D’ailleurs, elle dit non. Je ruse. Je mens. J’affirme que ma mère attend le message. Le regard de Françoise m’examine, moi, mon subterfuge et mon mensonge. Françoise regarde la petite enveloppe et l’écriture fébrile dessus comme une pièce à conviction. Elle délibère, puis elle
lève les yeux au ciel parce qu’elle a tout compris, mais, résignée, elle descend pour moi.
M’évitant d’affronter le vernis de l’escalier.
Soulagée mais angoissée, j’attends la réponse. Françoise revient déjà. En bas on mange les glaces, il faut attendre le moment des cafés pour passer le message. Mais que m’importe d’attendre ? Désormais je sais. Elle l’aura, elle va venir. Déjà je la sens venir. Nous sommes reliées, liées. Par la promesse du baiser. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme un tamtam qui appelle. Elle viendra, ma résurrection.

Pastiche de Marcel Proust
Réécriture d’un extrait de Marie Nimier
La Reine du silence (Folio, pp. 165 – 166)

La verrière m’apparut éclairée en cet instant seulement, comme si, auparavant, baignée dans un halo de lumière aux troubles origines, elle n’avait accueilli en sa voûte plate aucun de ces néons suspendus reliés à des câbles d’acier verticaux et froids, cordes inflexibles reflétant la lumière d’un ciel lunaire, aucun de ces tubes aveuglants qui toutefois, emprisonnés derrière de grossières grilles grises, tentaient de les dévorer, de les absorber dans leur feu alimenté par le réjouissant artifice de l’électricité. Je leur trouvais une noble élégance, peut-être due à cette idée qui m’obsédait que leur matière n’existait pas en ce qu’elle demeurait totalement
invisible, comme un soleil domestiqué qu’un Prométhée aurait cueilli de sa main pour
l’enfermer dans des cylindres de verre opaque, mais qui, transcendant par nature, n’eût pu voir sa radiation circonscrite par ces pauvres bâtons blancs qui s’étaient allés réfugier derrière de métalliques quadrillages, eux-mêmes vains à retenir toute brillance. Et ainsi, la verrière, déversant ses flux de lumière sur la salle, devenait un temple illuminé placé sous la divine égide de rais incandescents et diffus, dont je venais de saisir l’origine. Mais la courte observation de ces fulgurances m’épuisa d’un coup, inondant les moindres parties de mon être recélant encore un fond d’énergie, les brûlant, les calcinant jusqu’à n’en laisser que des cendres timides desquelles rien n’aurait su renaître, et je ressentais une fatigue charnue qui me
semblait pareille à une bouche arrondie surmontée de deux joues gonflées et découragées ; une fatigue indigeste, de celles qu’aurait connues un enfant devant la perspective d’une marche trop longue avant que de parvenir à sa maison, dont les promenades dominicales l’auraient éloigné.
Comme je me concentrai sur le visage du commissaire-priseur, je m’aperçus que ses lèvres, par un curieux effet, semblaient former les mots après que sa voix les eut ciselés au fond de la gorge, alors que l’air, chargé de ses paroles, se fut déjà disséminé dans l’assistance, comme lors de ces promenades où la rencontre d’un pissenlit chenu et hirsute agrémente le voyage par les jeux qu’il procure, transformant le cueilleur en magicien, en démiurge tandis que ses
graines s’en vont tapir les herbes grasses des bordures de chemin. Ce souffle continu sur l’assemblée emporta avec lui mon regard revenu de sa stupéfaction de découvrir des néons dans la verrière. Et devant moi, car j’étais assis sur les marches d’un petit escalier où s’étaient réfugiés ceux qui n’avaient pu se procurer de chaise, apparurent peu à peu ces gens, ces étrangers massés qui inspiraient les particules asséchées exhalées par le commissaire aux lèvres mécaniques qui ne suivaient plus la mesure de ses paroles ; je posai mes yeux sur cet homme dont le menton paraissait appuyé sur le large nœud papillon qui lui surplombait la poitrine : qui était-il au-delà de son rôle froid de commissaire aux chairs engoncées dans un
costume cintré ? Qui étaient ces jeunes gens parmi lesquels les rires fusaient avec ce manque de discrétion dû à leur volonté de se divertir à cette vente aux enchères où l’on bradait du passé qui m’aurait pu appartenir ? Les lettres de mon père et ses manuscrits passeraient bientôt en d’autres mains moins fébriles que ne l’eussent été les miennes si elles avaient dû se
saisir de ces textes, et tandis qu’une légère digue d’eau prenait corps au bord de ma paupière, que quelque larme naissait comme la rosée d’un lendemain nourrie par la nuit passée qui se mourait aux premiers rayons du soleil, je sentis sur ma main homicide de ne pas se révolter, de ne pas se soulever pour attirer sur moi-même l’attention du commissaire-priseur, une goutte me frapper la peau doucement ; je levai les yeux vers le ciel illuminé comme pour vérifier qu’aucune déesse trop sensible n’avait versé de pleur sur ma mélancolie de petit garçon ingrat. Mais rien ne provenait de la verrière, ni même de mes yeux embués et confus.
Sur le dos de ma main, le liquide rouge brillait sombrement et, épais, il ne pouvait s’épandre :
mon nez saignait, blessé par la nuée de propos du commissaire qui m’était parvenue et que j’avais inhalée dans une inspiration de découragement qu’avait précédée un soupir de lassitude. Aucun doigt levé, aucune main tendue, aucun songe déployé ne pourrait sauver les affaires de mon père ; et parce que ma douce hémorragie continuait à perler au bout de mon nez et que mes doigts se trouvaient de plus en plus empourprés et paralysés par leur nouvelle parure sombre, comme magnifiés en somme, de peur de ne plus pouvoir arrêter ce flux amarante, je résolus de sortir.

Amélie Nothomb et Jean Racine

Le couple formé par Amélie Nothomb et Jean Racine s’est imposé sans peine, tant ils
semblent proches par certains thèmes omniprésents dans leurs œuvres : la monstruosité et l’amour absolu en premier lieu. Outre le fait que Nothomb a plusieurs fois évoqué sa
fascination pour le jansénisme et la guerre de Troie, elle soigne les répliques de ses
personnages, permettant une transposition facile de ses romans au théâtre.
Le roman de Nothomb, Mercure, met en scène un vieux capitaine, Omer, qui a su convaincre une jeune femme rescapée d’un incendie, Hazel, qu’elle était défigurée, et ce pour mieux admirer seul sa beauté. Ils vivent donc ensemble loin du monde, dans un château dénué de tout objet susceptible de refléter le visage d’Hazel ; et celle-ci s’est résignée à ne jamais quitter le château. L’arrivée de Françoise, une jeune infirmière, va bouleverser la situation :
elle parviendra, malgré les efforts d’Omer pour l’en empêcher, à délivrer Hazel du mensonge dans lequel elle vit. La scène choisie se situe lors de la confrontation finale d’Omer et Hazel.
Pour la comprendre parfaitement, il faut encore savoir qu’Omer avait déjà piégé de la même manière une autre jeune femme nommée Adèle, décédée avant l’arrivée d’Hazel : c’est moins le procédé odieux dont Omer a usé avec elles que la répétition de celui-ci qu’Hazel reproche au capitaine, fou amoureux de ces deux jeunes femmes.

Chez Racine, j’ai choisi une scène d’Andromaque. Le fil conducteur de la pièce est le
suivant : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque. Alors que Pyrrhus
va épouser Andromaque, Hermione, outragée parce qu’elle lui était promise et désespérée
parce qu’elle l’adore, demande à Oreste de la venger en tuant celui qu’elle aime. Oreste,hésitant d’abord devant ce crime, finit par se résoudre à le commettre. Je précise que j’ai respecté le nombre de répliques contenues dans la scène originale dans la réécriture, les répliques courtes de Nothomb permettant de mener le dialogue de manière plus rythmée.

Pastiche d’Amélie Nothomb
Réécriture d’un extrait de Jean Racine
Andromaque (acte IV, scène 3)

ORESTE : Vous me faites venir à cette heure ? J’espère au moins que c’est pour m’annoncer que vous m’aimez.
HERMIONE : Vous ne doutez vraiment de rien.
ORESTE : Qu’ai-je à perdre ? A défaut d’amour, j’ai de l’ambition.
HERMIONE : Faites-la taire un instant et écoutez-moi. Je veux savoir si vous m’aimez.
ORESTE : Ne vous l’ai-je pas suffisamment prouvé ? Je vous ai juré mon amour. Vous m’avez vu pleurer pour vous. Que faut-il faire encore pour vous convaincre que je vous aime ?
HERMIONE : Me venger.
ORESTE : Ah ! C’est parfait. Je suppose que vous ne refuserez pas une guerre ? Qu’y a-t-il de plus beau, de plus amoureux qu’une guerre ? Les efforts d’Agamemnon pour sauver Hélène nous serviront d’exemple. Le jeu en vaudra la chandelle, nous occasionnerons des massacres auprès desquels la guerre de Troie passera pour de la gnognotte. Partons ensemble, mes vaisseaux sont tout prêts.
HERMIONE : Non, nous restons. Une guerre, quoi de plus magnifique, en effet. Mais une
guerre, quoi de plus incertain ? Je veux voir l’Epire ravagée à mon départ. Si vous m’aimez, vengez-moi et si vous me vengez, agissez dans l’heure. Il est au temple.
ORESTE : Qui ?
HERMIONE : Cette question ! Pyrrhus.
ORESTE : Pyrrhus ?
HERMIONE : Evidemment, Pyrrhus ! Alors ? Vous n’allez pas me dire que vous hésitez tout
de même ? Allez, en route, puisque je vous dis qu’il est au temple !
ORESTE : Pas de précipitation s’il vous plaît. Nous pouvons le ruiner, le déchoir, l’anéantir.
La guerre est plus cruelle que le meurtre. Laissons la Grèce se charger de son sort.
HERMIONE : Vous êtes stupéfiant. Vous prétendez m’aimer et lorsque je vous demande de
tuer votre rival, vous refusez. D’autres auraient moins de scrupules et ils ne manqueraient pas de discernement. Ce que j’ai aimé hier, aujourd’hui je le hais. Vous devriez trembler à l’idée que je puisse l’aimer demain.
ORESTE : Et vous, vous n’êtes qu’une capricieuse. Vous voulez un meurtre, il vous le faut dans l’heure. Comment voulez-vous que je commette un assassinat aussi vite ? Cela demande un minimum de préparatifs et de garanties. Très chère, dois-je recourir à la sagesse populaire pour vous convaincre que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Je le tuerai, puisque vous l’exigez, mais soyez raisonnable : patientez au moins jusqu’à cette nuit. La nuit dissimule aussi bien les assassins, que les cadavres et leurs cris.
HERMIONE : Patienter jusqu’à cette nuit ? Vous voulez que je vous aime et vous voulez que je sois raisonnable ? Décidément, vous n’y entendez rien. Pyrrhus épouse Andromaque
aujourd’hui : cette nuit sera celle de leurs noces et de mon déshonneur, alors qu’attendez-vous ? Vous avez une armée de Grecs attachée à vos pas qui nourrit contre cet ingrat une haine formidable, incitez-la au meurtre si vous ne pouvez vous y résoudre vous-même : j’ai cru comprendre que vous préfériez parler plutôt qu’agir. Et je vous offre mon cœur si vous percez le sien.
ORESTE : Et vous croyez qu’un simple petit meurtre…
HERMIONE : Oh ! vous m’agacez avec vos jérémiades ! On dirait un enfant qui refuse d’aller tout seul à la boulangerie ! Mais ce n’est pas grave, monsieur le beau parleur, je m’en chargerai moi-même, de ce meurtre. Et surtout ne venez pas me voir en prison lorsqu’on m’aura arrêtée : vous m’y gâcheriez mon séjour.
ORESTE : Vous devenez ridicule. Enfin, puisque seul un homicide peut vous satisfaire…
HERMIONE : Sage résolution. Fiez-vous à moi, ça vaudra toujours mieux que votre jugement.

Pastiche de Jean Racine
Réécriture d’un extrait d’Amélie Nothomb
Mercure (Livre de Poche, p. 159)

HAZEL
Tous ces crimes commis ne me révoltent pas,
Car j’en vois malgré moi scintiller les appâts.
Ô sombre admiration qui me consume l’âme !
Ignorer mon martyre ! en effacer le drame !
Abdiquer ma douleur ! pardonner au bourreau !
Et, pour comble d’horreur, partager son fardeau !
J’ai ouï trop longtemps tes assassines fables.
En vestale j’aidai tes feux indésirables !
Toi qui pus m’immoler sans te glacer d’effroi
Tu ne m’es étranger… Mais songer qu’avant moi
Une première flamme embrasa ta poitrine !
Qu’à des ares brûlés ta passion me destine !
Ne serai-je pour toi qu’une amante d’un temps ?
Comment peux-tu compter tes soupirs sur des ans ?
Et jurer à mon cœur un amour sans mesure
Quand un autre en ton sein put connaître l’usure ?
HERMIONE : Evidemment, Pyrrhus ! Alors ? Vous n’allez pas me dire que vous hésitez tout
de même ? Allez, en route, puisque je vous dis qu’il est au temple !
ORESTE : Pas de précipitation s’il vous plaît. Nous pouvons le ruiner, le déchoir, l’anéantir. La guerre est plus cruelle que le meurtre. Laissons la Grèce se charger de son sort.
HERMIONE : Vous êtes stupéfiant. Vous prétendez m’aimer et lorsque je vous demande de
tuer votre rival, vous refusez. D’autres auraient moins de scrupules et ils ne manqueraient pas de discernement. Ce que j’ai aimé hier, aujourd’hui je le hais. Vous devriez trembler à l’idée que je puisse l’aimer demain.
ORESTE : Et vous, vous n’êtes qu’une capricieuse. Vous voulez un meurtre, il vous le faut dans l’heure. Comment voulez-vous que je commette un assassinat aussi vite ? Cela demande un minimum de préparatifs et de garanties. Très chère, dois-je recourir à la sagesse populaire pour vous convaincre que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Je le tuerai, puisque vous l’exigez, mais soyez raisonnable : patientez au moins jusqu’à cette nuit. La nuit dissimule aussi bien les assassins, que les cadavres et leurs cris.
HERMIONE : Patienter jusqu’à cette nuit ? Vous voulez que je vous aime et vous voulez que je sois raisonnable ? Décidément, vous n’y entendez rien. Pyrrhus épouse Andromaque
aujourd’hui : cette nuit sera celle de leurs noces et de mon déshonneur, alors qu’attendez-vous ? Vous avez une armée de Grecs attachée à vos pas qui nourrit contre cet ingrat une haine formidable, incitez-la au meurtre si vous ne pouvez vous y résoudre vous-même : j’ai cru comprendre que vous préfériez parler plutôt qu’agir. Et je vous offre mon cœur si vous percez le sien.
ORESTE : Et vous croyez qu’un simple petit meurtre…
HERMIONE : Oh ! vous m’agacez avec vos jérémiades ! On dirait un enfant qui refuse d’aller
tout seul à la boulangerie ! Mais ce n’est pas grave, monsieur le beau parleur, je m’en
chargerai moi-même, de ce meurtre. Et surtout ne venez pas me voir en prison lorsqu’on
m’aura arrêtée : vous m’y gâcheriez mon séjour.
ORESTE : Vous devenez ridicule. Enfin, puisque seul un homicide peut vous satisfaire…
HERMIONE : Sage résolution. Fiez-vous à moi, ça vaudra toujours mieux que votre jugement.

Pastiche de Jean Racine
Réécriture d’un extrait d’Amélie Nothomb
Mercure (Livre de Poche, p. 159)

HAZEL
Tous ces crimes commis ne me révoltent pas,
Car j’en vois malgré moi scintiller les appâts.
Ô sombre admiration qui me consume l’âme !
Ignorer mon martyre ! en effacer le drame !
Abdiquer ma douleur ! pardonner au bourreau !
Et, pour comble d’horreur, partager son fardeau !
J’ai ouï trop longtemps tes assassines fables.
En vestale j’aidai tes feux indésirables !
Toi qui pus m’immoler sans te glacer d’effroi
Tu ne m’es étranger… Mais songer qu’avant moi
Une première flamme embrasa ta poitrine !
Qu’à des ares brûlés ta passion me destine !
Ne serai-je pour toi qu’une amante d’un temps ?
Comment peux-tu compter tes soupirs sur des ans ?
Et jurer à mon cœur un amour sans mesure
Quand un autre en ton sein put connaître l’usure ?
Ah ! cruel ! ta grandeur que j’ai pu respecter,
Ta grandeur se délite à qui veut l’inspecter !
J’ai pu croire à tes vœux quand ils m’étaient uniques,
Mais la répétition de tes crimes iniques
A jamais te condamne.

OMER
Ô mon ardente Hazel !
Ton courroux pourra-t-il demeurer éternel ?
Je perçois dans ta voix la colère jalouse
D’une amante qui veut porter le nom d’épouse.
Car admire un mari devant toi confondu
A l’idée que ton sort en le sien soit fondu !
D’un hymen imminent, je vois trop bien la preuve.

HAZEL
Vois plutôt ma fureur au passé qui s’abreuve !
Tes soupirs assassins t’illusionnent toujours !
Tu te trompes de nom pour nommer tes amours.
Cette confusion, dans ton cœur établie,
T’aura précipité jusque dans la folie !
Odieux inventeur de ces machinations,
Quand tu vis ton amante accablée d’afflictions,
Quand elle eut expiré, par tes crimes contrainte,
Comment lors as-tu pu… Mais laquelle ai-je plainte ?
Qu’entends-tu, meurtrier ? Quelle voix te maudit ?
Est-ce Adèle ? Est-ce Hazel ? Qui de nous te honnit ?
Tu as mis dans ton cœur une passion seconde
Qui salit la première et me la rend immonde.

Frédéric Beigbeder et Crébillon fils

Ce troisième couple de pastichés m’est apparu comme une évidence. C’est avant tout le
libertinage commun à ces deux auteurs, quoique s’exprimant de façons radicalement
différentes qui m’a convaincu de les réunir. Mais au-delà de cette première observation, je me suis aperçu que tous deux partageaient non seulement un sens de la dérision, mais également un décor fait de réussite sociale et amoureuse, d’éclats mondains et de luxe, caractéristiques réservées à « l’élite » de leur époque respective.
Ainsi, on découvre dans Les Égarements du cœur et de l’esprit de Crébillon le récit d’un homme d’expérience, Meilcour, narrant sa jeunesse et son entrée dans le monde au XVIIIe siècle, ainsi que ses premières tentatives de séduction et son éducation amoureuse. J’ai choisi une scène de vie mondaine : plusieurs personnes arrivent chez Mme Reine de Lursay, avec qui Meilcour entretient une relation amoureuse compliquée, d’une part à cause de sa naïveté de débutant, d’autre part à cause des sentiments qu’il nourrit pour une jeune fille inconnue, Mlle de Théville. Cette petite société s’entre-déchire alors joyeusement sur fond de désirs inassouvis, ou trop bien assouvis par le passé, par des remarques perfides et frivoles.
En ce qui concerne Beigbeder, je me suis basé sur son roman L’amour dure trois ans. Dans ce livre, l’auteur-narrateur conte son divorce, puis son aventure avec une autre femme dont il est tombé amoureux. Ces histoires de cœur, entremêlées de soirées arrosées et poudrées de jet set parisienne gavée de luxe et de sexe, l’amènent au postulat qui constitue le titre de son livre. Ah ! cruel ! ta grandeur que j’ai pu respecter, Ta grandeur se délite à qui veut l’inspecter !J’ai pu croire à tes vœux quand ils m’étaient unique. Mais la répétition de tes crimes iniques. A jamais te condamne.

OMER
Ô mon ardente Hazel !
Ton courroux pourra-t-il demeurer éternel ?
Je perçois dans ta voix la colère jalouse
D’une amante qui veut porter le nom d’épouse.
Car admire un mari devant toi confondu
A l’idée que ton sort en le sien soit fondu !
D’un hymen imminent, je vois trop bien la preuve.

HAZEL
Vois plutôt ma fureur au passé qui s’abreuve !
Tes soupirs assassins t’illusionnent toujours !
Tu te trompes de nom pour nommer tes amours.
Cette confusion, dans ton cœur établie,
T’aura précipité jusque dans la folie !
Odieux inventeur de ces machinations,
Quand tu vis ton amante accablée d’afflictions,
Quand elle eut expiré, par tes crimes contrainte,
Comment lors as-tu pu… Mais laquelle ai-je plainte ?
Qu’entends-tu, meurtrier ? Quelle voix te maudit ?
Est-ce Adèle ? Est-ce Hazel ? Qui de nous te honnit ?
Tu as mis dans ton cœur une passion seconde
Qui salit la première et me la rend immonde.

Frédéric Beigbeder et Crébillon fils

Ce troisième couple de pastichés m’est apparu comme une évidence. C’est avant tout le
libertinage commun à ces deux auteurs, quoique s’exprimant de façons radicalement
différentes qui m’a convaincu de les réunir. Mais au-delà de cette première observation, je me suis aperçu que tous deux partageaient non seulement un sens de la dérision, mais également un décor fait de réussite sociale et amoureuse, d’éclats mondains et de luxe, caractéristiques réservées à « l’élite » de leur époque respective.
Ainsi, on découvre dans Les Égarements du cœur et de l’esprit de Crébillon le récit d’un homme d’expérience, Meilcour, narrant sa jeunesse et son entrée dans le monde au XVIIIe siècle, ainsi que ses premières tentatives de séduction et son éducation amoureuse. J’ai choisi une scène de vie mondaine : plusieurs personnes arrivent chez Mme Reine de Lursay, avec qui Meilcour entretient une relation amoureuse compliquée, d’une part à cause de sa naïveté de débutant, d’autre part à cause des sentiments qu’il nourrit pour une jeune fille inconnue, Mlle de Théville. Cette petite société s’entre-déchire alors joyeusement sur fond de désirs inassouvis, ou trop bien assouvis par le passé, par des remarques perfides et frivoles.
En ce qui concerne Beigbeder, je me suis basé sur son roman L’amour dure trois ans. Dans ce livre, l’auteur-narrateur conte son divorce, puis son aventure avec une autre femme dont il est tombé amoureux. Ces histoires de cœur, entremêlées de soirées arrosées et poudrées de jet set parisienne gavée de luxe et de sexe, l’amènent au postulat qui constitue le titre de son livre.
Le premier chapitre, retenu pour l’adaptation, expose cette théorie triennale que j’ai rendue plus intemporelle que chez Beigbeder, les égarements sentimentaux du jeune héros de Crébillon ne pouvant durer aussi longtemps.

Pastiche de Frédéric Beigbeder
Réécriture d’un extrait de Crébillon fils
Les Égarements du cœur et de l’esprit (GF, pp. 142 – 150)

Le serveur aux pectoraux saillants, mais disciplinés dans une chemise blanche translucide interrompit les léchouillages que j’effectuais dans le cou de Reine pour annoncer Hortense de Théville et sa mère. A ceux que ça choque qu’on annonce la fille avant la mère, je réponds qu’on avait annoncé la mère avant la fille. Mais chacun ses priorités, l’auteur a les siennes. Et ce dernier décline d’ailleurs toute responsabilité en cas de manquement aux règles de la préséance. Bordel ! Qui est-ce qui raconte ici ?
Je les regarde, déçu de la fin des léchouillages, et je les découvre, heureux de la fin des léchouillages. Comment passer du spleen à l’idéal en moins de deux secondes ! Hortense apparaît : un ange poudré de cocaïne ? une extase d’ecstasy ? une hallucination alcoolique ?
Non. C’est simplement la réalité. Je rêve ! Celle que j’ai cherchée ces derniers jours comme un drogué courant sa dose me tombe entre les mains ! Loué soit Dieu, ce grand dealer !
Pendant que je m’obsède sexuellement d’Hortense, sa mère et Reine se politessent d’usage.
- On ne te voit plus à Paris, c’est dommage… pour toi, remarqua l’hôtesse.
- Paris m’épuise, ma chérie ! s’effondra Belle-Maman. Je préfère encore Saint-
Tropezzz, au moins là-bas, quand les touristes sont partis, on est tranquille. A Paris,
les touristes ne partent jamais. Mais les affaires sont les affaires, alors je suis revenue.
Et entre nous, dans le sud, Hortense… s’emmerde.
Je ne connaissais pas la mère, qui avait pourtant connu la mienne. Mais peu m’importait, je préférais largement faire connaissance avec la fille. Hortense se montrait pourtant aussi froide qu’un glaçon de vodka, que j’imaginais faire tourner avec ma langue dans son nombril. Je la laissais indifférente, ce qui est pire que tout ; alors je la laissai tout court.
Je broyais du noir, que je rêvais d’étaler sur les joues d’Hortense avec mes doigts, comme les deux attardés qui se couvrent de sable sur la plage dans Le Lagon bleu.
Je me voyais déjà en Robinson avec Hortense en guise de Vendredi, mais qui me ferait toute la semaine, quand Françoise de Senanges entra. Elle pondait des romans comme une autruche des œufs : ils pesaient lourds, mais à l’intérieur, c’était dégueulasse. Un érotisme de quinqua revendiquant le droit à la libido. De temps en temps, le dimanche soir, elle allait se Le premier chapitre, retenu pour l’adaptation, expose cette théorie triennale que j’ai rendue plus intemporelle que chez Beigbeder, les égarements sentimentaux du jeune héros de Crébillon ne pouvant durer aussi longtemps.

Pastiche de Frédéric Beigbeder
Réécriture d’un extrait de Crébillon fils
Les Égarements du cœur et de l’esprit (GF, pp. 142 – 150)

Le serveur aux pectoraux saillants, mais disciplinés dans une chemise blanche translucide interrompit les léchouillages que j’effectuais dans le cou de Reine pour annoncer Hortense de Théville et sa mère. A ceux que ça choque qu’on annonce la fille avant la mère, je réponds qu’on avait annoncé la mère avant la fille. Mais chacun ses priorités, l’auteur a les siennes. Et ce dernier décline d’ailleurs toute responsabilité en cas de manquement aux règles de la préséance. Bordel ! Qui est-ce qui raconte ici ? Je les regarde, déçu de la fin des léchouillages, et je les découvre, heureux de la fin des léchouillages. Comment passer du spleen à l’idéal en moins de deux secondes ! Hortense apparaît : un ange poudré de cocaïne ? une extase d’ecstasy ? une hallucination alcoolique ?
Non. C’est simplement la réalité. Je rêve ! Celle que j’ai cherchée ces derniers jours comme un drogué courant sa dose me tombe entre les mains ! Loué soit Dieu, ce grand dealer !
Pendant que je m’obsède sexuellement d’Hortense, sa mère et Reine se politessent d’usage.
- On ne te voit plus à Paris, c’est dommage… pour toi, remarqua l’hôtesse.
- Paris m’épuise, ma chérie ! s’effondra Belle-Maman. Je préfère encore Saint-
Tropezzz, au moins là-bas, quand les touristes sont partis, on est tranquille. A Paris,
les touristes ne partent jamais. Mais les affaires sont les affaires, alors je suis revenue.
Et entre nous, dans le sud, Hortense… s’emmerde.
Je ne connaissais pas la mère, qui avait pourtant connu la mienne. Mais peu m’importait, je préférais largement faire connaissance avec la fille. Hortense se montrait pourtant aussi froide
qu’un glaçon de vodka, que j’imaginais faire tourner avec ma langue dans son nombril. Je la laissais indifférente, ce qui est pire que tout ; alors je la laissai tout court.
Je broyais du noir, que je rêvais d’étaler sur les joues d’Hortense avec mes doigts, comme les deux attardés qui se couvrent de sable sur la plage dans Le Lagon bleu.
Je me voyais déjà en Robinson avec Hortense en guise de Vendredi, mais qui me ferait toute la semaine, quand Françoise de Senanges entra. Elle pondait des romans comme une autruche des œufs : ils pesaient lourds, mais à l’intérieur, c’était dégueulasse. Un érotisme de quinqua revendiquant le droit à la libido. De temps en temps, le dimanche soir, elle allait se faire détruire chez Fogiel et elle vendait quelques milliers d’exemplaires en plus de son dernier chef-d’œuvre. Toutefois je n’aurais pas osé dire qu’elle était dénuée de charme – si on admet que le charme existe encore chez une femme dont le rouge à lèvres est moitié sur sa bouche,
moitié sur le bord d’un verre de vin. Aux regards qu’elle me lançait, il n’était pas possible de se tromper : elle avait dans l’idée qu’elle me « déniaiserait » prochainement.
Heureux les simples d’esprit, me dis-je, ils ne connaissent pas leur bonheur.
Je priai pour un miracle. L’arrivée de Versac et de Monsieur-le-marquis-de-Pranzi-en-
personne constitua un don, non pas de Dieu, mais du Diable. La Reine rougit à la vue du petit marquis. J’entendis Versac murmurer à la souveraine chahutée :
- Tiens, la vieille Senanges… tu sais qu’elle saute sur tout ce qui bouge. Et tu la reçois ?
- Il n’y a rien à sauter ici.
- Crois-tu ?
Et je vis les yeux de Versac s’exorbiter comme ceux des loups de Tex Avery. Il n’était plus question de moi, mais d’Hortense ! Mon Iseut, ma Belle au bois dormant, ma Dulcinée, ma Minnie ! J’en frémissais d’avance pour mon petit glaçon adoré.
- Pas touche, releva Reine à qui rien n’échappait.
- Je t’ai amené ce cher marquis, reprit Versac à voix haute. On a toujours du plaisir à
revoir ses vieux amis…
J’en doutais en voyant Reine : elle rougissait comme une deb. Incroyable. Des vieux amis peut-être, des amants oui, mais Pranzi non. Le marquis fréquentait les établissements type Castel pour y étaler sa généalogie factice, qu’il avait inventée jusqu’à Louis XVIII, parce qu’il l’estimait assez connu pour lui épargner de se creuser la cervelle pour quelques
générations de plus. Parfois, il passait dans des émissions people pour exposer, et la maison cannoise dont il s’était déjà fait expulser deux fois pour factures impayées, et sa Ferrari louée pour l’occasion. Dernièrement il avait dévoré des têtes de grenouille crues à la télé pendant que des asticots s’en donnaient à cœur joie dans son slip. Il courait après Versac comme après l’argent. Tout le monde sait bien que les nobles sont pauvres, tout le monde sauf Pranzi.
- Pas touche, releva Reine à qui rien n’échappait.
- Je t’ai amené ce cher marquis, reprit Versac à voix haute. On a toujours du plaisir à
revoir ses vieux amis…
J’en doutais en voyant Reine : elle rougissait comme une deb. Incroyable. Des vieux amis peut-être, des amants oui, mais Pranzi non. Le marquis fréquentait les établissements type Castel pour y étaler sa généalogie factice, qu’il avait inventée jusqu’à Louis XVIII, parce qu’il l’estimait assez connu pour lui épargner de se creuser la cervelle pour quelques générations de plus. Parfois, il passait dans des émissions people pour exposer, et la maison cannoise dont il s’était déjà fait expulser deux fois pour factures impayées, et sa Ferrari louée pour l’occasion. Dernièrement il avait dévoré des têtes de grenouille crues à la télé pendant
que des asticots s’en donnaient à cœur joie dans son slip. Il courait après Versac comme après l’argent. Tout le monde sait bien que les nobles sont pauvres, tout le monde sauf Pranzi.
Quant à Reine, nul doute qu’il l’avait eue. Je m’en moquais comme de l’an 40, pauvre an 40 dont tout le monde se moque alors que Caligula y régnait. Pranzi, moi, tant d’autres… la guerre des gaules avait fait rage chez Reine, avant de laisser place à un massacre digne du fol empereur.

Pastiche de Crébillon fils
Réécriture d’un extrait de Frédéric Beigbeder L’amour dure trois ans (Folio, pp. 15 – 16)

Les premiers jours sont toujours emplis d’une douce extase à nulle autre pareille. Tout paraît beau, le cœur se montre sensible à tout et aux riens, et cette gaîté qui gagne sur tous les sens apparaît jusqu’au visage de l’amoureux comblé. On n’est jamais plus beau qu’amoureux.
Ainsi chaque jour est un nouvel émerveillement car la passion ne relâche guère ses effets. Les plus touchés osent même croire à l’unicité de leur situation et c’est un spectacle fort divertissant de constater que le premier temps de l’amour peut en chacun faire naître et croître les mêmes illusions. Quelle simplicité procure ces transports ! Le visage de l’être aimé suffit à animer l’âme. Le premier battement du cœur, d’une naïveté juvénile, est sans mesure, sans égal, sans rival, car sans précédent ; la douceur d’un ciel d’été comme la splendeur des neiges hivernales : l’œil enflammé voit en tout temps l’expression d’une nature trop conciliante. Les
plus hardis, les plus transis, les plus saisis, en un mot les plus fous, griffonnent parfois quelque vers spirituel là-dessus, aussi spirituel que leur transe le leur permet, ce qui est tout dire. Pourquoi prendre le temps de penser lorsque l’on est heureux ? Assurément penser gâte tout, et dans ce premier mouvement, c’est encore la vivacité du cœur qui a la primauté.
- Pas touche, releva Reine à qui rien n’échappait.
- Je t’ai amené ce cher marquis, reprit Versac à voix haute. On a toujours du plaisir à
revoir ses vieux amis…
J’en doutais en voyant Reine : elle rougissait comme une deb. Incroyable. Des vieux amis peut-être, des amants oui, mais Pranzi non. Le marquis fréquentait les établissements type Castel pour y étaler sa généalogie factice, qu’il avait inventée jusqu’à Louis XVIII, parce qu’il l’estimait assez connu pour lui épargner de se creuser la cervelle pour quelques générations de plus. Parfois, il passait dans des émissions people pour exposer, et la maison cannoise dont il s’était déjà fait expulser deux fois pour factures impayées, et sa Ferrari louée pour l’occasion. Dernièrement il avait dévoré des têtes de grenouille crues à la télé pendant
que des asticots s’en donnaient à cœur joie dans son slip. Il courait après Versac comme après l’argent. Tout le monde sait bien que les nobles sont pauvres, tout le monde sauf Pranzi.
Quant à Reine, nul doute qu’il l’avait eue. Je m’en moquais comme de l’an 40, pauvre an 40 dont tout le monde se moque alors que Caligula y régnait. Pranzi, moi, tant d’autres… la guerre des gaules avait fait rage chez Reine, avant de laisser place à un massacre digne du fol empereur.

Pastiche de Crébillon fils
Réécriture d’un extrait de Frédéric Beigbeder L’amour dure trois ans (Folio, pp. 15 – 16)

Les premiers jours sont toujours emplis d’une douce extase à nulle autre pareille. Tout paraît beau, le cœur se montre sensible à tout et aux riens, et cette gaîté qui gagne sur tous les sens apparaît jusqu’au visage de l’amoureux comblé. On n’est jamais plus beau qu’amoureux.
Ainsi chaque jour est un nouvel émerveillement car la passion ne relâche guère ses effets. Les plus touchés osent même croire à l’unicité de leur situation et c’est un spectacle fort divertissant de constater que le premier temps de l’amour peut en chacun faire naître et croître les mêmes illusions. Quelle simplicité procure ces transports ! Le visage de l’être aimé suffit à animer l’âme. Le premier battement du cœur, d’une naïveté juvénile, est sans mesure, sans égal, sans rival, car sans précédent ; la douceur d’un ciel d’été comme la splendeur des neiges hivernales : l’œil enflammé voit en tout temps l’expression d’une nature trop conciliante. Les
plus hardis, les plus transis, les plus saisis, en un mot les plus fous, griffonnent parfois quelque vers spirituel là-dessus, aussi spirituel que leur transe le leur permet, ce qui est tout dire. Pourquoi prendre le temps de penser lorsque l’on est heureux ? Assurément penser gâte tout, et dans ce premier mouvement, c’est encore la vivacité du cœur qui a la primauté.
Mais bientôt on cesse d’être passionné. La joie, ce ravissement qui porte à sourire en toute circonstance, ne transperce plus le cœur : on ne pleure plus d’émotion car enfin tout s’assagit :
on est devenu tendre. Les regards échangés portent une complicité, un entendement des cœurs qui se savent enchaînés l’un à l’autre et trouvent du plaisir à se le rappeler. On ne fait plus qu’un. Un mot, un geste, un coup d’éventail : on se comprend d’un rien. Le monde même ne vous attribue plus qu’une profonde amitié, qui enténèbre déjà l’éclat d’autrefois, et le monde ne se trompe pas : les échauffements s’espacent et s’alanguissent, bientôt ils se font rares. A-t- on le désir de se rassurer, de croire à des ondées éphémères, que l’on se surprend à prétendre que les liens se resserrent, quand ils se détendent ; que le noyau se forme, quand il se fissure ;
qu’un lendemain se lève, quand la nuit se fait lourde. Souvent même on ose se peindre les avantages de ces liaisons éternelles de roman, sans s’apercevoir que l’on en récite des pages emplies de raisonnements trop éloignés de l’instinct vrai du cœur et des réalités de l’esprit.
Enfin on laisse son regard détailler les charmes de figures plus fraîches, plus lumineuses et dont les atours, plus neufs, fixent mieux l’attention. Ces apparitions plongent l’homme dans des rêveries profondes. Quant à l’objet des rêveries antérieures, on découvre que le silence entendu d’autrefois constitue désormais un mutisme qui trouve son écho. La conversation des voisins prend le pas sur les jeux de connivence, on se mêle de débattre de tout, on se remet à fréquenter le monde où de fraîches nouvelles circulent. Le temps paraît long en compagnie de celle dont on attend un prétexte de rupture ; sa conversation délicieuse est un babillage
précieux ; ses manies adorables, des habitudes apprêtées ; ses charmants travers, des ridicules regrettables ; sa passion, un caprice ; son absence de passion, un autre caprice ; tout enfin la condamne. Le cœur joue à nouveau les impatients, il se réjouit d’un transport inédit, plus beau et plus absolu, plus fort et plus certain, l’expérience aidant. Des illusions passées, un seul précepte se maintient à l’esprit : il faut suivre la vivacité du cœur. "

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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