mercredi 10 juin 2009

Toujours du côté de FEYDEAU interview de SIVADIER

SPÉCIAL RIRE À PARIS sur le journal Le Point du 02/04/09
Trois questions à Jean-François Sivadier
Acteur, metteur en scène, il a enchanté avec « Italienne avec orchestre » et «Le roi Lear ». C’est au tour de Feydeau et de sa « Dame de chez Maxim ».
Pourquoi Feydeau, c’est risqué, non ?
J’y pense depuis très longtemps. Ce que j’aime chez lui, outre la fameuse mécanique dont on parle toujours, c’est le vertige qu’il crée et qui est une contrainte folle pour l’acteur. Il est souvent dit que Feydeau ne dessine que des figures, que son théâtre manque de profondeur, mais c’est faux ! Tout est extrêmement construit, étudié. Le public qui va voir Feydeau sait qu’il va rire...
A quel genre de comique a-t-il recours ?
A un comique de situation, bien sûr : quiproquos, portes qui claquent. Mais ce qui est très important aussi, c’est le mécanisme de la langue, un peu comme chez Woody Allen : les gens parlent avant même d’en avoir conscience. Le monde de Feydeau est celui des gens normaux, des antihéros qui vivent dans un monde très protecteur où chaque incident provoque un cataclysme.
Et quels sont les pièges pour vous ?
Vouloir être plus malin que l’auteur. Arriver à jouer la rapidité des échanges. Feydeau exige de l’acteur un abandon. « La dame de chez Maxim » est la pièce la plus formelle et la plus libre que j’aie mise en scène. Jouer, moi ? Je n’aurais jamais pu : j’aurais rigolé tout le temps.
Du 20 mai au 25 juin. Odéon/Théâtre de l’Europe. 01.44.85.40.40. www.theatre-odeon.fr.

Brigitte Hernandez photo

Interview de SIVADIER sur PREMIÉRE

Jean-François Sivadier du côté de chez Feydeau

Rencontre avec Jean-François Sivadier à l’occasion de sa mise en scène de « La Dame de chez Maxim » au Théâtre de l’Odéon.

Propos recueillis par Marie Plantin.

Après Brecht, Büchner, Shakespeare… vous montez Feydeau , vous avez l’impression de faire le grand écart ?
Non pas vraiment, parce je fais toujours le même travail par rapport au texte, un travail de découverte de l’écriture. Simplement, avec Feydeau, il y a comme un pacte avec le public, à savoir que le public doit rire. S’il y a grand écart, il est dans le travail d’un genre très particulier. C’est ça qui est compliqué. Si on fait un film d’horreur, le public doit avoir peur. Si on monte Feydeau, le public doit rire. Il y a donc un travail sur le rire qui induit forcément quelque chose en plus dans le travail des répétitions.

Il y a toujours dans vos spectacles, même en dehors du Feydeau, une dimension comique...

Dans mes spectacles, les acteurs sont attachés à transmettre la joie de l’auteur en train d’écrire que ce soit Shakespeare ou Brecht . Parce qu'on imagine que c’est toujours un motif de joie d’écrire une pièce de théâtre. La joie, c’est un outil de communication extraordinaire. Même quand, dans certains de mes spectacles, on n’a pas cherché à faire rire, il y avait un rire qui arrivait par la présence immédiate de l’acteur. Cette impression de "comique" vient sûrement de ce travail sur la transmission du plaisir de jouer et d’écrire le texte à vue.

Nicolas Bouchaud, Norah Krief, Nadia Vonderheyden… vous travaillez toujours avec la même équipe...

Oui, il y en a avec qui j’ai fait beaucoup de spectacles avant. Mais c’est la première fois que je travaille avec autant d’acteurs avec qui je n’avais jamais travaillé. En fait, avec cette équipe permanente, on fonctionne comme une troupe. Ce sont eux qui me donnent aussi l’envie de travailler, de monter des spectacles. C’est donc important que ça se passe avec eux. Par ailleurs, je fais de l’opéra (Madame Butterfly de Puccini, Woyzzeck de Berg et Les Noces de Figaro de Mozart), et là, je dirige des chanteurs que je n’ai pas choisi. Mais au théâtre, pour l’instant, j’ai toujours rêvé mes projets en fonction d’une équipe.

On a l'impression que vous n'hésitez pas à employer certains acteurs à contre-emploi. C'était flagrant dans Le Roi Lear où Nicolas Bouchaud, en pleine force de l'âge, jouait le vieux roi. Comment se pose pour vous la question du personnage ?

Pour moi il n’y a pas de personnages au théâtre. C’est peut-être pour ça qu’on a cette impression là. Sur un plateau, il faut réinventer la langue et le texte. Prenons Phèdre par exemple, de dire à la comédienne qui joue Phèdre c’est ça et il faut que tu le fasses comme ça, c’est une impasse totale. Les grands textes sont des invitations à la liberté et à être réinventé par l’acteur tous les soirs. Par exemple, Petypon [interprété par Nicolas Bouchaud ] dans La Dame de chez Maxim c’est tout sauf un personnage. Impossible de savoir qui il est. Il est simplement défini par ce qu’il fait et ce qu’il dit. Plus l’acteur évitera d’essayer de jouer un personnage, plus les gens vont voir un personnage. Un personnage, ce serait quelque chose qui se détache de la représentation et que le public voit mais en réalité sur un plateau de théâtre, il n’y a que de l’écriture avec des acteurs.

Dans La Dame de chez Maxim, le décor n'a rien à voir avec le genre de salon bourgeois attendu chez Feydeau. Voiles, cordes, poulies, il ne correspond pas à une typographie précise. La frontière entre intérieur et extérieur est abolie. Il y a un côté théâtre de tréteau...

Théâtre de tréteau, c’est une expression qui est employée un peu à tort et à travers tout ça parce qu’il y a du bois sur le plateau. Oui, en effet, Je n’aime pas les plateaux qui sont fermés, je n’aime pas y sentir un enfermement. Et j’aime l’artisanat sur scène, les matériaux, le bois... En fait, j’aime que le décor ne soit pas plus important que les acteurs, qu’il soit à échelle humaine et qu’il y ait une dimension artisanale ainsi qu’une dimension épique. Un spectacle qui est tourné vers le public, c’est un spectacle qui va permettre de faire jouer le public à la pièce en même temps que les acteurs et de le faire réfléchir sur ce qu’il voit. L'idée c'est de ne pas lui montrer un produit fini.

Jusqu'à présent vous ne montez que des auteurs qui appartiennent au passé. Les écritures contemporaines ne vous intéressent pas ?

Si, il y a pleins d’auteurs qui m’intéressent. Le problème c’est que j’ai beaucoup travaillé avec Gabily qui écrivait les textes avec les acteurs qu’on était et pour les acteurs qu’on était. Du coup, j’ai été très influencé par son écriture donc j’ai beaucoup de mal à lire le théâtre contemporain. Mais il y a beaucoup d’écritures qui m’intéressent énormément : Wajdi Mouawad, Jean-Luc Lagarce, Olivier Py (même si je pense qu’il est le meilleur metteur en scène de ses propres textes).

La Dame de chez Maxim , jusqu'au 25 juin, au Théâtre de l'Odéon.

Retrouvez Jean-François Sivadier au Festival d’Avignon dans :
Parallèle et paradoxe, Entretien de Daniel Barrenboïm (chef d’orchestre) avec Edouard Saïd (écrivain américain), le 11 juillet au Musée Calvet

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