dimanche 1 avril 2007

Lectures pour toutes : Jeune fille Anne Wiazemsky, L'élégance du Hérisson Muriel Barbery

Les livres que l'on retrouve du train, à la maison de campagne où il pleut, lorsque personne n'a envie de se lever et que le silence s'étire. Le chat a quand même demandé qu'on lui ouvre la porte, et il reste entre deux, le dehors le dedans, assis sur le seuil.

Livre, je t'aime bien, je t'emporte et tu m'entoures me réconfortes, comme si un ange de bibliothèque avait coché les titres qui me conduisent à poursuivre. Les titres dont j'ai un besoin intime, urgent, rédempteur, qui effacent tous les désespoirs humains latents. Mes livres me gardent et me donnent le gout du vent et la résistance au froid, à la tempête. C'est un peu comme pour mes chansons engagées : "les filles du bord de mer"... mais les livres vous tiennent la main plus longtemps. C'est un peu comme un léger amant.

Un livre que j'ai lu et que je vais offrir à ma nièce de 16 ans : Jeune fille, Anne Wiazemsky,




et un autre que j'ai envie de lire L'élégance du Hérisson Muriel Barbery.
Ils en ont décrit à la radio les personnages, une gardienne lettrée et une petite fille surdouée qui habitent le même immeuble. Un air de Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcok ?



Revenons à Jeune Fille c'est entre deux mondes, celui du cinéma de Robert Bresson, et celui de la découverte de soi.

C'est auto-biographique, et comment donc, et peu importe : c'est une écriture de belle taille, elle nous sculpte les sons et les sensations, avec délicatesse et pudeur. C'est une écriture forte romanesque elliptique et pudique. - Singulière du siècle, dernier ? - C'est le film dont la jeune fille est née qui est du siècle dernier : Au hasard Balthazar.

C'est indispensable pour une adolescente, de sentir passer les périodes, les retours, les chagrins, les incompréhensions, la fin d'une tranche de vie : où l'on est seul à croire que demain tout sera écroulé, à cause que de soi, de ce dernier geste ou de ce dernier mot...

Mais il ne faut pas minimiser quelquefois les fissures sont irréversibles... fissure d'une mère à sa fille
Son grand-père, c'était François Mauriac. Mais je vous en ai trop dit. Comment admirer ces grands manipulateurs d'âmes : les réalisateurs, les metteurs en scène, les architectes, les professeurs, les artistes, les directeurs, les séducteurs, les acteurs ? Et pour qui et pour quoi, je vous ai mis la fleur à la bouche.

"- Vous avez quel âge, Mademoiselle ?
- Dix-sept ans, répond Florence à ma place.
Il a un geste d'impatience et son ton devient sec.
- J'aimerai entendre sa voix.

....

- Essayez encore une fois... Ce n'est pas grave si vous bafouillez... Efforcez-vous juste de lire le texte... Sans aucune intention... Sans y penser...
Le contraste entre la douceur soudaine de sa voix et l'intensité de son regard me donne envie de le croire, de lui plaire. Ce sont des sentiments confus mais suffisamment forts pour que j'ouvre le livre que j'avais refermé. Il chuchote.
- Bien allez-y.
- Je ne sais pas de devinette mais je sais une énigme. Vaut-il mieux avoir de la poussière sur ses meubles ou sur son âme ?
- D'où vient cette question ?
- Mère Saint-Jean estime qu'un peu de poussière sur un meuble choque Dieu.
- Et alors ?
- Moi, je prétends qu'un peu de poussière sur une âme est une offense pour lui plus grande.
- Qu'appelez-vous poussière sur une âme ?
- Je n'ai que le choix . L'hypocrisie par exemple.

- C'est mieux, bien mieux !
Il se lève fait quelques pas dans la pièce, souriant, affable et sans me quitter des yeux. Il revient s'asseoir en face de moi et sur un ton mondain, m'apprend que nous venons de lire un extrait des dialogues de son dernier film
les Anges du pêché écrit par Jean Giraudoux. Est-ce que je l'ai vu ? Non? Aucune importance. Et les Dames du Bois de Boulogne ? Non plus ? Il paraît enchanté, me félicite pour mon ignorance. Je suis étourdie par la rapidité de ses propos, charmée qu'il s'adresse à moi comme il s'adressait auparavant à Florence. Il se penche en avant, se rapproche.
- Vous allez me faire le plaisir et reprendre la lecture. Vous voulez bien me faire plaisir, n'est-ce pas ? Le même texte, en essayant de ne plus penser du tout à ce que vous dites. Vous comprenez ?
Cette demande murmurée ressemble à une prière.

- Je ne sais pas de devinette mais je sais une énigme. Vaut-il mieux avoir de la poussière sur ses meubles ou sur son âme ?"

...
-
C'est déjà votre famille qui vous manque ? Vous voulez les rejoindre ? Ne plus être séparée de votre mère
et la retrouver chaque soir après le tournage ?
- Oh, non !
En une seconde je passai des larmes au rire tant son erreur d'interprétation me semblait comique. Il desserra son étreinte, je me détachai de lui.
- C'est vous qui m'avez manqué !
Une émotion immense passa sur son visage. Il me reprit dans ses bras et me serra contre lui avec une sorte de ferveur fiévreuse. Je sentais les battements précipités de son coeur contre ma poitrine.
"C'est gentil, murmura -t-il, si gentil de me dire ça..." Puis brusquement il se releva et en m'indiquant la maison : "Rentrons, maintenant."

Couchée dans mon lit et sur le point de m'endormir, je l'écoutais faire sa toilette et jouer avec les deux chatons. Il s'émerveillait de leur espièglerie, riait ou les grondait avec des excès de tendresse et de joie. Un peu comme il le faisait avec moi, en somme... Et s'il nous aimait d'un même amour les chatons et moi ? "



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