vendredi 17 juillet 2009

"Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau

Œdipe sans la brûlure de la tragédie
Le Monde

Je crois que là c'est une critique comme on en lit sur les représentations d'Opéra qui se réfère à une soit-disant manière de faire...
C'est l'idée qu'ils en ont comme ici de la tragédie "brûlante".

de
Jacques Bonnaffé dans le spectacle "Sous l'oeil d'Oedipe" de Joël Jouanneau au Festival d'Avignon, le 10 juillet 2009.
AVIGNON ENVOYÉE SPÉCIALE

"Dans la note d'intention de Sous l'oeil d'Œdipe, présenté au Festival d'Avignon jusqu'au 26 juillet, Joël Jouanneau, l'auteur et metteur en scène, écrit que ce spectacle "est la tentative de retracer, en un même texte et pour un même soir, le destin sanglant des enfants de la maison de Labdacos (...) ; si je me suis lancé dans cette aventure, c'est pour comprendre, mais de l'intérieur, ce qu'est une malédiction."


Jouanneau s'est appuyé sur trois auteurs : Sophocle, Euripide et Iannis Ritsos, le poète grec contemporain à qui il emprunte le poème "Ismène". Nous verrons donc sur scène Antigone, Polynice, Etéocle et Ismène, les quatre enfants et frères et soeurs d'Œdipe. Leur mère Jocaste n'apparaît que dans les récits des personnages, femme, amante et mère devenue folle d'avoir pratiqué l'inceste.

La scène est un espace vide entre deux gradins sur lesquels les personnages se font face. A une extrémité, un mur brillant métallique signale l'entrée du palais maudit de Thèbes. A l'autre, un mur strié de gris mat annonce le royaume des dieux et des devins, de l'exil et de la mort. Sur le sol, une malle et un bâton noueux qui servira à Œdipe sur sa route de malheurs. Les comédiens ont de la place pour évoluer, dans ce dispositif démocratique qui met tous les membres du public au même niveau et facilite le propos de Joël Jouanneau : faire entendre la tragédie comme une affaire intime et policière.

Intime, parce que Jouanneau y met du sien, commentaires compris. Policière, parce que l'histoire se déroule à toute vitesse, en dépit des trois heures de spectacle, et qu'elle prend la forme d'une énigme qu'un auteur de romans noirs essaierait de résoudre. Cet auteur a un point de vue personnel et précis : Œdipe n'est pas coupable, puisqu'il ne savait pas ; ses fils sont responsables, parce que orgueilleux. Pour le spectateur, cette simplification a un effet "analyse-Berlitz" : un symptôme dévoile une cause, comme une lampe qu'il suffit de relier à une prise électrique pour qu'elle s'allume, et l'on passe au suivant, jusqu'à épuisement des stocks.

ACCENT DU NORD

Inutile de dire que la tragédie en prend un coup. Exit ce qui la fonde : l'effroi devant l'inconnu monstrueux en soi. Exit, par conséquent, l'effet cathartique de la représentation. Réduite à sa plus simple expression, l'écoute ne procure ni l'intérêt ni la brûlure intime qu'elle devrait engendrer. Comment croire à la folie de Jocaste quand celle-ci dit, par la bouche de sa fille Ismène : "J'ai donc fait ce que tant de mères ont rêvé" ? Comment ne pas sourire quand Cadmos traite Œdipe de "tordu" et lui dit : "Quel idiot j'ai été d'espérer me faire entendre d'un parricide. A te voir agir, on comprend que tu aies pris ta mère en noces" ? Et que penser d'Œdipe s'adressant en ces termes à son fils Polynice : "Dis-moi, petit frère..." ?

Cette façon de mener l'enquête sur les Labdacides et de vouloir à tout crin la relier au présent, pousse les comédiens de Sous l'oeil d'Œdipe à se lâcher d'une manière parfois improbable. C'est le cas de Jacques Bonnaffé. Quand il quitte son costume de lin blanc d'Œdipe roi de Thèbes et qu'il part sur les routes, en loques, les yeux crevés, il se met à chanter son texte comme s'il jouait à un comptoir, avec son talent et son accent de conteur du nord de la France pour le moins décalé dans la Grèce antique.

De la même façon, on se demande pourquoi Philippe Demarle (Polynice) et Alexandre Zeff (Etéocle), les frères ennemis qui se disputent le royaume de Thèbes, en viennent à exécuter une danse primitive, vêtus de jupes en paille, pour signifier leur combat mortel. Bien sûr, cela n'est pas tout, dans le spectacle de Joël Jouanneau, qui sait être aussi tenu - à certains moments - qu'il est relâché à d'autres. Mais ces excès n'incitent pas à l'indulgence."

Sous l'oeil d'Œdipe, de et mise en scène de Joël Jouanneau. Gymnase du lycée Mistral, Avignon. Tél. : 04-90-14-14-14. De 13 € à 27 €. Jusqu'au 26 juillet (relâche le 22), à 22 heures. Durée : 3 heures.

Brigitte Salino
Réactions...
Gabrielle Philomène :
"Réduire le magnifique travail d’acteur de Jacques Bonnaffé dans cette pièce à un travail de "conteur du Nord".."de comptoir", c’est bien affigeant comme critique. Est-ce que vous ne confondez pas un peu la pure brûlure de la tragédie et les clichés de l’héliotropisme à la mode ?
Je me demande ce que vous auriez écrit d’André Dhôtel qui voyait la Grèce dans le pays d’Ardenne ? Les rizomes, savez-vous, aiment perdre la boussole.

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